Une anthologie de nouvelles d'un auteur que tout fantasticophile se doit de connaître, puisqu'il est celui qui - avec "
Je suis une légende" et le scénario du premier film de Spielberg, "Duel" - a su dépoussiérer le genre fantastique en actualisant les vieilles thématiques, quand il n'en a tout simplement pas posé les nouvelles bases.
Matheson élabore un fantastique urbain et contemporain de son époque, une science-fiction de comics à visée nihiliste, non dénué d'humour ou de sarcasme.
Les règles du pur fantastique tel que le décrit
Tzvetan Todorov sont respectées à la lettre : le dérèglement de la réalité est insidieux, amené par petites touches, le doute persiste souvent pour le lecteur quant à la "réalité" de ce qui est raconté : s'agit-il de la perception subjective d'un personnage mentalement perturbé ou d'une "réalité" investie par un dérèglement objectif ?
Fantastique interstitiel qui investit le réel jusqu'à son basculement, voilà en quoi Matheson est une référence, parce qu'il a su innover, débarrasser le genre des oripeaux gothiques, mais aussi parce que nombre d 'écrivains américains postérieurs lui doivent beaucoup (
S. King pour ne pas le nommer,
Dennis Etchison,
Dan Simmons).
Que dire de cette anthologie en particulier ? Les courtes nouvelles qui la composent sont toutes construites sur le principe de la chute inattendue, souvent cruelle à l'égard du/des personnages principaux, où le lecteur est pris de court au tout dernier paragraphe, voire à l'ultime phrase. On pense beaucoup aux épisodes de la "Twilight zone" des années '50.
Malgré tout, j'ai trouvé tout cela bien naphtaliné, les dialogues ou descriptions sont pesants la plupart du temps, tout m'a semblé daté (notamment les quelques récits de SF totalement dépassés de nos jours). Il faut bien se rendre à l'évidence : Matheson n'est pas un orfèvre de la forme mais principalement un innovateur de fond.
A noter pour les cinéphiles avertis : ce recueil comprend les trois histoires que Dan Curtis avait adaptées dans son téléfilm bien connu des spectateurs français, "Trilogy of terror" avec Karen Black dans les rôles principaux des trois sketchs qui le composent.
On y trouvera aussi la nouvelle qui a été adaptée début des années 2000 par
Richard Kelly avec "The box" (la nouvelle est d'ailleurs bien meilleure).
Un recueil que l'on peut lire entre deux lectures plus accaparantes mais que j'ai globalement trouvé décevant malgré mon admiration pour ce pionnier du fantastique US et mon attachement pour le format des nouvelles.