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3,65

sur 283 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"Dream on my dear...
It's a sleep from which you may not awaken."
(Dead Can Dance, "The Ubiquitous Mr. Lovegrove")

En tant qu'écrivain, Mr. Lovegrove possède vraiment un rare don d'ubiquité... cela fait d'ailleurs tout son charme.
On le trouve tantôt dans le passé, tantôt dans le futur, en visite privée à Baker Street 221b, en mission officielle à Arkham, ou encore à parcourir incognito le plus grand "gigastore" du monde.
J'étais vraiment curieuse de "Days".
Dans ses pastiches, Lovegrove se débrouille à merveille en écrivant "comme Doyle" : il a le style, le vocabulaire, l'humour intelligent, et ce roman était une bonne occasion de le découvrir enfin en écrivant simplement "comme Lovegrove".
Le livre date de 1997, et j'essaie de comprendre ce qui a motivé les éditions Bragelonne pour le ressortir à nouveau à la lumière du jour en 2021. Avant l'avènement de l'internet, on aurait pu qualifier "Days" de pur roman d'anticipation, mais Lovegrove n'a pas pu imaginer les possibilités du virtuel, ni les changements dans nos habitudes d'acheter qui en découleront. Vu sous cet angle, ce roman qui a déjà un bon quart de siècle s'est transformé en une sorte d'uchronie, ce qui le rend d'autant plus intéressant à l'heure actuelle.

"Tout ce qui est vendable est chez Days, et tout ce qui est chez Days sera vendu" : voici le principe de base de ce luxueux temple commercial de 700 hectares, où on peut trouver tout ce que le coeur désire : depuis une boîte d'allumettes rarissime, en passant par casseroles, cravates, armes, ordinateurs, machines agricoles, plantes, animaux sauvages... ou même êtres humains. Days est un rêve devenu réalité ; un symbole inébranlable de la prospérité du pays et de ses prospères habitants.
Il n'est pas évident d'obtenir la "carte de Days", ce rectangle magique en plastique qui vous autorise à y dépenser tout votre argent. Mais même si vous ne possédiez qu'une pauvre carte Aluminium bas-de-gamme, vous serez toujours un élu, un privilégié qui peut regarder de haut les misérables lèche-vitrines agglutinés devant, qui se consomment eux-mêmes d'envie et de frustration. Vous, vous pouvez parcourir à volonté les 666 immenses rayons en quête de votre bonheur, limité tout au plus par la "couleur" de votre carte.

Lovegrove ne propose guère plus que l'autopsie d'une journée ordinaire dans ce magasin. Ceci dit, une journée n'est jamais tout à fait "ordinaire" chez Days, et celle-ci le sera encore moins.
A commencer par Frank, qui décide de jeter l'éponge au bout de trente trois ans de bons et loyaux services. Frank est employé comme "fantôme", un gardien qui se fond dans la masse et repère tout et tous ceux qui peuvent nuire à Days. C'est un fin limier, peut-être le meilleur, mais la machinerie huilée de Days l'a doucement transformé en "fantôme" véritable, dont la substance se limite aux quatre murs du gigastore. Il veut s'en sortir avant qu'il ne s'efface pour de vrai. Il commence la journée avec la ferme intention de donner sa démission avant sa fin. C'est loin d'être simple, d'autant plus que le travail ne manquera pas, ce jour-là.
Puis voici Linda, qui a tout sacrifié pour obtenir sa carte Silver. Ses voisines sont vertes de jalousie derrière leurs rideaux, en la regardant partir pour la première fois chez Days... mise sur son trente et un, et en taxi, s'il vous plaît ! Malgré un mari un peu récalcitrant comme compagnon, elle sait que rien ne gâchera le plaisir de ce grand jour. Elle a tellement hâte de découvrir la caverne magique et ses usages codifiés ! Et elle ne sera pas déçue....
Et puisque ce monstre commercial de génie doit être dirigé par quelqu'un, la troisième ligne narrative nous fait monter dans le royaume au septième - et dernier - étage, d'où les sept frères Days gèrent avec la régularité d'une horloge l'héritage de leur père Septimus.

Le chassé-croisé de tout ce beau monde est passionnant. J'admets que l'histoire numérologique des sept frères m'a moins enchantée, mais elle a son importance, car toute cette belle harmonie qui repose assez ingénieusement sur le chiffre sept va s'écrouler peu à peu au cours de la journée... et le lecteur aura la chance d'y assister.
Lovegrove nous livre en prime une bonne (à la fois drôle et terrifiante) satire du consumérisme, avec ses cartes "privilège", les soldes VIP et les "ventes flash", capables de transformer les clients distingués en guerriers barbares, qui ne savent plus ce qu'ils achètent ni pourquoi, mais ils sont prêts à tout pour l'avoir. Bien sûr, Lovegrove voulait aller ad absurdum et imaginer le pire, alors toute ressemblance avec les bagarres pour un pot de Nutella à - 70% en 2018, la ruée sur le PQ en 2020, et toute autre chose qui vient à l'esprit reste purement fortuite.
Rien de fantastique, presque rien d'une SF, seulement une journée dans un grand magasin imaginaire ; un récit faussement banal qui peut parfois bercer le lecteur par de distrayantes descriptions de l'opulence de Days, et par une lénifiante visite guidée du mécanisme de ses rouages... pour le tirer ensuite violemment de ses rêveries. 4/5, le discret Lovegrove,"l'une des figures de proue de la nouvelle SF britannique" (dixit la quatrième de couverture), m'a convaincue une fois de plus.
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Satire sociale sur l'hyperconsommation
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Bienvenue dans le magasin où tout s'achète (même des animaux sauvages).
Imaginez un giga store de plusieurs étages, situé au centre-ville d'une grande mégapole, 666 rayons où vous trouverez tout article qui suscite l'envie de le posséder. Un roman d'anticipation qui montre les dérives poussées du consumérisme. Avec un endettement certain qui va jusqu'à l'expulsion voire le bannissement des clients. Car chez Days , le client est roi à condition qu'il ait un compte bancaire bien garni.
*
Accompagné d' un couple lambda, fiers détenteurs de la carte privilège, nous déambulons dans ce magasin et vivons cette aventure au plus près. Il y a également le vigile désabusé, attendant de prendre sa retraite très prochainement, et la tête pensante de ce conglomérat, les sept frères héritiers.
A travers le prisme de cet échantillonnage, l'auteur dénonce les travers de nos concitoyens. La consommation à outrance décrite ici avec finesse et cynisme n'est plus de la science-fiction malheureusement.
*
Une fable contemporaine intéressante sur le plan sociologique.
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Nous sommes jeudi et les choses s'annoncent immuables dans le meilleur des mondes. A 9:00 selon un rituel bien établi, les sept fils de Septimus Days ouvriront le gigastore conçus par leur père – Magasin qui porte simplement et modestement son nom : Days. gigastore : Cette immense surface de vente de plusieurs kilomètres et de sept étages. Selon le principe édicté par leur aïeul : "Tout ce qui est mis en rayon sera vendu, tout ce qui est vendable sera mis en rayon ". Oubliez alimentation et produits ménagers, oubliez habillement et cosmétique. Pensez artisanat du monde, pensez ménagerie qui accueille animaux domestiques et sauvages. Et ne vous étonnez pas que si certains plaisirs sont tarifés à l'extérieur, ils le soient ici...
Mais pour certains, ce jeudi est le premier jour. Et pour d'autres, le dernier. Pour Linda et Gordon Trivett – enfin surtout pour Linda – ce jour bénit est arrivé. On n'entre pas dans le premier gigastore du monde sans la carte de crédit idoine. Après de nombreux sacrifices, le couple est y est arrivé : Munis de leur précieux sésame, ils s'apprêtent a franchir les portes de ce temple de la consommation. Pour Francis – Franck – Hubble c'est l'inverse. Demain Franck sera libre. Agent de sécurité pour le magasin, il a décidé de donner sa démission. Formé par l'académie-maison il est devenu un Invisible. Au sens figuré, c'est un employé modèle doué pour passer inaperçu et arrêter les voleurs. A sens propre, il a atteint un tel degré de dépersonnalisation que plus personne ne le voit... Lui-même ne se distingue presque plus dans la glace. Alors il part avant de disparaître totalement...
Immense magasin, Days est aussi un microcosme. Un univers impitoyable – Sue-Hellen s'appelle Sonny, mais il boit autant - . Un haut lieu de la lutte des classes où les gosses de riche maltraitent les petits consommateurs en affutant les bords de leur carte de crédit. Où les ventes flash à – 15 % deviennent le prétexte au déchainement de la fièvre consumériste. Où le rayon livre même un combat perdu d'avance – enfin en sommes-nous si sûr – contre le rayon informatique.

Dans un style très anglo-saxon : Entre humour so british et sous-entendus profonds James Loevegrove nous donne à lire une fable moderne. Que dire sinon que tout ce qu'il expose ici pourrait être si vraisemblablement plausible. Un conte qui ne commence pas par " Il était une fois " et ne fini pas par " Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants." Mais une intéressante réflexion sur les être(s) et les avoir(s). Une lointaine parenté avec le film " The Truman Show "...
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Que dire de ce roman ? Je ne me lancerai pas dans un résumé de l'histoire.
Juste dans mon ressenti.
Pour moi, ce n'est pas vraiment un roman.
Il n'y a pas vraiment de personnages principaux. Juste quelques personnes dont on suit l'aventure d'un jour au sein de ce mégastore, notamment la nouvelle cliente et son mari, ainsi que Franck, le "fantôme" chargé de la surveillance du magasin.
En fait, le personnag eprincipal et omniprésent de ce livre est le magasin en lui-même. Un personnage, on l'aime ou on ne l'aime pas. Dans ce cas-ci, il semble très convoité, très séduisant, voire indispensable à la vie des clients. Pourtant, il ne m'a pas paru particulièrement sympathique.
N'étant pas une adepte des centres commerciaux, j'avoue ne pas avoir eu envie de me rendre dans un tel lieu, s'il existait. (D'ailleurs, nous n'en sommes pas très loin parfois).
J'ai été attiré par ce livre justement par ce côté extrême de la consommation futuriste.
Les clients vivent pour ce lieu "magique".
Les employés vivent grâce à ce magasin, quasi-ville, quasi-autosuffisant.
Les propriétaires vivent dans et par cet espace.
Sans dévoiler la fin du livre, chacun en sortira d'une façon ou d'une autre...
Alors que le mégastore Days semble indispensable, il fait aussi ressortir le pire de chacun des protagonistes.
Pour moi, ce mégastore est comparable à une drogue dure.
A chacun de s'en sortir, s'il le désire, tant bien que mal...
Ce livre est une critique de ce que pourrait devenir notre monde face à la consommation, face aux autres...
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Plus qu'un roman de science-fiction, Days est une caricature des grands centres commerciaux, et à ce titre relève plus d'un fantastique dystopique. C'est un conte satirique, cruel et cynique sur la société de consommation. Si cette histoire est plutôt terrifiante, c'est parce qu'elle est assez réaliste et pas très éloignée de notre vécu. Heureusement il y a aussi quelques petites lueurs de poésie et d'espoir (la rencontre de la tigresse blanche de la ménagerie, le rendez-vous au café). Days, le gigastore, est une affaire familiale dirigée par les sept fils de Septimus Days, son fondateur mégalo, coupés du monde et du réel. Rien de ce qui se passe dans les murs de Days n'est extrêmement différent de notre univers, juste poussé à l'extrême, jusqu'aux discrets agents de sécurité qui deviennent des fantômes. Et jusqu'aux ventes flash,qui, si elles paraissent caricaturales, n'en sont pas moins assez proche de certaines scènes de soldes, d'émeutes autour d'une certaine pâte de noisette lors d'une promotion (en 2018 en France !), ou de bagarres pour du papier hygiénique (en France mais aussi dans d'autres pays en 2020). La caricature du conflit entre le rayon librairie et le rayon informatique, pour les besoins de l'intrigue, est juste un peu trop caricaturale, quasi burlesque. J'aurais apprécié un peu plus de légèreté. Dans ce roman deux leitmotivs dominent, omniprésents : le chiffre 7, comme les 7 fils du fondateur, auquel il est fait référence de façon anecdotique en tête de chaque chapitre, et puis le regard (qui a beaucoup d'importance pour plusieurs personnages). Ce roman m'a fait irrésistiblement penser à l'apparition des premiers hypermarchés et centres commerciaux en Russie (vers l'an 2000, le premier supermarché à l'occidentale étant apparu en 1995) : impossible de payer en liquide ou par chèque (inexistant), les seuls moyens de paiement possibles étant les cartes de crédit (très rares alors) ou des cartes de paiement du magasin préalablement chargées par le client (c'est à dire que le client place beaucoup d'argent pour charger une carte qui ne permet d'utiliser cet argent que dans un seul et unique magasin!) Je me rappelle aussi avoir lu vers la même époque en cherchant s'il y avait un courant altermondialiste en Russie que le summum de la rébellion consumériste était de rentrer dans un hypermarché, de le parcourir et de ressortir sans achat ! Apparemment c'était tellement saugrenu qu'au minimum c'était deux heures à passer avec des vigiles qui ne comprenaient pas pourquoi un client se comportait d'une façon si aberrante! Bref, on n'était alors pas loin de Days. A lire avant d'aller faire les soldes !
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Tout peut être mis en rayon et tout ce qui est mis en rayon peut être vendu ! C'est en se basant sur cette maxime que le magasin Days, le plus grand et le plus beau gigastore d'Europe, a été construit. Fort de ses 666 rayons, le magasin reçoit chaque jour des milliers de visiteurs détenteurs de cartes Gold, Silver ou Aluminium, tous conscients de leur position d'heureux privilégiés. Car dans un monde où la pauvreté est partout, où tout va à vaut-de-l'eau en politique comme en économie, être client chez Days n'est pas seulement une commodité, c'est un rêve, le fantasme de millions de petits travailleurs désireux de s'élever au-dessus de leur caste sociale. Et ce rêve, Laura et Gordon Trivett viennent enfin de le réaliser ! Ce jeudi, ils vont mettre pour la première fois les pieds dans l'enceinte sacrée du magasin, participer aux émoustillantes ventes flash et accéder à ce statut envié de tous, celui de consommateur.

Mais si certaines personnes brûlent d'entrer dans le magasin, d'autres n'ont qu'une envie, le quitter. C'est le cas de Franck, membre du service de sécurité de Days et si habitué à fondre sa personnalité dans celle du gigastore qu'il ne distingue même plus son reflet dans les miroirs. Avant de se perdre totalement, Franck décide de prendre la fuite : ce jeudi sera son dernier jour dans le magasin. Mais tout ne se passe pas comme prévu, pour les uns comme pour les autres. Car des rumeurs d'insurrection grondent dans les entrailles de Days... le rayon des livres a déclaré la guerre à celui de l'informatique qui ne cesse de lui voler des clients et de l'espace de vente, un conflit que les sept directeurs de Days – les sept fils de Septimus Days, fondateur du magasin – ont trop longtemps ignoré, absorbés qu'ils étaient par leurs rivalités fraternelles. Pour défendre la cause de la Littérature et se venger du gigastore qui récompense si mal ses années de loyaux services, la directrice du rayon des livres est prête à toutes les extrémités, même les pires…

Si ce livre me fait penser à un film, c'est bien à « Brazil » de Terry Gilliam, mais là où le réalisateur américain s'attaquait avec un humour noir ravageur aux dérives de la bureaucratie, Lovegrove, lui, prend pour cible le consumérisme à outrance. Les deux oeuvres ont en commun le même humour grinçant, la même foudre satirique, le même goût pour l'absurde et la même cruauté acide. Véritable temple dédié au dieu Argent, le gigastore Days est une jungle, un monde impitoyable où les plus forts dévorent sans trêve ni complexe les plus faibles, où des jeunes fils de riches balafrent le visage de pauvres bourgeois du bord aiguisé de leurs cartes Gold pour le simple plaisir de prouver leur prééminence sociale. Roman à la fois inquiétant et jubilatoire, « Days » s'avère un digne héritier de « Fahrenheit 451 » de Bradbury et de « 1984 » d'Orwell.
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J'ai passé un très bon moment au cours de cette journée qui se déroule chez Days. On lit avec aisance cette description de réalité alternative. On se balade dans les rayons, trouvant tout cela dingue !
Sur une journée, on suit trois destins, trois points de vue différents sur le gigastore :
- Frank : employé depuis 30 ans
- Linda et Gordon : clients pour la première fois
- les sept frères Day : propriétaires et décisionnaires de Days
C'est la journée et les détails concernant ces derniers qui m'a le plus enthousiasmé.

Les épisodes des ventes flash, où les gens deviennent dingues pour avoir 15% de réduction sur des produits dont ils ignoraient l'existence et donc dont ils n'avaient pas besoin d'acheter, sont criants de vérité, tragiquement...

Sympa le clin d'oeil pour le nom donnée à la responsable livres : Rebecca Dalloway :,-)
Bon, à ce propos, je suis un peu perturbée par la fin ; il fallait bien trouver comment terminer le livre mais je n'ai que peu adhéré au pétage de plomb de cette dernière.
De manière générale, la fin est glauque et cruelle (cf : Sonny, petit dernier des frères Day)... mais finalement n'est-ce pas tout ce mode de consommation qui est le plus affreux et cruel ?

Dernier détail : j'ai aimé les citations/apartés en début de chapitre.

Pour conclure, moi qui cherchais à entrer dans la SF, entrée appréciée et réussie !

PS : Heureusement, d'après de récentes études, il semble que l'on s'oriente vers une décroissance consumériste et moins d'achat en très grandes surfaces. Ouf !

~ Challenge 50 objets-2 : escalator
~ Challenge multidéfis 20 : titre avec mot non francophone
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Satire cinglante de la société de consommation, Days est l'une des plus récentes résurgences de la SF sociale et revendicatrice des années 70... Dans la veine de Brunner, Spinrad ou Ballard, Lovegrove réussit à réveiller cette petite voix révoltée qui sommeille en nous, et fouette notre soif de revanche face au formatage insidieux mais irrémédiable de la société d'aujourd'hui (et hier, et demain).
Un bouquin qui imagine la vie d'un gigantesque magasin (la taille d'une cité), devenu le point central de la vie de bon nombre de personnes, objet de fascination, mais aussi obsession névrotique pour beaucoup.
Et dans tout ça, l'individu. Un individu lambda, agent de sécurité, qui sent sa personnalité s'effacer face à son propre reflet, et décide un jour, sous diverses impulsions, de tout envoyer bouler.
Cet individu, c'est vous.
Cassez tout !!
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UNE JOURNÉE EN ENFER...

Un gigastore ("sans doute le plus beau du monde"... A moins que ce ne fut le pire ?), énorme bloc dominant la ville avec ses deux kilomètres et quelque de côtés, partageant un peu de son intimité de vitrines à des spectateurs pauvres mais fascinés, ses 7 étages, ses 777 rayons, ses 7 frères, fils monstrueux et misanthropes de feu Septimus Days, le cadet des 7 étant d'ailleurs le septième fils d'un septième fils. Et les références à cette numérologie hautement symbolique (tout particulièrement dans la bible) fait florès tout au long du roman.
Un "fantôme", Franck Hubble (une référence au célèbre télescope spatial, qui voit tant -tout- sans que personne ne le voit lui-même ?), salarié du gigastore, dont le rôle, au sein de la "sécurité tactique" est d'être à ce point invisible au monde qui l'entoure que personne ne le voit jamais réellement, pas même lui et son reflet dans le miroir de sa salle de bain, et bientôt arrivé au bout du bout après trente années de "bons et loyaux services" comme le veut l'expression consacrée.
Un couple parfaitement déséquilibré, Linda et Gordon Trivett. Elle, impitoyable et décidée, est le centre et l'âme du couple. Lui, comptable de banque mou, triste et sans rêve se contente le plus souvent d'acquiescer et de suivre. Devenant enfin, au bout de cinq années de privations, détenteurs de la fameuse carte Days. Seulement de type "silver", mais leur précieux malgré tout.
Les sept fils de Septimus Day Mungo, Chas, Wensley, Thurston, Frederick, Sato et Sonny, (sic !), sept hommes d'affaires hiératiques et intraitables, confortablement installés dans leurs appartements du septième étage du gigastore ("probablement le plus incroyable au monde"... A moins que ce ne fut le plus abject ?) et qui dirigent l'ensemble, vérifient et jouissent des rapports de ventes quotidien du lointain de leur bureau, autour d'une table ronde en purs chevaliers d'industrie sans âme et sans pitié -et possiblement tarés. A l'exception d'un seul, peut-être...
Une cheffe de rayon prête à tout (à vraiment tout) pour que son petit empire survive et triplement survivante : au décès du fondateur, dont elle ne cesse de se souvenir non sans quelque regret ; à la restructuration (à perte) de son rayon, suite à l'installation des frères Day à l'étage supérieur ; à la perte de vitesse de terrible de périmètre de vente, la librairie, au détriment de l'emplacement du rayon informatique, toujours plus profitable. Jusqu'à provoquer une véritable guerre de tranchée entre ses "Rats de bibliothèque" et les "Technoïdes" du département honni.
Une cliente russe, Mme Shukov, ayant perdu sa carte "Platinum" lors d'achats quelques jours auparavant et, dans un jeu de balance improbable, retrouvant une grande part de sa lucidité d'individu pensant.
Un chef de service, M. Bloom, entré à la sécurité quelques brèves années avant son meilleur fantôme, le sus-nommé Franck, mais qui envie ce dernier en secret ayant dû raccrocher après un drame professionnel dont il ne s'est jamais départi. Son rôle, bien que plus passif qu'acteur n'est pas à négliger dans cette monstrueuse machinerie consumériste.

James Lovegrove va, structurellement, de manière assez grossière mais très efficace, vive et riche de détails, développer ces quelques lignes narratives principales et secondaires, un peu à la manière de Quentin Tarantino dans son film Pulp-Fiction, et maintenir son lecteur dans un rythme haletant tout au long de son roman. Il va aussi très amplement développer la thématique ésotérique du nombre SEPT (et sa déclinaison maudite, moins visible mais pourtant présente, du nombre SIX), les "Dieux" - leurs employés leur attribuent le qualificatif de "maîtres", ce qui situent la place qu'ils se sont attribué, non seulement au sein de l'édifice, mais dans leur rôle de purs Seigneurs, aussi bien au sens symbolique qu'au sens médiéval - vivants donc, presque parfaitement reclus, sur le toit de leur monde (une sorte de Jérusalem Céleste ?). Sauf qu'en préférant vivre leur rêve de stricte autarcie, plutôt que dans la ville maudite auprès des gueux et bien que protégés d'eux par la propriété paternelle, ils ont diminué le nombre total de rayonnages, drastiquement et toujours aussi symboliquement du point de vue de la numérologie biblique, ceux-ci passant de la triple Divinité Bienfaitrice du 777 à celui de l'empire du Démon, le 666 ! Lovegrove, qui place ainsi cette folie consumériste de notre temps - on assiste ainsi à des scènes d'une violence inouïe à l'occasion de "ventes flash" d'un intérêt pourtant bien médiocre, et qui ne sont pas sans rappeler les démonstrations de folie pure de clients attendant des heures devant leur magasin préféré puis se comportant comme des fauves lâchés fonçant sur leur proie dès l'ouverture des rideaux de fer -, de la communication commerçante et du merchandising omniprésent dans l'univers diabolique (le vert dollar est aussi omniprésent et les références à Mammon courent tout au long de l'oeuvre).

Roman à charge, donc, contre cette société du tout, tout de suite, mais pas pour tout le monde (le magasin décompose stratégiquement, en sept types bien sur, et de manière infamante pour les plus bas niveaux, à plus forte raison les exclus du système, le niveau de vie des possesseurs de carte en vertu de leur apparence métallique : Iridium, Platinum, Gold, Silver, etc). Roman violent aussi, puisque des gens meurent d'avoir voulu consommer frénétiquement, ou d'avoir osé un vol à la tire, malgré l'hyper-flicage du magasin, et la peine quasi insurmontable de se faire retirer, définitivement, sans sommation ni possibilité de rachat, sa carte d'accès après avoir été attrapé. Roman réinterprétant un certain classicisme formaliste, enfin, puisque l'ensemble s'y déroule sur une seule journée, en un seul lieu et tend à une parfaite unité d'action, malgré les circonvolutions : rendre encore et toujours possible l'acte de consommer, consommer et encore consommer, quoi qu'il advienne. Roman se construisant autour de la numérologie, enfin, puisque celle-ci est ubique de bout en bout du texte. Jugez-en un peu : 7 frères Day portant chacun un prénom identifiable à un jour de la semaine, d''un père lui-même septième enfant et qui se prénommait septimus et qui dirigent sous forme d'Heptarchie (imparfaite, mais je vous le laisse découvrir) un gigastore de 7 étages et anciennement 777 rayons au total où un agent de sécurité vit ses 7 dernières heures avant de vouloir démissionner. 8 niveaux de cartes Days, mais 7 originalement crées par le fondateur. Pour couronner l'ensemble, et être certain que le lecteur en aura saisi l'importance, chaque chapitre connait une exergue comportant une référence précise et expliquée au nombre 7, en ésotérisme, en géographie, en histoire, en religieux (surtout). Et de l'implication dramatique de toutes les brisures, de tous bouleversements orchestrés par les héritiers dans cette belle horlogerie souhaitée, voulue par Septimus Day.

Une fois dépassé ses aspects un peu fabriqué, parfois alourdis par un excès de zèle descriptif de l'auteur, principalement dans les quatre-vingt premières pages, cette fable contemporaine, et sensiblement dystopique se lit très rapidement et fort agréablement. On en retient très vite l'aspect violemment polémique, pamphlétaire, même. Mais si la critique porte, le lecteur curieux et attentif ne manquera pas de songer que cet sorte de "Au bonheur des dames" britannique et contemporain semble, pour partie, un peu dépassé à l'heure de la multiplication algorithmique et exponentielle des sites et des actes d'achat "en ligne" et de la raréfaction plus ou moins programmée des magasins "en dur", du moins, dans certains domaines de la vente, ainsi que l'arrêt progressif de la surenchère en matière de gigantisme des surfaces de vente, pour des raisons de coûts, d'urbanisme et de rendements. Non qu'il faille croire à la disparition des grandes surfaces marchandes mais ce commerce-là se fait tant tailler de croupières, ces quelques dernières années, qu'on a désormais de la peine à croire à l'existence future de ce type de "giga-magasin". le texte de James Lovegrove est de 1997 (2005 pour la traduction française), mais il a, de ce point de vue, un siècle de retard ! Certaines évolutions trop rapides, inattendues, sont terribles en terme de prospective, nous en avons-là un exemple flagrant. En revanche, la diatribe virulente à l'égard de notre société de consommation - et jusque dans ses fondements et aspects les plus divers -, bien que pas absolument originale, n'en demeure pas moins extrêmement pertinente, intelligente et enrichissante du point de vue de ce domaine de réflexion sociale et humaine. Un livre plus qu'agréable, donc, malgré ses petits défauts épars, et qui trouve parfaitement sa place dans la très bonne liste de romans d'anticipation proposée par GabySensei, grâce à qui j'ai découvert ce bouquin et que je remercie pour l'occasion !
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Bienvenue dans le premier et le plus beau gigastore du monde : Days.
James Lovegrove nous ouvre ici la porte d'un univers qui n'est pas sans rappeler notre monde. Days est avant tout un roman d'anticipation, mais sa ressemblance avec notre société où tout s'achète et tout se vend est troublante.
Sous une plume satirique, Lovegrove dépeint les travers et les excès d'une société de consommation. Septimus Days est le "père" d'un renouveau de la grande distribution. Il voit en grand, en très grand. Il crée un univers de la surconsommation : un magasin où l'on trouve tout, et même les produits et services les plus extravagants.
Mais la sélection des clients est draconiennes. Tous ne peuvent prétendre à l'adhésion ! Une hiérarchie s'établit dans la clientèle. Un code de cartes de crédit est établi. Chez Days c'est le système des castes sociales qui prévaut. Plus on est un client fortuné et plus important on est. C'est comme ça dans le monde de Days.
Aujourd'hui Septimus est mort, mais ses sept fils gèrent l'empire. Elevés au rang de Demi-Dieu, ils supervisent et règnent sur ce territoire clos.
Nous suivons donc une journée type chez Days. Et nous pouvons suivre le point de vue des trois principaux statuts de ce microcosme : le client, l'employé et le patron.
Franck est ce qu'on appelle un fantôme, il assure la sécurité, et traque les voleurs. Il est employé dans ce gigastore depuis des années. Cette journée est pourtant un peu différente pour lui car ce doit être la dernière. Il souhaite donner sa démission. Mais contre toute attente, aujourd'hui va prendre une tournure de D-day. Rien ne va se passer normalement.
Gordon et Linda Trivett sont les heureux détenteurs d'une carte Silver ( une des moins fastueuses cartes de crédit délivrées par le magasin ). Ils entrent pour la première fois sur "Leur terre promise". Cela fait cinq ans qu'ils se privent pour avoir le privilège de faire parti des clients. Après l'euphorie de la nouveauté, ils vont vite découvrir un monde cruel, violent et complétement décadent.
Et Les sept frères Days ,qui dans leurs appartements situés au sommet du gigantesque batiment, règnent en toute quiétude. Ils sont le cerveau de ce brillant empire et ils sont indestructibles. du moins le pensent-ils ? Car un grain de sable dans les rouages va déclencher l'apocalypse.
Ce roman est effrayant de part sa similitude avec notre société. Les comportements brutaux et excessifs des clients sont le reflet de situations que nous avons vécu déjà une fois, voir plus. Les techniques de ventes et de merchandising sont très approchantes de la réalité. Avez-vous déjà assisté à l'ouverture d'un grand magasin pour le tout premier jours des soldes. Moi oui, et c'est à vous glacer les sangs !
On est donc entrainé dans le flot titanesque de consommateurs avides de bonnes affaires. Et on suit, mi amusé mi effrayé, les débordements burlesques et/ou dévastateurs de ce monstre qu'est Days.
Je vous l'accorde, l'histoire n'est pas très active ( moins de scènes d'actions que le décor le permet ), mais l'écriture intelligente et la justesse des situations en font un excellent roman d'anticipation.
On referme ce livre en se remémorant inévitablement sa dernière sortie "shopping". Et l'on se surprend à dire "Mon Dieu, on est vraiment pas loin de cette fiction !"

Petit plus, j'ai bien aimé les avant-propos à chaque chapitre, faisant référence à la symbolique du chiffre 7.
A lire donc et à méditer...
Lien : http://lacaveauxlivres.blogs..
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