La Silvanire ou la Morte Vivante
Représentée en 1630, publiée en 1631, cette pièce, qui est une tragi-comédie pastorale, a une grande importance dans l'évolution du théâtre de l'époque. Cette importance vient moins de la pièce elle-même, que de la préface qui l'accompagne lorsqu'elle est publiée. En plein débat concernant ce que doit être le théâtre, entre les tenants de la tragi-comédie irrégulière, faisant fi de toutes les règles, revendiquant le plaisir du spectateur, et les tenants d'un théâtre régulier, s'appuyant sur les règles, et en tous premier lieu les fameuses règles des trois unités, ce texte marque une étape essentielle des tendances qui se mettent en place. La tragi-comédie, le baroque et l'irrégulier semblent avoir parti gagnée, puisqu'aucune nouvelle tragédie n'est jouée à Paris entre 1628 et 1634. Mais la réaction des réguliers est en marche.
Mairet se place résolument du côté du théâtre régulier, ce qui en soit est un soutient important et pas forcément attendu d'un admirateur déclaré de Théophile de Viau, grand baroque et libertin. Il défend ardemment les règles, que sa pièce respecte, comme elle respecte la bienséance. La préface définit ce que doit être l'art théâtral selon Mairet, certains y ont vu un Art poétique qui ne dit pas son nom.
La pièce est inspirée de l'Astrée, le roman des romans de l'époque. Aglante aimé Silvanire, qui semble le rejeter, alors qu'elle l'aime, mais que cet amour lui est interdit, car son père souhaite lui faire épouser Théante. Tirinte, un autre amoureux repoussé par Silvanire lui présente un miroir magique, qui provoque une sorte de catalepsie qui la fait passer pour morte. Avant de sombrer, elle fait connaître son amour pour Aglante, ses parents promettent de les marier. le mage qui a fabriqué le sortilège la tire de sa mort apparente, Tirinte tente de la violer, elle est toutefois sauvée par Aglante. Ses parents veulent revenir sur leurs promesses, mais les druides les obligent à tenir parole et à marier Silvanire et Aglante. Tirinte, au moment d'être exécuté, est sauvé par Fossinde amoureuse repoussée, avec qui il se marie à son tour.
Malgré la préface, et le respect affiché des règles, nous ne sommes pas encore vraiment dans le sobriété et la rigueur que l'on associe généralement au théâtre classique français. Les conventions de la pastorale, les influences du roman, qui ont infestés les tragi-comédies, sont encore bien présentes dans la pièce. Même si au niveau théorique il rejette le baroque, dans cette pièce Mairet n'est qu'à la moitié du chemin. Cela en fait un objet curieux, pas réellement convaincant. L'auteur va aller jusqu'au bout de la logique qu'il revendique un peu plus tard, ce sera la Sophonisbe, le retour de la tragédie, même si cette dernière gardera des éléments venant de la tragi-comédie, en particulier un suspens, une action en train de se faire et non pas une situation où tout est joué d'avance dès le départ. Mais c'est une autre histoire.
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Va-t'en, va-t'en ingrate, inhumaine tigresse,
Qui te fais de ma peine un sujet d'allégresse,
Sourd et cruel aspic qui t'abreuve de pleurs
Et cache ton venin sous la beauté des fleurs ;
Je connais bien qu'enfin je suis hors d'espérance
De te vaincre jamais par la persévérance.
Doux ami des Amours, jeunesse de l'année,
Printemps qui nous produis la plus belle journée
Qui jamais ait monté dessus notre horizon,
Beau printemps, que mon mal n'a-t-il sa guérison,
Afin de prendre part comme font toutes choses
Aux plaisirs attachés à la saison des roses ?
La constance est un songe, et ce genre d'amants
Ne doit être reçu que dedans les romans ;
De moi suivant la loi de la nature même,
Je ne saurais aimer qu'une beauté qui m'aime.