— Madame, revoyons votre déposition. Tout me paraît décousu, incohérent, annonça le policier du commissariat de Saint-Félicien, de l’agacement dans la voix.
Le nouveau venu s’assit face à Emma.
— Je suis nommé sur l’enquête. Je veux tout savoir, tout comprendre. Vos liens avec M. Beaumont ? Pourquoi étiez-vous à Saint-Félicien ? Votre emploi du temps de ces derniers jours ? Votre profession à Los Angeles ?
Des dizaines de questions. Le policier cherchait les réponses auprès d’elle.
Emma l’observait. Son esprit décrocha dès la deuxième question. Avec son allure, son uniforme rouge de la « police montée », il ressemblait à un personnage de leur roman Paré pour l’avenir. Il portait bien l’uniforme. Elle l’imagina vêtu de noir, dégainant le pistolet laser, comme Gordon dans le quatrième chapitre de leur saga.
Brutalement, un violent coup de poing sur la table la tira de ses pensées.
— Madame, vous avez l’air de prendre cela à la légère ! cria-t-il.
Emma le regarda, hébétée, revenant de loin, d’une séance d’écriture spatiale avec Nathan, d’une séance pendant laquelle il dégainait son épée en expliquant les moindres détails du scénario, en vivant l’histoire, en faisant le pitre entre chaque épisode.
— Bon, on reprend. D’ailleurs, il va falloir accorder vos violons avec votre copain, M. Beaumont, car vos versions ne coïncident pas. On reprend. Nom…
Prénom… Profession… Relations exactes avec M. Beaumont.
Emma ne prenait pas cela à la légère. Se faire tirer dessus, cela n’arrivait pas tous les jours. Pourquoi ? Aucune idée ne lui venait à l’esprit. Aucun indice à leur fournir.
Cela faisait trois heures. Trois heures interminables. Trois heures dans ce commissariat de police dont dépendait Le Saguenay - Lac-Saint-Jean. Emma scruta le décor ambiant : les photographies de l’équipe au mur, la grande télévision qui clamait en boucle les informations locales, notamment leur affaire, le drapeau du Canada avec sa feuille d’érable rouge. Elle essaya de se concentrer sur l’interrogatoire.