Jalon important dans l'histoire de la tragédie française, elle est sans doute la première à être créée après une interruption de 6 ans, pendant laquelle la tragi-comédie semblait avoir gagné la partie. Une tragédie renouvelée, avec une action plus haletante que dans la vieille tragédie humaniste du XVIe siècle, dans laquelle une place importante est accordée aux thématiques amoureuses. Mairet dans la préface de la Silvanire (une tragi-comédie pastorale de 1631-1632) insiste sur la notion de plaisir que les règles et la relative sobriété de la tragédie (par rapport à la tragi-comédie) doivent apporter au spectateur, et La Sophonisbe doit en faire la démonstration.
Nous sommes en Afrique, avec comme toile de fond, la lutte entre Rome et Carthage. Sophonisbe est une princesse carthaginoise, épouse d'un roi africain, qui livre une bataille décisive contre les Romains, représentés par Scipion, et soutenus par un autre roi africain Massinissa. Or Sophonisbe a en quelque sorte jeté sont dévolu sur ce dernier, et après la mort de son premier mari au combat, séduit Massinissa, qui l'épouse dans l'instant. Mais Scipion ne l'entend pas ainsi : Sophonisbe en tant que Carthaginoise est l'ennemi, et doit être menée à Rome pour participer à son triomphe. Massinissa va lui éviter ce sort honteux en lui envoyant du poison, puis se tue lui-même. Comme dans
Pyrame et Thisbé de son maître
Théophile de Viau, les amants de Mairet se rejoignent dans la mort.
Disons le d'emblée, j'ai eu du mal à croire à cette passion si rapide et si forte entre Sophonisbe et Massinissa, quasiment sur le cadavre du premier mari. Et je n'ai pas pu m'empêcher de penser que la fameuse règle des 24 heures, devait rendre certains événements très expéditifs. Une fois ce premier postulat admis, la pièce est merveilleusement écrite et pathétique à souhait, les oppositions entre Massinissa et Scipion particulièrement bien rendues.