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sur 1026 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Retrouver Édouard Louis est émouvant car la lecture de son premier livre : En finir avec Eddy Bellegueule, m'avait impressionné et ému à la fois. Pourtant, je n'ai pas lu encore Histoire de la violence

Qui a tué mon père, titre de ce recueil de confidences et de souvenirs, ne comporte pas de point d'interrogation car ce n'est pas une question, plutôt une introspection, l'introspection d'un fils qui parle de son père, un père qui ne peut pas répondre puisqu'il n'est plus de ce monde.
Souvenirs douloureux, émouvants parfois se succèdent, sont datés sans ordre chronologique et ce qui me frappe une fois de plus, c'est la terrible hostilité d'un père envers un fils qu'il aime profondément mais dont il ne peut accepter la féminité. Cette féminité, Édouard Louis l'affiche, l'assume et en subit les conséquences à la maison et en dehors.
Il y a aussi l'usure d'un homme brisé par le travail et là, le livre sort de la sphère familiale et du couple que formaient ses parents, couple dont il ne cache pas les échecs et la rupture. Édouard Louis met franchement en cause ces hommes politiques qui remplacent le RMI par le RSA (Nicolas Sarkozy et Martin Hirsch), pondent une Loi Travail (François Hollande, Myriam El Khomri et Manuel Valls) causant de véritables désastres dans la vie quotidienne des plus humbles.
Les conséquences ont été désastreuses pour la santé de son père et l'auteur insiste pour qu'on cite les noms puis ajoute : « On ne dit jamais fainéant pour nommer un patron qui reste toute la journée assis dans un bureau à donner des ordres aux autres. »
La période actuelle n'y échappe pas puisque, à peine élu, Emmanuel Macron a enlevé cinq euros aux plus faibles pour, en même temps, baisser les impôts des plus riches. Ainsi, l'histoire du corps de son père se calque sur l'histoire politique du pays et c'est bien de le démontrer.
Qui a tué mon père est un écrit plein de sensibilité, d'amour, de ressenti et de regrets. C'est tellement plein d'humanité, de vie, cet amour d'un fils pour son père, malgré les meurtrissures de l'enfance, de l'adolescence puis de l'âge adulte !

Tout cela est conditionné par la vie politique et des décisions qui bouleversent nos vies, prouvant, si cela était nécessaire que François Ruffin a raison de titrer son dernier livre, s'adressant au Président de la République : « Ce pays que tu ne connais pas. »


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Qui a tué mon père est un petit livre de seulement 84 pages - mais ô combien dense et intéressant – dans lequel Édouard Louis s'adresse à son père qui, âgé d'à peine plus de cinquante ans, est quasiment invalide : « Tu appartiens à cette catégorie d'humains à qui la politique réserve une mort précoce. »
Dans la plus grande partie du livre, l'auteur se remémore certains souvenirs d'enfance ou d'adolescence et les réactions de son père qu'il tente de comprendre et d'analyser. Il s'aperçoit que la violence que montrait parfois son père exprimait souvent de la colère sociale et cachait l'amour qu'il avait pour son fils et qu'Édouard Louis n'a pas toujours compris.
Cet homme aurait voulu avoir une autre vie mais il n'a pu échapper au travail de l'usine. C'est là qu'il sera victime d'un accident du travail qui lui broie le dos. Il s'en remettra mais très difficilement, les douleurs ne vont plus le quitter. Pour ne pas perdre son droit aux aides sociales, il a dû accepter un travail de balayeur, toujours penché alors que son dos était détruit.
Édouard Louis, dans la dernière partie du livre, va passer en revue les différents présidents de la République et leurs ministres qui, par leurs lois, ont tué des travailleurs comme son père. Il n'en épargne aucun et nous rappelle précisément les années et les lois ou réformes : « Hollande, Valls, El Khomeri, Hirsch, Sarkozy, Macron, Bertrand, Chirac. L'histoire de ta souffrance porte des noms. L'histoire de ta vie est l'histoire de ces personnes qui se sont succédé pour t'abattre. L'histoire de ton corps est l'histoire de ces noms qui se sont succédé pour le détruire. L'histoire de ton corps accuse l'histoire politique. »
C'est un bouquin très personnel, intimiste, très pudique aussi et c'est en même temps un texte universel et politique dans lequel Édouard Louis exprime avec force la colère qu'il a vis-à-vis des politiques qui ont brisé son père.
Le titre, Qui a tué mon père, ne comporte pas de point d'interrogation car c'est une réponse que l'auteur apporte dans ce livre, un livre très contemporain, un livre bouleversant !

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J'ai tout entendu sur ce livre : indigent, ni fait ni à faire, simpliste, creux, inutile, un livre qui se moque du monde… Une telle volée de bois vert peut sembler suspecte. Ayant lu et vraiment beaucoup aimé En finir avec Eddy Bellegueule et Histoire de la violence, je me devais de jeter un oeil sur le dernier opus qui déchaîne actuellement les passions.
Eh bien... qu'il est beau ce livre !!!!
Complètement essentiel à mes yeux.
Avec des phrases simples, il dit exactement et précisément l'immense douleur du fils qui ne reconnaît pas son père. C'est quand même quelque chose ça ? Ne pas reconnaître son père ! Non ? Ce fils qui voit le corps du père usé jusqu'à la corde, pompé par le boulot, le corps d'un homme qui, à cinquante balais, ne peut plus marcher, ne peut plus respirer. Alors ce fils accuse. Il dit les noms de ceux qui, du haut de leur tour d'ivoire, n'imaginent même pas une seule seconde que leurs décisions politiques puissent avoir des conséquences directes, concrètes et terribles sur les plus démunis. Parce que « La politique ne change pas la vie » de ceux qui la font. « Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question d'esthétique, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c'était vivre ou mourir. » Faut-il rappeler que quelques euros en moins signifient pour certains des fins de mois où l'on ne donne aux gamins que des tartines de pain, le soir ? Au mieux. La cantine du midi a intérêt à être à la hauteur. C'est débile de rappeler des choses comme ça ? Je suis enseignante et je vois des parents d'élèves aux doigts noircis par le gel des compartiments frigorifiques de l'entreprise où ils travaillent toute la nuit, des gens pliés en deux à cause des charges qu'ils transportent toute la journée et ces gens-là me disent : mon gamin faut qu'il fasse autre chose, moi ma vie est pourrie, faites ce que vous pouvez, madame.
Des gens détruits, bousillés, épuisés, bouffés par leur boulot. Pas même besoin d'un accident de travail pour être réduits à néant.
Pourquoi ne pas pointer du doigt les responsables ? Pourquoi ne pas citer des noms ? Pourquoi rester dans l'abstrait ? Encore une fois, les choix politiques ont des répercussions concrètes sur les gens.
« L'histoire de ton corps accuse l'histoire politique »
Quand je lis que ce livre est simpliste, ça me fait sortir de mes gonds.
Non, ce livre dit clairement que dans notre société, certains ont « une existence négative » : « Tu n'as pas eu d'argent, tu n'as pas pu étudier, tu n'as pas pu voyager, tu n'as pas pu réaliser tes rêves. Il n'y a dans le langage presque que des négations pour exprimer ta vie. »
« Ta vie prouve que nous ne sommes pas ce que nous faisons, mais qu'au contraire nous sommes ce que nous n'avons pas fait, parce que le monde, ou la société, nous en a empêchés. Parce que ce que Didier Eribon appelle des verdicts se sont abattus sur nous, gay, trans, femme, noir, pauvre, et qu'ils nous ont rendu certaines vies, certaines expériences, certains rêves, inaccessibles. »
Sur quelle planète vivent ceux qui jugent ces propos creux ou inutiles ???? N'ont-ils pas entendu ne serait-ce que l'écho de certains combats? Ne savent-ils pas que pour les catégories citées ci-dessus, il faut encore se battre pour être respecté, pour trouver du travail, un logement, pour ne pas se faire cracher dessus ? Rien n'est acquis. Et des livres comme celui d'Édouard Louis le disent. Pas de langue de bois, pas de propos vaseux. Rien de sibyllin. La langue est claire, nette, dépouillée, elle heurte par sa franchise, sa netteté, sa vérité. Elle dérange parce qu'au fond, toute interprétation est devenue inutile. C'est clair comme de l'eau de roche et tellement évident que ça devient gênant !
Peter Handke dans le malheur indifférent (1972), texte qui a beaucoup influencé Édouard Louis, parle de sa mère qui s'est suicidée à l'âge de 51 ans en ces termes : « Naître femme dans ces conditions c'est directement la mort… Fatigue / Épuisement / Maladie / Maladie grave / Mort. » CQFD. Et c'est la rage qui pousse l'auteur à dénoncer ce que la société a fait à sa mère, ce que la société fait aux femmes.
Il y a aussi dans le roman d'Édouard Louis le retour vers le père et c'est magnifique, d'une beauté sidérante dans le dépouillement des mots employés : « Il me semble souvent que je t'aime. » Dans les mots si simples de l'auteur, j'entends la voix du petit garçon « Tu as dit que tu n'avais jamais connu d'enfant aussi intelligent que moi. Je ne savais pas que tu pensais tout ça (que tu m'aimais?). Pourquoi est-ce que tu ne me l'avais jamais dit ? »
Faites ce que vous voulez, moi je pleure.
Magnifique, sublime et indispensable.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Après "Pour en finir avec Eddy Bellegueule", je viens de terminer "Qui a tué mon père ?", et la beauté va crescendo. Une magnifique écriture, poétique, musclée, simple, sans afféterie. La relation père/fils magnifiée par le travail sur la chose politique, le retour sur soi, la chance et le courage inespérés d'aller vers l'autre, et ce n'était pas gagné d'avance : pour un fils d'aller vers son père, pour un père d'aller vers son fils.
Malgré, malgré la vie, le poids du passé, les erreurs.
Je suis très émue par ce livre, petit de taille et grand par sa portée. Je l'avais emprunté à la bibliothèque, je vais l'acheter pour pouvoir le relire et y réfléchir. Pas de problème, il tient dans la poche !
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Le temps des colères s'apaise. Celle du père et celle du fils. Et enfin, il devient possible de se voir, se reconnaître.

C'est beau comme le début d'un je t'aime.

Mais aussi le témoignage de la misère qui broie et avilit. Un réquisitoire contre les politiques qui stigmatisent les faibles et tailladent les aides sociales.
Lien : http://noid.ch/qui-a-tue-mon..
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Introduction à Edouard Louis après être totalement tombée sous son charme en le découvrant sur le plateau de la Grande Librairie il y a quelques jours. J'ai décidé de commencer (par facilité) par le texte le plus court que j'ai trouvé de lui. Mais en littérature la taille n'est indicateur de rien, on le sait, et Qui a tué mon père en est un bel exemple.
A la lecture du titre on aurait cru avoir entre les mains une sorte d'enquête pseudo policière, ou bien une réflexion métaphysique sur le sens de la vie et la mort. S'il s'agit bien au départ d'un récit de vies, celles d'un père et son enfant traumatisé, incompris et brutalisé, il est vite question de bien plus qu'eux. Il est question de société, d'humanité. Il est question de la violence humaine mais aussi la violence politique. Il est question de gouvernements qui tuent.
Grâce au génie littéraire dont fait preuve Louis, le récit nous élève au fil de la lecture à une réflexion générale en partant de ce vécu qui est le sien. le schéma est classique, mais la réalisation est brillante. On ne s'y attend pas (du moins moi qui y suis allée les yeux fermés), et c'est magique, percutant, bluffant.
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J'aime les livres volontairement courts, je déteste le délayage! Ce petit livre moins dur que En finir...montre l'affection réciproque paradoxale du père et du fils. J'ai repensé au livre de Marcel Mauss: "Les techniques du corps"; le corps est marqué par la société et pas seulement par la nature. Disciple de Bourdieu (mon prof à Lille en 64!!), admiratrice d'Annie Ernaux et d'Olivier Adam, j'apprécie le fonds mais aussi la forme, il sait écrire.
Lien : http://cafelitterairedelambe..
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cc les amis , cet auteur qui est de gauche a écrit dans ce petit livret le début de sa vie et du coup l'histoire de son père qui comme beaucoup d'ouvrier a souffert dans son Corp. et son esprit durant sa vie professionnel . bonne lecture les amis et n'hésitez pas a découvrir ce livret et cet auteur.
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A lire après "En finir avec Eddy Bellegueule" de préférence, pour avoir le contexte. L'auteur précise ici le portrait de son père, l'approfondit et décrit leurs relations teintées de non dits et de silences. Il nous livre son constat froid : les politiques et le système des classes sociales tuent son père.
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Un très joli roman autobiographique sur le retour vers son père, un père, qui, souvenez-vous, ne voulait plus entendre parler de son fils (En finir avec Eddy Bellegueule). Un témoignage poignant sur les violences de la vie de tous les jours sur les travailleurs. Un livre utile qui dénonce les décisions politiques et leurs conséquences sur ceux qui "vont au charbon". Un livre sur l'amour d'un fils pour son père. Beau, triste et malheureusement réél...
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