Ne faut-il pas plutôt apprécier à sa juste valeur le poids de l'influence morale de Cicéron dans le courant anti-césarien qui aboutira au meurtre du dictateur ? Poser cette question, c'est poser le problème de la responsabilité des intellectuels, des philosophes, non engagés dans l'action, quand la diffusion de leur pensée ou leur enseignement débouchent, chez leurs disciples ou leurs auditeurs, sur une action. Éternel débat qui fait que le procès de Socrate ne sera jamais clos. Lorsque cette action reste politique, ils l'assument généralement ; quand elle est violente, ils sont souvent plus réticents, non forcément par lâcheté, mais parce que le producteur d'un vin fort ne saurait être tenu pour responsable des effets de ce vin sur les têtes faibles.
C'est en voyant marcher sur lui, la dague haute, Brutus, qu'après avoir murmuré en grec : "Kai su teknon", César aurait renoncé à se défendre. Peu de "mots" ont fait couler plus d'encre que celui-ci, plus connu dans sa traduction latine : " tu quoque mi fili."