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Roger Arnaldez (Préfacier, etc.)Daniel Massignon (Préfacier, etc.)
EAN : 9782204062534
462 pages
Le Cerf (16/03/1999)
4/5   1 notes
Résumé :
"C'est grâce à sa mystique que l'Islam est une religion internationale et universelle." Cette phrase de ce grand islamologue catholique, professeur au Collège de France, que fut Louis Massignon, situe bien l'ampleur du débat. Si la mystique est au coeur de l'Islam, le langage est au centre de la mystique. Dire Dieu en mots revient à s'interroger sur les capacités intrinsèques du langage. C'est ce que tente cet ouvrage, écrit en 1914 et publié en 1922 d'une érudition... >Voir plus
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il est, pour Dieu, des fidèles, qui ont planté les arbres de leurs péchés en face de leurs yeux, et les ont arrosés de l'eau de leur pénitence ; ils ont fructifié en regrets et chagrins ; ils sont devenus fous sans folie, stupides sans bégaiement ni mutisme, eux, les éloquents, les diserts, sages en Dieu et en son prophète. Puis ils ont bu à la coupe de la pureté, et la longueur de la souffrance leur a légué la patience.

Puis leurs cœurs se sont enflammés pour le Royaume, et leur pensée a circulé parmi les palais, sous les voiles de la Majesté ; ils se sont mis à l'ombre, sur le parvis du regret, et y ont lu le livre de leurs péchés ; et ils se sont légués à eux-mêmes l'anxiété, si bien qu'ils ont atteint la cime de l'ascèse (zohd) grâce à une entière abstinence (warâ'). C'est ainsi que l'amertume du renoncement au monde leur est devenue suave, et que la rude couchette leur est devenue molle, tant et si bien qu'ils ont conquis l'attachement au salut et la voie qui mène à la paix.

Et leurs esprits se sont éparpillés dans les hauteurs du ciel, pour se poser en adorant dans les jardins du Paradis, et plonger au fleuve de la vie. Ils ont refermé les écluses de l'angoisse et franchi les ponts du désir ; ils ont fait halte dans la consomption de la science (discursive) et se sont désaltéré au ghadîr de la sagesse (unitive) ; ils ont vogué sur la barque de la grâce, ouvert la voile au vent du salut, sur la mer de la paix, si bien qu'ils ont atteint les jardins du Repos, la mine de la Gloire et de la Miséricorde. (citation de Dhu'l-Nun al-Misri, pp. 189-190)
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Il est donc impossible de prendre au pied de la lettre la théorie trop répandue de pro-aryens (...) elle nie naturellement l'authenticité du mysticisme islamique, elle en fait une des formes de la réaction raciale, linguistique et nationale des peuples aryens conquis par l'Islam arabe, spécialement des Iraniens.
(...)
Le shi'isme, qu'on nous présente comme une hérésie islamique spécifiquement « persane », a été propagé en Perse par des colons de pure race arabe, venus de Koufah à Qomm(1) ; et les Kurdes et Afghans, purs iraniens de race, sont toujours restés anti-shi'ites. Les listes qu'on a dressées des grands penseurs musulmans « d'origine persane », parce que leur nisbah réfère à une ville située en Perse ne sont qu'un trompe-l'œil(2) ; la plupart n'ont pensé et écrit qu'en arabe, et, qu'ils fussent fils de colons arabes ou clients (mawâlî), ne se différenciaient pas plus du monde islamique que Lucain de Cordoue ou Augustin de Thagasle du monde romain. Bien des « survivances mazdéennes » infiltrées dans l'Islam « par des conspirateurs » ont été imaginées par des hérésiographes échauffés(3), et le « Shâhnamé » de Firdoûsî, célébré comme le bréviaire de ce nationalisme(4) iranien, témoigne surtout d'un enthousiasme « archéologique » presque aussi désintéressé que le « patriotisme troyen » de Virgile écrivant l' « Enéide ».
(...)
Bien loin d'altérer la pureté de l'Islam primitif, ces Persans ont poussé plus loin que personne l'abnégation dans le sacrifice de leurs tendances personnelles pour sauvegarder l'universalisme de leur croyance. Et il serait un peu présomptueux de prétendre qu'ils n'y auraient pas réussi.

(1) Goldziher, Vorlesungen, trad. fr., p. 293, n. 125.

(2) Les pantouraniens, récemment, ont surenchéri, revendiquant Fârâbî, ibn Sinâ, Bokhiârî et Zamakhsharî comme des gloires nationales tartares... Les sho'oûbiyah de jadis ne parlaient, eux, que d'égalité.

(3) Baghdâdî.

(4) De prétendus « nationalistes » comme Ibn al Moqaffa', Roudaguî, Miskawayh, Hasan Sabbâh, ont laissé des œuvres pénétrées d'un esprit universaliste, soit hellénistique, soit qarmate. Même un nationaliste type, comme le poète Mihyâr Daylamî, écrit cette fin de vers caractéristique : « soûdad al Fors wa dîn al 'Arab », [Nous nous sommes emparés de la gloire des deux côtés] « titres de noblesse des Perses (en ce monde), et religion des Arabes (pour l'autre vie) ! » (pp. 46-48)
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On ne peut, ici, que signaler le rôle bienfaisant de l'influence mystique islamique poussant à la réconciliation des castes dans d'humbles vocations comme celle de Baba Kapour (+ 979/1571), à Gwalior, — ou d'éclatants apostolats comme celui de Kabir (+ 924/1518) ; les disciples (Kab'ir-panthis) de cet élève de l'hindou Ramananda apprennent à célébrer, dans les hymnes de leur maître, le Dieu unique, personnel, caractérisé, secourable, connaissable par révélation transcendante, — plutôt que la suprême divinité, indifférente et quasi-virtuelle qu'entrevoient les syncrétismes polythéistes. La secte des Sîkhs (Nânak + 946/1539), qui essayèrent de réintégrer l'apostolat des kabirpanthis dans l'hindouisme, a incorporé dans son Adi Grânth les hymnes d'un soûfî, Farîd Shakarganj.

Certes, les polémiques actuelles de l'Arya Samâj, disputant les âmes à l'Islam dans le centre, notamment au Bundelkhund, montrent que le vieux paganisme hindou n'est pas mort — mais le fait qu'une réforme sociale comme le satyagraha (« revendication civique du vrai, par le sacrifice de soi ») actuellement prêchée par un pur ascète hindou, comme Mohanlal Karamchand Gandhi, — dirige notre action sociale, non vers notre libération individuelle, mais vers le salut de la Communauté, — et la fonde sur le dogme de l'immortalité de l'âme personnelle, qui se voue à une sorte de « guerre sainte » d'ordre spirituel, par le jeûne et par des vertus sacrificielles accessibles aux illettrés, — atteste, comme l'indiquait le Dr Abdul Majid, combien un tel hindouisme s'est rapproché d'un idéal religieux et mystique musulman.

On peut même se demander si la mystique hindoue, telle que les commentateurs de Patanjali l'ont exposée, n'a pas aidé à l'évolution de Kabir vers le monothéisme transcendant et discipliné de l'Islam. (pp. 69-70)
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Il y eut vie commune entre les arabes musulmans et leurs compatriotes chrétiens pendant les deux premiers siècles : Taghlib, Hîrah et Koûfah, Najrân, San'à. La copie de l'architecture des ermitages paraît établie ; les premières khânqâh sont à Ramleh (aboû Hàshim) et Jérusalem (Ibn Karràm). Les mystiques musulmans, jusque vers 250/864 , venaient consulter des ermites chrétiens sur la théologie : 'Abdal Wâhid-ibn Zayd, 'Attâbî et Dârânî nous ont laissé des récits curieux. Si l'anecdote de Bistàmî en Roûm est apocryphe, celle de Hallâj à Jérusalem paraît authentique. Les ordonnances Khalifales sur le costume spécial des chrétiens (en 235, 239, 296) mirent fin à cette vie commune. (pp. 53-54)
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C'est grâce à sa mystique que l'Islam est une religion internationale et universelle. Internationale : par les travaux apostoliques des mystiques visitant les pays infidèles : c'est l'exemple persuasif des ermites musulmans, et des cheïkh Tshishtiyah, Shattârïyah, Naqshbendiyah, apprenant leur langue populaire et se mêlant à leur vie, qui a converti tant d'Hindous et de Malais à l'Islam, bien plus que le fanatisme tyrannique de conquérants de langue étrangère(1). — Universelle : ce sont les mystiques, qui, les premiers, ont compris l'efficacité morale de la hanïfiyah, le fait d'un monothéisme rationnel, naturel à tous les hommes(2) : d'où l'universalisme apostolique de Mohàsibî et d'Ibn Karrâm, qui deviendra, dégénéré, le syncrétisme théosophique d'Ibn 'Arabî, de Jalâl Roûmî et des Bektâshïs. Snouck Hurgronje a bien souligné cela(3) : « C'est... par son mysticisme que l'Islam a trouvé le moyen de s'élever à une hauteur d'où il peut voir plus loin que son propre horizon, étroitement limité... Il a en lui quelque chose l'interreligional... »

(1) Remarquer le pourcentage si différent des musulmans en Béhar et en Bengale, politiquement assujettis à la même époque (Arnold, Preaching of Islam, s. v.).

(2) Passion, p. 607.

(3) Politique musulmane de la Hollande (BMM 1911 ; p. 70, 72 du
tirage à part). (p. 5)
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Video de Louis Massignon (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Louis Massignon
Louis Massignon évoque la figure du mystique musulman Hallaj, au cours d'un entretien avec Jean Amrouche, radiodiffusé en 1955.
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