"Le présent est la plus fragile des constructions improbables. Il aurait pu être différent. En partie ou en totalité, il pourrait être tout autre."
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En effet. Bien sûr! On y croirait volontiers...Quoique.
A moins que le destin existe en effet et que tout soit écrit à l'avance... Qui pourrait avoir une telle certitude ?
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Ce postulat, sans autre forme de nuance et d'explication, et c'est peut-être ce qui m'a principalement gênée, est tout de même le point de départ au monde parallèle proposé par
Ian McEwan. Un monde qui ressemble fortement à celui que nous connaissons avec de petites "touches uchroniques" que l'on croirait sorties tout droit des fantasmes personnels de l'auteur, les Beatles par exemple se sont reformés (une touche culture). L'Angleterre a une force armée qui domine l'Europe (contexte militaire et géo-politique qui est un poil plus développé que la "touche culturelle" des Beatles). Mais surtout, nous voici immergés dans une année 1982 dont le niveau de connaissances et d'expérimentations dans le domaine électronique et technologique est bien supérieur à "notre" 2019 (l'année où l'auteur a écrit ce roman) . La société de consommation est ainsi déjà bien en place dans les années quatre-vingts et avide du "dernier cri", sans cesse renouvelé.
Pierre angulaire de ce récit,
Alan Turing, l'un des pères fondateurs de l'informatique, en réalité mort en 1954 d'un empoisonnement à 41 ans, est dans ce monde imaginaire toujours vivant. Il va collaborer en grande partie à la génèse d'Adam et Eve, en 25 exemplaires, des Intelligences Artificielles trèeees perfectionnées. Une réplique physiquement quasi parfaite d'hommes et de femmes, capables de réflexion, d'échange, pourquoi pas...Mais aussi de jugement, capables également de déclamer leur amour (envers leurs semblables ou des humains.). J'ai envie de dire "Ian, tu pousses le bouchon un peu loin!!". Deuxième (gros) bémol.
J'ai beaucoup souri du cynisme délicat et "so british" de certaines réflexions, je me suis identifiée au narrateur, au mélange d'ironie et de naïveté de ses desseins pendant le chargement des batteries de son "Adam". Et puis l'androïde a ouvert les les yeux et je n'ai cessé d'être un peu -trop- bluffée par ses aptitudes, au milieu d'un contexte gentiment uchronique. J'ai été impressionnée par le choix de ce contexte, au départ. N'aurait-il pas été plus "facile" que ce scénario se déroule dans le futur ?...Et puis au final ce qui m'avait semblé une richesse au départ s'est pour moi révélé une faiblesse, peut-être que l'auteur n'était en fait pas en mesure de créer un réel univers futuriste, mais que cette question des I.A lui tenant à coeur, il a crée une uchronie au rabais, un contexte finalement très peu exploité et très semblable à celui que nous connaissons, à quelques extraversions près.
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le coeur des préoccupations de l'auteur sont des questionnements éthiques et moraux comme l'indique un épigraphe on ne peut plus révélateur de l'ensemble du livre :
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"Mais souvenez-vous, s'il vous plaît, de la Loi qui est la notre.
Nous ne sommes pas faits pour comprendre un mensonge..."
Rudyard KIPLING "Le secret des machines".
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L'auteur semble ainsi fasciné par un humanoïde dont la nature, selon lui par définition, ne serait ni corrompue ni par le mensonge ni par les bassesses humaines. Et paradoxalement crée par un humain, de ce fait aussi puissant qu'inconscient des risques qu'il prend à se mirer ainsi dans son propre reflet; quitte à accoucher d'une création qui pourrait lui échapper ou lui nuire.
le déroulement du scénario en est une belle démonstration, je le reconnais. Ce qui lie les trois principaux protagonistes: l'acheteur de Adam, sa voisine, et Adam est une sorte de huis-clos qui recèle son lot d'humour parfois cocasse, parfois noir, et une intrigue qui tient la route sans toutefois m'avoir réservé de grandes surprises. le tout baignant dans un contexte qui manque pour moi de crédibilité, tant par ce contexte uchronique, que par les aptitudes d'Adam, mais également par le fait qu'un individu "lambda" ait pu l'acquérir. Certes il a hérité d'une belle somme, mais des détails sur la façon dont il a eu connaissance de la création de ces humanoïdes et quel a été son parcours pour en arriver à en acquérir un eut rendue la situation un peu moins improbable. Imaginons de nos jours que de tels robots existent, en 25 exemplaires, je ne suis pas sûre malgré un prix exorbitant que l'offre s'adresserait à tout un chacun ayant une somme d'argent à dépenser. D'ailleurs, ils peuplent peut-être déjà les palais de Dubaï mais c'est top secret!!?
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Voilà, l'intrigue est correcte, il y a de l'humour, de la réflexion morale, et c'est bien écrit. Malgré tout je n'y ai pas cru!