Pour les quatre saisons

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  Extrait 2

  Il n'est pas un arbre de ce printemps qui n'ait le tronc pris
d'une chaîne
  les fers d'un esclave qu'il rejoint dans l'humus père des révol-
tes ;
  Debout il entonne sa floraison comme un hymne au sang versé
de l'homme
  et ses branches sont des arcs bandés vers les portes des bas-
tilles.
  Il n'est pas un châtaignier qui ne sente durcir comme des
balles ses châtaignes prochaines
  balles contre les balles qui couchèrent à son ombre les fusillés
  Il n'est pas une mousse qui ne suppure, il n'est pas une
verveine
  mon Dieu il n'est pas une fragile centaurée
  Il n'est pas un jardin qui ne soit un drap de colère
  soulevé sur le souffle égal des grands morts,
  il n'est pas une mouette il n'est pas un goéland sur la mer
que ne rougisse la liberté.
…

              LAUDES


  Extrait 3

  Soyez loué mon Dieu par la langue des muets que vous avez
déliée
  Ma fille aubépine s'agenouille contre l'épaule tendre d'un
cognassier,
  Les chemins respirent un nuage de graines sous les talus
  elles vont fleurir en racines au premier angélus.
  Écoutez oh Seigneur le cantique à mi-voix de la fougère
  le cantique de l'eau
  l'air l'écume et la forêt.
…

              LAUDES


  Extrait 1

  DES colonnes de senteurs piétinent sourdement les lisières de
la nuit
  Seigneur je suis d'un arbre de colère, qu'elles roulent et
passent sur moi !
  Je m'en irai battre en vent doux aux taillis, les lierres se
coucheront à mes pieds
  Sous ma poitrine le cheval de peine fera lever de longs voliers
de perdrix.
  Je poserai mes mains sur le rosier sauvage,
  son matin m'embaumera les doigts. J'écouterai le printemps
des marécages
  le roseau et l'enfant de roseau se berçant aux plis de la même
buée
  Je verrai de l'écorce en prière du bouleau le jeune bouleau
s'élever
  je lui parlerai. Mes bras seront enduits de sèves.
  Un grand sainfoin ploiera ses feuilles dans ma tête.
…

              COMPLIES


  Extrait 1

  LA nuit s'accroupit allaitant ses étoiles et si sereine entre les
genoux du ciel que nul appel de mourant
  nulle clameur de bête ne pourraient émouvoir cette gorge
veinée de bleu pâle
  d'où musicalement glisse la paix.
  Je regarde les peupliers protéger d'un long bras la terre des
semailles
  où les lucioles sont des pointes de faucilles en reflets
  Les sonnailles des moutons tintent au cou de l'ombre.
  Je regarde les montagnes affleurer dans le divin des espaces
rayés de lune
  et le sol se soulever entre les pattes brunes et grêles du prin-
temps nocturne.
…

  
 

              LAUDES


  Extrait 2

  La nuit s'arrache à peine de votre face, crevant en péché par-
donné
  il fait une nuit de saints sous les branches basses.
  Les vierges de l'aube soufflent des auréoles au bouvreuil et à
la jacasse vive
  Un monde de plume et de poil se presse aux rives du matin
  et prie la tête levée vers la dernière étoile blanche.
…