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3,89

sur 304 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
et c'est anéantie par les images de cette lecture que je commence ma critique, que dis-je, c'est dans l'affliction et l'effroi le plus total, surtout quand on sait que Laurent Mauvignier romance un fait réel - réel, mon dieu ! - un « fait divers » survenu à Lyon en 2009, mais parler de « fait divers » pour parler de la mort, de la mort d'un être humain c'est indigne, ça ne reflète pas l'horreur de ce que la victime a subi, ni le vide qu'elle laisse dans le coeur de ses proches, même si la vie les avait éloignés, même si la misère a pu peut-être creuser l'écart mais ça, ça ne compte plus face à la mort, et surtout pas lorsqu'un homme meurt « pour ça », pour avoir bu une cannette de bière dans un supermarché sans avoir de quoi la payer et se fait tabasser par des vigiles tout-puissants mais, finalement, si l'on ne peut pas mourir « pour ça » comme l'a laissé échappé le procureur, pensant ainsi condamner les coupables, si l'on ne peut pas mourir pour avoir, en quelque sorte, volé une cannette de bière, est-ce à dire qu'il serait plus justifié de mourir pour en avoir volé deux, ou six, ou douze ? que s'il avait été tabassé à mort pour deux pack de bière, cela n'aurait été que justice, que ces vigiles au courage exemplaire, car ils étaient 4 pour faire crever un homme qui ne s'est pas même défendu, pas même avec ses mots, que ces types, donc, s'en seraient sortis indemnes ? « le vrai scandale ce n'est pas la mort, c'est qu'il n'aurait pas fallu mourir « pour ça », une cannette, pour rien, comme si on pouvait accepter qu'ils tuent, les vigiles, si c'est utile, s'ils n'ont pas le choix, on doit pouvoir se résigner à admettre, on peut comprendre et tolérer même si ça nous choque et nous déplaît mais là, impossible, quelque chose se dresse devant nous qu'on ne peut pas supporter, ce meurtre, un meurtre, ils se sont fait plaisir, voilà, le fond de l'affaire c'est que c'était de leur jouissance à eux qu'ils étaient coupables et pas de l'injustice de sa mort, ça, ni le procureur ni les journalistes ni la police n'admettra jamais, que ces types-là se soient payés sur sa tête, et ils ont tout fait pour essayer de la comprendre, cette mort, tout fait pour lui donner un sens et la trouver un peu normale, ils ont écrit des papiers », mais personne n'était là pour lui lorsqu'il était encore en vie, personne ne l'entendait penser lorsqu'il mourait, quand sa propre vie l'abandonnait, tandis qu'il se faisait tabasser « pour ça », pour rien, alors heureusement qu'il y a Laurent Mauvignier, le seul à pouvoir faire parler les morts en une phrase de 60 pages, une seule phrase comme une seule vie par personne mais dans laquelle les voix et les actes de chacun s'intriquent, ont des répercutions dans la vie de tous, c'est ça qu'il fait Mauvignier, écouter les pensées discourir sans discontinuer, nous les restituer sans les censurer, les édulcorer, les arranger, parce que même si je ne suis plus très objective quand il s'agit de cet auteur, cette forme a du sens, une seule phrase comme un seul regard qui englobe tout, un seul tout formé de multiples actes dont les causes de certains trouvent leurs origines bien avant les faits et d'autres en seront les conséquences bien après, sans qu'il n'y ait de début ni de fin, juste la vie qui coule, qui s'écoule de l'un et se poursuit ailleurs, une seule pensée sans début ni fin, sans majuscule ni point, un hommage à la victime et à sa famille, car cette histoire est un tout, un amas inextricable d'actions, une suite de moments qui ont amené à cette situation dans une communauté où l'on peut mourir « pour ça », pour rien, une seule phrase qu'une fois lancée on ne peut plus arrêter, exactement comme le déroulement insensé de cette tragédie à l'issue inéluctable, que personne n'est venu interrompre avant la fin, mais la fin pour qui ? cette seule phrase comme une trainée de poudre, seul souvenir d'une mort qui déjà s'évapore comme toutes celles qui, chaque jour, traversent le temps mais jamais ne le marquent, alors pour ne pas que cette tragédie tombe dans « ce que j'appelle l'oubli », Mauvignier est peut-être le seul à pouvoir nous faire ressentir, pêle-mêle, autant de sensations et pensées, nous faire souffrir avec la victime mourant en silence de cette injustice criante, entrer dans sa tête « quand il y avait cette voix qui continuait et répétait, pas maintenant, pas comme ça, jusqu'à ce qu'elle se taise elle aussi et s'efface dans un chuchotement, trois fois rien, un sifflement, sa voix à lui qui continuera dans sa tête à murmurer, à répéter toujours pas maintenant, pas maintenant, pas comme ça, pas maintenant » -
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Soixante pages, une phrase. Une seule phrase semblable à une déferlante écumante qui submerge sans qu'on l'ait vu venir et nous éjecte sur une grève désolée, haletants, essoufflés, interdits également.
On s'attend à poser son regard sur une chaussure dépareillée qui rappellerait toutes ces existences plus transparentes qu'un banc de méduses.

Lyon, décembre 2009: quatre vigiles tuent Michaël Blaise, 25 ans, martiniquais, sous l'oeil d'une caméra de surveillance qui enregistre tout. Michaël avait pris une canette de bière dans un rayon et l'avait bue.
Un homme ne doit pas mourir pour si peu a dit le procureur. Un homme est pourtant mort pour si peu et Laurent Mauvignier commet un petit grand livre pour que le fait divers s'inscrive dans L Histoire.

Mauvignier prête sa plume ou plutôt offre une voix à un quelqu'un.Qui? Cela n'a guère d'importance. L'écriture, hagarde et rageuse et assourdie entrechoque les mots, oscille entre le je et le il. Il espère, il panique, ça disgresse. le récit donne de la chair à l'entrefilet du journal, réincarne la victime anonyme. Celle-ci s'épaissit, force les yeux, enfonce l'indifférence.
L'important est que le silence devienne paroles entendues.

D'accord, la chronique d'un meurtre ordinaire, ce n'est pas gai. J'aurais pu choisir un autre livre pour mon premier billet de l'an nouveau. Mais L'écriture est remarquable. La compassion n'est pas mélodramatique. L'engagement et la révolte participent de la vie.

L'écrivain s'engage, le lecteur résiste en se souvenant.
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Un texte inspiré d'un fait divers : un homme est mort sous les coups de quatre vigiles pour avoir bu une bière dans un rayon d'un magasin.

Il faut prendre correctement sa respiration avant de commencer la lecture pour ne pas manquer d'air. Ce récit n'a pas de point, juste des virgules et des points d'interrogation pour freiner l'histoire de temps en temps.

Beaucoup d'interrogations dans ce texte rageur, connaître les raisons du soutien des femmes des vigiles, appréhender le ressenti des enfants face à ces pères de famille assassins, les états d'âme du frère de la victime qui a un bon travail en France et ne sait pas si son patron le laissera s'absenter pour les obsèques, prévenir les parents sans qu'ils apprennent le côté miséreux de leur fils, la violence de sa mort.

Boire une bière sans la payer et mourir.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Ce texte est constitué d'une seule phrase, mais quelle phrase !
Elle court de la page 7 à la page 62... Proust peut aller se rhabiller...

L'auteur s'est librement inspiré d'un fait divers atroce qui eut lieu à Lyon en 2009 : un homme entre dans un supermarché, se dirige vers les boissons, prend une canette de bière et commence à boire.
Très banal, me direz-vous.
Mais ce qui l'est moins, c'est que l'homme en est mort.
Oui, mort.
Mort pour avoir bu une canette de bière dans un supermarché !

Dans un texte littéralement à couper le souffle, Laurent Mauvignier nous plonge dans l'horreur la plus aigüe, dans la barbarie la plus inhumaine.
Ils s'y sont mis à quatre.
Quatre vigiles qui ne se sont pas contentés d'arrêter l'homme (jamais nommé) comme leur fonction l'aurait voulu, mais se sont acharnés sur lui, et l'ont battu à mort.

C'est en apnée qu'on lit ce livre, cette phrase terrible, puissante, qui nous emporte dans ce que l'Homme peut avoir de pire, dans une spirale de violence inouïe.
" et ce que le procureur a dit, c'est qu'un homme ne doit pas mourir pour si peu,..."
Non, un homme ne doit pas mourir pour si peu !

Une unique phrase, étourdissante, pleine de force et qui résonne comme un long cri d'indignation et de révolte.
Un concentré d'inhumanité, d'humanité et de littérature en une seule phrase.
Une lecture bouleversante.
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Mise en apnée obligatoire ! ! ! !
Ce livre ne comporte qu'une seule phrase.
Heureusement il est court (62 pages) et le format est petit.
C'est inspiré d'un fait divers qui a eu lieu en 2009.
Dans un super marché, un SDF prend et boit une canette de bière. Quatre vigiles l'embarquent et le tabassent jusqu'à ce que mort s'en suive.
C'est poignant. le choix d'une phrase unique se prête au récit de cette abominable affaire qui s'est passée très très vite. Oui, tout va vite, très vite, trop vite.
C'est l'incompréhension totale, l'absurdité à son summum.
Par ce roman, en s'adressant à son frère, Laurent Mauvignier a redonné une dignité à la victime.
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_ un éloge funèbre sous forme de litanie, qui rend hommage à une vie qui valait plus qu'une canette de bière, une vie pourtant transparente et méprisable pour beaucoup, une vie quand même, avec de l'amour et des rencontres et des promenades, une vie qui a fini par s'échapper par la petite porte sous les coups haineux et insouciants de vigiles qui ne pensaient pas que cette vie valait quoi que ce soit, qui pensaient peut-être que cette vie était déjà tellement merdique que c'était pas un peu de merde par dessus qui allait changer grand chose, cette vie qui a filé pas doux, cette vie qu'on aurait oubliée
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En 2009, au centre commercial de la Part-Dieu, Michaël Blaise est arrêté par quatre vigiles pour avoir volé une cannette de bière. Il sera ensuite rudoyé puis frappé par les quatre vigiles… La mort en direct sur les caméras de vidéosurveillance est explicite, malgré les différentes allégations des avocats des deux parties lors du procès. Ni violent, ni drogué ni alcoolisé, il va pourtant mourir d'une façon inqualifiable, étouffé par les gestes et le poids des vigiles.
Mais le plus inqualifiable n'est-il pas ce que la justice elle-même en dira : « Mort pour une canette de bière », comme si la mort «pour autre chose » aurait été quant à elle compréhensible ou acceptable ? Mais alors, quel serait « le juste prix » qui ferait que la mort et le « pétage de plomb des vigiles» serait acceptable ?
C'est cet appel, ce cri, que pousse Laurent Mauvignier avec beaucoup de rage et de justesse, dans ce court roman d'une seule phase de près de soixante pages, pour ne pas oublier.

Lien : https://domiclire.wordpress...
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Un douloureux cri, interminable, insupportable, hurlé en une phrase suffocante de soixante pages !
Acculé contre un mur de boîtes de conserves, au fond glauque d'un entrepôt, un jeune SDF meurt, roué de coups par les vigiles d'un supermarché.
La mort en direct.
Qu'a t-il fait ?
Il a bu une canette de bière «empruntée» au rayon alcools.
La vie d'un homme compterait-elle moins qu'une canette de bière ?
Ce livre violent, scandé à perdre souffle, comme un long blues, rageur, révolté donne des frissons, fait froid dans le dos.
Après, le livre refermé...un silence glaçant qui laisse le lecteur muet, abasourdi.
Un rappel poignant sur la nature humaine trop inhumaine.
La violence est partout et partout elle peut surgir. A tout moment.
Personne n'est à l'abri.
Après «Dans la foule» sur le terrible drame du Heysel, «Des hommes» sur la guerre d'Algérie, Laurent Mauvignier confirme son talent d'écrivain.
Ces livres sont inoubliables...Cet écrivain a vraiment du coffre !
"je vais retrouver mon souffle, ça ne peut pas finir ici, pas maintenant et pourtant il ne pouvait plus respirer ni sentir son corps ni rien entendre, ni voir non plus et il espérait malgré tout, quelque chose en lui répétant, la vie va tenir, encore, elle tient, elle tient toujours, ça va aller, encore, ils vont cesser parce qu'ils vont comprendre parce que ma vie est trop petite"
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On l'imagine assis sur un casier vide au fond d'une cave ou marchant de long en large dans quelques mètres carrés. Peut-être tire-t-il convulsivement sur une cigarette, peut-être est-il avec un portable à l'oreille... En tout cas, il est abasourdi, il est révolté, il est en colère; il est triste aussi, sans doute. Et il parle, il parle, il parle... il ne peut plus s'arrêter. Il raconte ce que la caméra a capté, il imagine ce qui est passé par la tête de cet homme au moment où les coups pleuvaient, ce jeune homme mort pour avoir bu une bière sans être passé par la caisse, il envisage la réaction des parents atterrés... Et toujours il s'exprime, les mots semblent doués de vie, ils sortent de lui avant même qu'il ait pu construire des phrases, une logorrhée sans fin.... Elle n'avait d'ailleurs pas de début cette incontinence verbale. le lecteur l'a choppé au milieu d'une phrase qui n'est toujours pas terminée 60 pages plus tard.

Un texte fort, qui se lit d'une traite, sans pause, sans respiration. Un tour de force de la part de l'auteur qui n'a pas voulu que le monde oublie qu'on peut mourir pour une bière,... au 21e siècle,... en France.
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Ecrire un livre en ne formant qu'une seule phrase n'est pas un style, c'est l'entrée en immersion dans un dernier souffle de vie.
Laurent MAUVIGNIER ne s'est pas permis de faire d'autre prouesse que de nous rendre cette lecture pénible par le sujet et la proximité avec toute la vie qui a constitué ce gars.
L'événement aurait pu être banal et rester dans une certaine logique : on est de ceux qui sont du mauvais côté puisqu'on est coupable, donc on paie les pots cassés.
Et puis ça dérape. C'est bête. C'était un moins que rien et voici qu'un passage à l'acte de professionnels, qui a débordé, va attirer l'attention et le faire exister plus qu'il na jamais existé. Oui, c'est bête. Surtout pour lui quand on lit ce livre qui fera qu'on ne l'oubliera pas et qu'on aura considéré sa vie et ce qu'il a été. Trop tard.
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