La mort du duc de Montmorency, protecteur de Mairet, a pour conséquence de l'obliger à entrer dans la sphère d'influence du comte de Belin, soutien de la troupe de comédiens du Marais, troupe plus novatrice que la vieille troupe de l'hôtel de Bourgogne, moins soumise aux traditions. Cela va freiner les aspirations à un théâtre très régulier, que Mairet défendait dans la préface de la Silvanire.
Les galanteries du duc d'Ossonne, sans doute joué en 1632 pour la première fois, publié en 1636, est une comédie. Il ne s'agit pas d'une adaptation plus ou moins fidèle d'une autre oeuvre, même si quelques éléments de l'intrigue peuvent être rapprochés de telle ou telle pièce. La comédie s'inspire très librement d'un personnage historique, le duc d'Ossonne, un grand seigneur espagnol, grand capitaine, vice-roi de Sicile, qui mourut en prison.
La pièce ne respecte pas les conventions des genres théâtraux : l'intrigue est du ressort de la comédie, alors que les personnages, en particulier celui du duc, grand seigneur, appartiennent à la tragi-comédie. Oeuvre hybride donc, qui met entre parenthèse les aspirations de Mairet à un théâtre réglé.
Le duc est amoureux d'Emilie, et il profite du fait que le mari de celle-ci, Paulin, ait blessé Camille, l'amoureux de sa femme, pour l'envoyer à la campagne, soit disant pour le protéger. Mais Paulin, craignant que sa femme ne profite de son absence, l'installe chez sa soeur, Flavie. Cette dernière est éprise du duc, qui l'ignore. le duc surveillant la maison, surprend une silhouette qui utilise une échelle de soie pour sortir et entrer discrètement par une fenêtre. C'est le moyen qu'a trouvé Emilie pour sortir voir son amant blessé. le duc s'introduit dans la maison, et se retrouve dans le lit de Flavie. Je passe quelques détails de l'intrigue qui est compliquée, mais un jeu de séduction complexe s'installe entre les quatre personnages, qui sont tous plus ou partant pour s'offrir deux partenaires, tout en essayant de garder leur duplicité secrète.
Une pièce assez étonnante, tout à fait immorale et cynique, les hommes et les femmes ont exactement la même attitude vis à vis du sexe opposé, fait d'opportunité et de la recherche du plaisir, même si la position sociale des hommes rend leur marges de manoeuvre plus grandes. Malgré certaines maladresses dans la construction (un homme aux portes de la mort est très rapidement prêt à toutes les acrobaties par exemple), c'est vraiment une pièce intéressante, où il se passe toujours quelque chose. Je trouve que Mairet gagne à sortir des sentiers de la régularité et de la bienséance, dans lesquels ses vers un peu trop lisses et trop sages deviennent rapidement un peu ennuyeux, alors que visiblement il est capable d'inventer des intrigues originales, qui sortent des sentiers battus, et qui fixent l'attention.
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Infidèles ? Comment ! est-il fidélité
Capable de souffrir votre légèreté ?
Quoi ! nous vous garderions inviolable et sainte
La même loi d'amour que vous avez enfreinte ?
Quoi ! nous nous piquerions d'avoir jusqu'au trépas
La foi que vous prêchez et que vous n'avez pas ?
Comme si de tout temps il n'était pas loisible
De punir par la fraude une fraude visible.
Je vais, fou, que je suis, comme il a fort bien dit,
Me plaindre, me morfondre, et le tout à crédit,
Me planter comme un terme au pied d'une muraille,
Et faire les doux yeux à des pierres de taille,
Tandis que la beauté qui me fait consumer
Dort fort bien à son aise, et me laisse enrhumer.
Ôte-moi ta présence importune
Qui dans cette contrainte accroît mon infortune.
Soupire donc, mon coeur, soupire en liberté,
Pleurez, mes tristes yeux, et perdez la clarté,
Puisque votre soleil lui-même l'a perdue,
Sans espoir que jamais elle lui soit rendue.
Ha nuit ! funeste nuit ! ah femme malheureuse,
Découverte et perdue aussitôt qu'amoureuse !