Singulier et nécessaire, FEMME VIE LIBERTÉ est surtout indispensable pour comprendre. Il allie un vrai souci didactique à une qualité artistique indéniable. Il ne faut par contre pas espérer y voir un retour à la bande dessinée de l'autrice de Persépolis qui, se concentrant sur l'aspect éditorial, n'a fourni que quelques illustrations.
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Chowra Makaremi connaît doublement, par son histoire familiale et par ses recherches anthropologiques, l’« épopée du pouvoir et de la résistance » iranienne, dont un nouveau chapitre est en train de se jouer.
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Au cours des décennies précédentes, l'engagement politique constituait une rupture avec l'ordre et les valeurs familiales. La formation des militants insistait sur la séparation entre le domaine de la lutte, relevant de la raison, du contrôle de soi ou" discipline révolutionnaire" et des émotions collectives(rage, enthousiasme), et le domaine des affects privés, privatisés, les attachements englués dans les hiérarchies sociales traditionnelles dont il s'agissait de s'émanciper.Après la révolution, les techniques répressives ont cherché à soumettre le corps social en ciblant les êtres dans leurs liens intimes-amicaux, parentaux, conjugaux- à travers le chantage, le soupçon et la confiscation du deuil. C'est autour de ces point d'application du pouvoir que sont parties de nouvelles formes de résistance. Un couple d'opposants qui ont chacun perdu leurs frères et soeurs en prison dans les années 80, et sont tombés amoureux lors de leurs visites sur la fosse commune de Khvaran m'ont parlé de la façon dont l'appartenance à un groupe politique devient parfois une forme d'identité vécue en famille. Le collectif des Mères de Khavaran montre comment évoluent les frontières et les définitions de l'activisme , des identités politiques et la place qu'y ont les affects, non seulement comme réalité tolérée mais comme lieu de résistance. A la "perte de l'activisme" répond un "activisme de la perte", selon les mots d'Athena Athanasiou , pour qui la colère des mères fait exister une relation verticale , tranchante, d'antagonisme politique, et en devient le dernier refuge dans des sociétés qui ont été lissées par la force ou la propagande.
Dans les années 80, celles de Kharavan voulaient connaître la vérité sur la mort de leurs enfants, tandis que les mères demandent justice. Elles ne cherchent pas seulement la résolution juridique des crimes, elles rappellent aussi que la mémoire -se souvenir et tenir le compte du mal causé- est l'un des visages de la justice. Leur mémoire dissidente sape, goutte à goutte sur la pierre, la légitimité de la République islamique en exposant les fictions qu'elle a longtemps maintenues. Premièrement, ce pouvoir institutionnel n'est pas l'expression de la volonté souveraine du peuple révolutionnaire , puisqu'il a imposé son projet en annilhilant toute opposition et toute altérité. Deuxièmement, il n'est pas le défenseur des opprimés, puisqu'il redouble de violence sociale, économique et physique envers eux. Troisièmement, ses agents sont des meurtriers.
Les mères de Kharavan n'ont pas été converties à la politique par leur enfants, mais la constance de leurs luttes montre comment la parenté peut devenir un moteur d'engagement politique à travers l'attachemment, les affects, le deuil .
L'historienne de l'Antiquité Nicole Loraux s'est demandé pourquoi la cité d'Athènes interdisait aux mères le deuil de leurs fils tués à la guerre.
Cest que leur puissance affective et leurs émotions collectives menacent l'odre public: elles ont la capacité de renverser les valeurs et brouiller l'organisation de la vie politique de la citéc patriarcale.
Une directrice d'école a refusé de donner aux forces de l'ordre l'identité des élèves qui avaient brisé les portraits des Guides accrochés aux murs des salles de classe, et sauté dessus à tour de rôle. Elle est morte d'une crise cardiaque après des interrogatoires à répétition.
Entretien avec Hannah Darabi, artiste, et Chowra Makaremi, anthropologue.
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