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Charlotte Luyckx (Autre)
EAN : 9782806105516
226 pages
Academia (12/11/2020)
3.75/5   2 notes
Résumé :
"La crise écologique planétaire a des racines philosophiques fortes : elle questionne nos habitudes, notre modèle de société, mais également notre système de croyances et nos représentations du monde. Comprendre les enjeux profonds de cette crise nous plonge dans l'histoire de nos représentations de la nature et de l'humain. A l'attentisme ambiant, l'auteure oppose l'élaboration collective d'un nouveau sol écophilosophique qui serve d'humus pour l'émergence d'une ci... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ayant trop rarement cultivé mon jardin philosophique, je ne possède ni le terreau, ni la permaculture pour pouvoir absorber tous les nombreux nutriments que renferme ce texte fouillé et d'importance qu'est le livre de Charlotte Luyckx, docteure en philosophie dont j'admire à la fois l'ampleur de la quête et la lucidité dans l'analyse des causes profondes à l'origine de la crise majeure écologique. Pour extirper le mal à la racine, des renversements de paradigmes sont simultanément nécessaires aux niveaux technique, économique, politique, philosophique et spirituel tel est son constat. Partant du principe pour que les vaches soient bien gardées à chacun son pré, elle explore dans une démarche dialectique à la manière de Socrate comment dépasser la querelle historique entre la philosophie des lumières et le romantisme allemand qui se prolonge toujours à travers leurs descendants. Son dessein est non seulement louable, et courageux car malmenant l'hégémonie des deux courants dominants en occident ayant conduit à l'impasse écologique, il m'apparaît indispensable et vital.


Une lecture ardue pour moi, comme régulièrement quand il s'agit de la masse critique non-fiction, souvent l'occasion pour m'extirper de ma zone de confort, et explorer des domaines injustement délaissés, et ce dans l'espoir d'élargir ma compréhension du monde. Je remercie particulièrement Babelio ainsi que les éditions Academia pour cet envoi sans lequel je n'aurais fait l'effort d'une telle lecture génératrice de nombreuses réflexions et propice à une salutaire ouverture d'esprit... " Et cette quête n'est pas monologique : elle implique au contraire une ouverture à l'altérité car le point de vue de l'autre nourrit mes propres interprétations, la différence de l'autre permet l'affinement de mes intuitions et interprétations." p.170 Nonobstant toute ma volonté je me suis régulièrement senti maintenu à distance, il s'agit plus d'un écrit s'adressant à ses pairs dans un entre-soi de spécialistes qu'un effort de vulgarisation, l'auteure ne semble pas se rendre compte de la pertinence de Carfantan dans l'extrait d'une citation qu'elle utilise "Tous ceux qui prennent un peu au sérieux le désir de connaître se retrouvent très vite confrontés au fait que le savoir est devenu une forêt inextricable, où les complications et les contradictions sont déroutantes."p.190


Le livre met en évidence l'enchaînement des pensées philosophiques qui a enfermé l'homme en occident dans une position que la crise écologique révèle désormais intenable. L'auteure en appelle à ses pairs à s'atteler à l'élaboration d'un nouveau socle philosophique respectueux du milieu propre à la survie de notre espèce. Elle nous alerte que sans une remise en cause à ce niveau et aussi au niveau spirituel (mais là n'est l'objet du livre) il n'y aura pas de solution soutenable, tant que le vers restera dans le fruit l'humanité continuera son auto-destruction sur les mêmes prémisses. Je ne suis évidemment pas celui par lequel arrivera cette nécessaire refonte de la philosophie pour sortir de la réification (chosification) du monde amenée par l'esprit des lumières et aboutissant à l'exploitation sans réserve de la nature par l'homme.


Cependant l'imbécile que je suis dans ce domaine (cet homme claudiquant qui malgré ses faiblesses s'essaye à avancer), voudrait partager ici la métaphore qui lui est venue spontanément à l'esprit dans une des fulgurances qui lui sont familières dans ses lectures : celle du chien qui court après sa queue. Celles et ceux restés proche de la nature savent en fait qu'il cherche à lécher son cul qui le gratte ce qui l'entraîne à tourner en rond obnubilé par sa propre odeur au point de ne plus percevoir les phéromones dégagées par une femelle étrangère avec qui il pourrait s'accoupler pour engendrer le nouveau bâtard porteur d'avenir auquel il aspire. Ainsi, si je partage le constat et l'objectif de Charlotte Luyckx, elle me semble s'enfermer dans ses développements n'échappant pas, qu'elle le veuille ou non, à la réification contemporaine qui touche tous les domaines y compris la philosophie. J'y vois un paradoxe alors qu'elle appelle en quelque sorte à un réenchantement de la philosophie occidentale pour développer une nouvelle vision du réel porteuse de sens.


A l'opposé d'une démarche fouillant les causes historiques que je rapprocherais volontiers des pratiques de la psychanalyse, je ne peux que m'interroger si adopter le point de vue systémique du ici et maintenant n'aurait pas plus de chance à aboutir au changement de type 2 (recherche d'un nouvel équilibre du système avec changement d'état important entraînant un nouveau mode de fonctionnement éloigné de l'organisation de départ du système) auquel elle fait référence. Je crains en effet que ce livre dans son analyse "technicienne" de la philosophie occidentale en crise ne soit jamais qu'un peu plus de la même chose, ce que la systémique considère comme l'enfermement dans un cercle vicieux amenant au renforcement du problème plutôt qu'à sa résolution. le risque encouru ici étant que chacun s'ancre un peu plus sur ses positions et que l'écophilosophie reste longtemps confinée dans un cercle restreint sans influence.


En lisant les conclusions, j'y trouve finalement le souffle que je cherchais en vain durant toute ma lecture jusque là. C'est donc ces seules dernières pages qui viennent "animer" (dans le sens de donner une âme à) cette lecture. Je me demande à quel point Charlotte Luyckx n'aurait pas plus de résultats concrets en sortant de sa démarche actuelle pour partir de ses expériences vécues au Mexique, au Sénégal et en Inde et développer comment d'autres philosophies ouvertes sur la nature sont venues supporter des projets écologiques réussis, de faciliter les ponts entre la philosophie occidentale et ces autres courants philosophiques vivaces de par le monde. Mais qui suis-je sinon ce vieux singe nu décrit par Desmond Morris dont les pensées et les humeurs sont sous l'influence du biotope de son intestin lui-même contrôlé par quelques bactéries ? Qui suis-je que ce roseau fragile, mais roseau pensant subjectivement (car il n'est point de pensée objective sauf celle émise par l'objet lui-même), ce roseau romantiquement poussière d'étoile ? Qui suis-je pour émettre un jugement ? Tout ce que je sais faire, c'est me poser des questions.

En contrepoint :
https://www.youtube.com/watch?v=stCxLxBMjYA
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J'ai été ravi de recevoir ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique pour lequel je remercie beaucoup toute l'équipe de Babelio et les éditions Academia.
Cela fait plusieurs mois déjà que je baigne dans les ouvrages d'écophilosophie, je venais de terminer le très beau livre de Baptiste Morizot, Manières d'être vivant, j'avais beaucoup aimé celui d'un de mes mentors, le contrat naturel, récemment réédité de Michel Serre et il me reste à terminer celui Virginie Maris, Philosophie de la biodiversité.
Pourquoi cette soudaine appétence pour un sujet philosophique qui reste une affaire presque d'avertit de prime abord ? Et bien justement parce que cela ne devrait pas en être un, et qu'au contraire, ce sujet interroge et intéresse notre vie d'aujourd'hui et l'essentiel des sujets de notre société et de nos quotidiens.
Sauf que ce sujet de l'écologie, de l'environnement, du développement durable, de la biodiversité, de la transition, ne nous est partagé que dans une logique presque stérile et obsolète des pour et des contre, de ceux qui croit et ceux qui n'y croit pas, de complots, d'intégrisme, de retour en arrière ou d'opposants au progrès.
Et bien c'est là toute la force de ce livre. Certes, il reste complexe d'accès mais avec un peu de patience, de relecture des passages clés et d'un bon dictionnaire, il nous ouvre une palette d'auteur(rice)s et de références insoupçonnées (pour moi tout du moins) et au contraire d'autres bien connus. Mais ce que j'ai enfin compris, c'est que cette logique d'opposition est des plus ancienne et imprégnée (comme toujours) de notre histoire et que des voies alternatives existent.
Des humanistes matérialistes et progressistes du siècle des lumière qui nous sont si chers au romantisme allemand, la nature passe ainsi de ressources libres d'exploitation à un cadre de vie inaliénable et jusqu'à nos jours, ce débat a perduré entre les adeptes d'une écologie profonde (Arne Naess) et ceux d'une écologie plus technicisée et superficielle (Luc ferry).
Mais Charlotte Luyckx, avec son vocable de philosophe si particulier, nous ouvre les yeux sur des voies alternatives proposées par Augustin Berque et Vottoria Hösle ou la place particulière de l'homme et ses cultures et ses responsabilités, reste en lien avec les autres vivants non humains et leur confère une valeur tout aussi importante. Elle rappelle que certains peuples, certaines ethnies n'ont pas rompu ce lien avec la nature et en conserve une capacité de résilience plus importante.
Elle ouvre ainsi la voie d'une écologie intégrale, berceau d'une refonte du socle philosophique de notre monde moderne qui souffre cruellement d'avoir rompu avec cet environnement global, le cosmos et tous les sens associés que l'on peut y ressentir et éprouver. de strate en strate en strate, l'écologie passe d'un stade technique, économique, politique à un stade philosophique et pourquoi pas spirituel rejoignant ainsi de nombreux penseurs même a priori plus éloignés du sujet comme Hubert Reeves et Trin Xuan Thuan (c'est un avis qui m'est propre pour ces deux derniers auteurs). Et ainsi de découvrir que sur une échelle du progrès ou l'écophilosophie serait en quelque sorte l'objectif, nous pourrions bien être les bons derniers.
Alors oui je le concède, c'est une lecture parfois âpre, mais d'une grande richesse et je salue ce travail qui mérite amplement d'être reconnu et surtout lu et partagé, vous y trouverez certainement des questions existentielles qui vous interpelleront.
Très heureux de cette lecture même si elle demande un important effort pour accéder aux notions partagées. C'est un livre porteur d'espoirs.
Belle journée
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L'écophilosophie est définie comme "L'étude des problèmes communs à l'écologie et à la philosophie". (Selon Arne Naes).
Dans cet ouvrage, nous sont présentées quelques codes philosophiques liées au changement de culture et de pensée.
Le livre est divisé en 4 grandes parties (chapitres).
Le premier chapitre commence avec l'énumération des différents axes d'étude de l'écologie déjà existants. Puis il présente l'analyse développée et proposée dans le présent ouvrage et qui constitue donc un axe supplémentaire, à savoir l'écophilosophie.
Cet ouvrage s'adresse à des lecteurs déjà éclairés en philosophie (et sur le thème de l'écologie) et j'ai pour ma part trop peu étudié cette matière pour pouvoir saisir toutes les subtilités du livre. Ce que je regrette car le propos demeure intéressant. A réserver à un public averti.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Avant même d'affronter une crise économique, écologique ou même éthique, le monde occidental contemporain en voie de mondialisation traverse une crise de vision, d'imaginaire. Un cadre de référence signifiant à l'intérieur duquel l'action individuelle et collective puisse prendre sens lui fait défaut.
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La survalorisation des qualités premières [les qualités géométrico-mathématiques], nous dit Naess, engendre une confusion entre nos abstractions et la réalité concrète.
Elle mène à considérer que ce que nous pouvons dire de la réalité, sur base des abstractions mathématiques, est plus réel que le réel auquel notre sensibilité nous donne accès. p61-62
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Dans la visée d'une écologie intégrale, c'est l'adéquation avec les limites planétaires qui constitue le critère fondamental et la capacité, pour un modèle particulier, de reconnaître la prévalence morale de l'humain tout comme la valeur intrinsèque de la nature. Le progrès serait dès lors défini comme évolution du degré d'écosophie ou de sagesse écologique des peuples. L'axe du progrès change ainsi de trajectoire. Ce critère place les cultures occidentales loin derrière une grande majorité des cultures de la planète, et révèle notre degré de sous-développement écosophique. p185
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La primauté de l'ontologie sur l'éthique repose sur la nécessité de reconnaître l'importance de la séparation moderne entre l'homme et la nature aux sources du problème écologique avant de penser à un quelconque "devoir être".
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...l'humain décosmisé cherche inlassablement à combler ce manque-à-être par une consommation frénétique d'objets. C'est la raison fondamentale pour laquelle, selon Augustin Berque, la sortie de la crise écologique actuelle appelle une révolution existentielle profonde. Il ne s'agit pas seulement d'une façon de gérer les externalités environnementales et sociales, mais davantage de modifier notre façon d'être humain en réintégrant la médiance comme constituant fondamental de notre présence au monde. p114
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