Miss Seeton à la barre

Everleigh consulta brièvement ses notes et reprit :
- Vous avez tout à fait raison, au demeurant, c’est ce Witley, le gars s de la télévision. Je ne peux pas sentir ce bonhomme-là, quant à moi. Je n’arrive vraiment pas à comprendre pourquoi ma femme prend des airs de collégienne morte d’amour quand elle regarde son émission, mais c’est une autre histoire. Je suppose. Revenons à nos moutons. Selon Colveden, Szabo aurait décidé de se joindre à la croisière, car il estime que cette affaire de buste d’Homère n’est que la partie visible de l’iceberg. Il pense que Witley trempe dans une sombre magouille pour écouler de fausses antiquités sur le marché, et il espère pouvoir le surprendre en compagnie d’associés peu recommandables. Voilà, je crois que je vous ai tout dit. A vous, maintenant.
- Merci. Je crains d’avoir encore des questions.
- Ouvrez le feu ! proposa sir Hubert, toute sa cordialité retrouvée.

- Je suppose que le chef de la police du Kent a collé tout ça sur le dos du directeur…
- Une façon fort peu respectueuse de présenter la chose mais, oui, c’est ce qu’il a fait. Le directeur a collé l’affaire sur le mien, il y a une demi-heure, et maintenant, c’est à vous que je la refile.
- mais qui va payer, monsieur ? Pour que Miss Seeton aille faire le tour des îles grecques en tirant le portrait de tous ceux qu’elle surprend à chuchoter à l’oreille du Pr Witley, ou à lui glisser des liasses de billets usagés ? Car j’imagine que c’est le projet que sir George a en tête, non ?

Eh bien, le moment est venu de parler franc. Vos stupides guignoleries à la télé vous sont montées à la tête, Adrian. Vous êtes devenu vaniteux et bien trop confiant en vous-même, et ce sont des choses qui peuvent conduire au désastre, dans notre négoce. En Angleterre, les gens vous arrêtent peut-être dans la rue pour vous demander un autographe mais, ici, vous comptez pour du beurre, vous savez. Souvenez-vous-en. Vous avez été utile à certains d'entre nous, par le passé, et nous avons grassement rétribué vos services. Mais maintenant, vous devenez une gêne. On s'interroge sur votre discrétion.

Quand elle était revenue avec une autorisation, griffonnée à la hâte par le toujours galant capitaine Papagiannis, elle avait trouvée Miss Seeton dormant à poings fermés, un sourire angélique aux lèvres, si bien qu'elle n'avait pas eu le coeur de la déranger.

La pratique quotidienne du yoga pendant quelques années ne lui avait peut-être pas permis de maîtriser les postures les plus compliquées, certes — les auteurs des manuels s'accordaient d'ailleurs à penser qu'il valait mieux ne pas les tenter quand on avait un certain âge —, mais les exercices avaient fait merveille sur les muscles de ses jambes et sur sa capacité respiratoire. Miss Seeton savait, en toute modestie, qu'elle était capable de mieux marcher que bien des personnes beaucoup plus jeunes.