A yakboy storyKrystof Lyevre
Roman
Editions Thot, 2023, 339p
C'est une opération Masse Critique qui m'a fait gagner ce livre-là. D'abord un bel objet avec pour couverture la reproduction d'un billet népalais dans un rouge sépia, un yak puissant, à l'indifférence stoïque au déluge, bien au chaud sous sa longue couverture de poils épais lui descendant jusqu'à l'extrême bas des pattes. Ensuite un gentil mot de félicitations, personnalisé, qui fait franchement plaisir, et deux beaux marque-pages en prime. L'envoi n'est pas anonyme. le titre anglais et le nom de l'auteur conduiraient à la littérature étrangère, mais non, l'auteur est du Haut-Doubs. Il aime
Frison-Roche, et
Reinhold Messner, alpiniste italien de langue allemande, né en 1944, et pourfendeur du style expédition, qui a conquis par deux fois l'Everest.
C'est justement sur les hauts plateaux himalayens, qui respirent au rythme d'une spiritualité ancestrale, que nous amène l'histoire, ou plutôt le conte, initiatique, qui nous présente un jeune garçon de huit ans : je souligne son âge parce que, en lisant le récit, on oublierait qu'il est si jeune et si petit, bien qu'on l'appelle mon petit. le garçon est du pays de Bod, à la tonalité presque biblique, qui ne figurant pas sur les cartes. L'hiver s'annonçant précoce, il va chercher deux yaks, enfantés par les esprits eux-mêmes, s'il vous plaît, à travers la vaste steppe, très peuplée finalement comme tout désert.
L'enfant, Tinley, va découvrir le monde, lui qui ignore tout, à la manière d'un Candide, mais pas tout à fait car l'enfant, à la maturité inouïe, à la curiosité insatiable, recèle un pouvoir étonnant de perspicacité, et il est accompagné d'un animal magique, le gorak, un corbeau, qui peut prendre plusieurs formes, et qui fait office d'ange gardien. Il fait de nombreuses rencontres, dont celle d'un alpiniste qui ne se remet pas de la mort de son frère et à qui il rendra le courage de vivre, et d'une fillette, Jampa, dont le sort semble être de traverser la steppe, sans doute en vue de secourir ceux qui s'y perdent. Il rencontre aussi un poisson doré et parlant, qui lui révèle qu'il est porteur de lumière. Il apprend ce que sont la mélancolie et le miracle, rencontre une Harijan (le Népal compte plus de 60 ethnies et castes) et que son pays est en guerre, laquelle n'a pas encore atteint son village de Lokshep, bien niché au coeur des montagnes. On est allé voir sur la toile et on a appris que le Népal connut la guerre civile de 1996 à 2006, les communistes forçant le roi à partir.
Tinley arrive mal en point dans un monastère qui sera détruit après son départ par hélicoptère -machine qui détonne par sa modernité dans ce pays qui paraît immuable - vers la Haute Cité (Nous sommes dans le Mustang ? Je dis cela parce que les soldats rappellent un temps féodal) pour y être soigné. Il est le captif des soldats, parce que détenteur du secret de l'eau, mais le commandant du camp, resté humain et s'évertuant à sauver les gens, accepte qu'un apothicaire étrange s'occupe de son cas : l'enfant est dévoré par un feu intérieur. Cependant cet apothicaire semble à Tinley résigné, avoir perdu l'espoir, ce qui n'est pas acceptable.
Des coulées de boue dévastent la Haute Cité, qui a tant à apprendre à Tinley, du moins le croit-il, lequel en profite pour s'enfuir, non sans avoir aidé Jampa à se tirer de sa gangue de boue. C'est que, dans ce livre, les rencontres ne sont pas fortuites : Tinley retrouve Jampa, rencontre Sansha, la copine de sa grand-mère qui, partie à la recherche de son petit-fis et guidée par le gorak, va inhumer un alpiniste et enseigné à ses frère et soeur l'endroit où il repose, leur rendant ainsi la sérénité.
Tinley réussira à rejoindre son village avec les yaks.
Le livre n'est pas bien écrit : l'auteur emploie plusieurs fois le verbe toiser avec un sens particulier, dénué de péjoration, et ponctue pas mal de paragraphes d'une exclamation : Ha, hi, habitude népalaise ? Pour les éditeurs, p.220, Sansha devient Yansha, un peu plus loin le pronom te se substitue à se, et il se trouve des erreurs d'accent, notamment sur les subjonctifs 2.
Cependant l'histoire est intéressante. On est dans les hautes montagnes, on boit de ce thé gras au beurre, on découvre les traditions. Les personnages sont vivants et attachants. Tinley apprend le monde par lui-même et apprend sur lui-même. Sa ténacité engage à ne pas perdre espoir. le secret de l'eau sera gardé.