Je n'ai pas tout aimé dans ce roman, loin de là. Et pourtant, je n'ai pas envie d'être trop sévère avec lui, car je le considère à sa manière comme un roman marquant.
On suit, de Oakland à Philly et de Chicago à Los Angeles, l'histoire tortueuse du BPP (Black Panther Party for Self Defense, et ces deux derniers vocables ont leur importance... j'ai été sidéré de voir à quel point ils avaient la gâchette facile, même contre la police alors qu'ils n'étaient pas illégaux !), de sa création à sa déliquescence.
Les premiers chapitres sont consacrés aux trois principaux créateurs du BPP à Oakland : Huey P. Newton,
Bobby Seale et
Eldridge Cleaver, rebaptisés ici Huey Norton, Bobby Stills et Eldridge je sais plus comment mais un truc qui ressemble à Cleaver.
J'ai eu la curiosité de comparer l'histoire des vrais personnages à celle de leurs "copies version Mention", et c'est tellement conforme à la réalité des faits historiques que... je n'ai pas compris pourquoi l'auteur avait trafiqué leurs noms. Il aurait tout aussi bien pu garder les vrais.
Ensuite, on va suivre tour à tour les pérégrinations de trois personnages :
- Charlene, une jeune militante noire de Philadelphie qui va entrer dans la section locale du BPP.
- Tyrone, un autre black qui va gravir les échelons du parti tout en étant "victime" du programme Cointelpro... c'est-à-dire tout en étant une taupe au service du FBI.
- Neil, un flic blanc d'origine irlandaise, catholique pratiquant et plutôt favorable aux droits civiques pour les noirs... en tout cas au début.
Ces personnages ne se croiseront jamais, mais permettront au lecteur de traverser tous les événements emblématiques de cette bouillante fin des sixties (le concert de Woodstock, l'assassinat de Bob Kennedy, celui de
Martin Luther King, le massacre de Sharon Tate par la Manson family, les crimes du tueur en série Zodiac...)
Ils auront leur descente aux enfers chacun à leur manière , aussi terrifiante que convaincante, à l'exception peut-être du destin final de Tyrone, auquel je n'ai pas trop adhéré.
Le phrasé de Mention est très familier, ce qui est ici assez adapté au sujet. Nous avons affaire à des héros des ghettos afro-américains et le langage soutenu n'aurait pas convenu. Pour autant, j'ai quand même trouvé que le lexique faisait souvent un peu trop XXIe siècle.
L'auteur "essaie des trucs" constamment, dans la forme et dans la construction de son roman. C'est un expérimentateur, et ma foi je lui en sais gré, dans un monde littéraire souvent trop standardisé. le souci, c'est qu'en ce qui me concerne, ça n'a pas toujours marché. J'ai même trouvé certaines de ces "expérimentations" un peu pénibles. En revanche, j'en ai trouvé d'autres diablement efficaces.
Au final, je considère ce roman, très documenté sous ses airs de pas y toucher, comme une façon pas désagréable du tout de se renseigner sur la lutte menée pour les droits civiques aux US à la fin des années 60