Au loin, plongeant sous la couche nuageuse, j’aperçois soudain le Mont-Saint-Michel qui se dresse comme une balise au milieu d’une mer déchainée, tel un phare qui renseigne et rassure par sa présence habituelle ce lieu tant parcouru. La mâchoire serrée et tous mes sens en alerte, je tends ma trajectoire au plus direct possible. La machine est secouée, agitée de soubresauts. Le vent souffle en violentes rafales. Je rase les petits contreforts de la Basse-Normandie pour enfin atteindre la large baie du Mont-Saint-Michel. La direction du vent a légèrement basculé au sud-sud-est de quelques degrés qui suffisent à retrouver une vitesse de 165 km/h. Mon voyant d’essence s’allume soudain ! Plus que trente minutes de vol…
Entre la mer et la terre s’étendent des campagnes pélagiennes, frontières indécises des deux éléments : l’alouette de champ y vole avec l’alouette marine ;
la charrue et la barque à un jet de pierre l’une
de l’autre sillonnent la terre et l’eau. Le navigateur
et le berger s’empruntent mutuellement leur langue : le matelot dit les vagues moutonnent, le pâtre dit les flottes de moutons. Des sables de diverses couleurs, des bancs variés de coquillages, des varechs,
des fanges d’une écume argentée, dessinent la lisière blonde ou verte des blés.