C'est la lecture d'un extrait de
la voix secrète qui m'avait fait inscrire
Michaël Mention à la longue liste des auteurs que j'aimerais lire. Une histoire dans
L Histoire, des personnages et des événements sortis de l'imagination d'un auteur, côtoyant des personnages et des événements sortis des livres d'histoire, voilà ce qui titillait ma curiosité chez
Michaël Mention.
Aussi, quand j'ai vu lors de la dernière Masse Critique que Babelio proposait un livre de cet auteur et qui de plus reprenait ce canevas de l'histoire dans
L Histoire, j'ai tout de suite foncé sur ce choix.
Le début du livre m'a un peu fait douter de la justesse de mon choix. J'ai cru dans un premier temps m'être embarqué dans une biographie des fondateurs du Black Panthers Party. On y retrouve des noms connus de tous :
Malcom X,
Martin Luther King, Mohamed Ali, Hoover, Kennedy. Et d'autres moins connus : Bobby Seal et Huey Newton, les fondateurs du BPP.
Intéressant, passionnant même de plonger ainsi dans l'histoire des Etats Unis de la fin des sixties. Un pays et une époque qui sont inscrits dans nos imaginaires, enregistrés dans nos mémoires au travers de l'actualité internationale, du cinéma, de la musique.
Intéressant mais il me manquait quand même quelque chose. C'est un roman que j'ai dans les mains, pas un condensé des unes des journaux et des discours politiques qui ont construit les mouvements raciaux de cette époque. Elle est ou la petite histoire qui va se glisser dans le décor de la grande ???
C'est là, quand je commençais à me demander si je ne m'étais pas trompé dans mon choix, que j'ai fait la connaissance de Charlene, de Tyrone et de Neil.
Charlene, l'adolescente noire en quête d'un idéal qui pourrait prendre dans son coeur la place de la rage qui l'habite, idéal qu'elle va trouver par son adhésion au mouvement des Black Panther
Tyrone, le criminel que le FBI va faire sortir de prison pour lui faire infiltrer les Black Panthers
Neil, le flic, blanc, forcément blanc hélas. Chrétien, mais croyant en l'homme avant de croire en Dieu et croyant surtout en la possibilité de faire vivre les hommes ensemble
Ces trois la vont avoir chacun leur destin, se croisant parfois, s'effleurant à peine. Mais tous trois vont être liés à l'histoire des Black Panthers et plus largement à celle des Etats Unis.
Une histoire faite d'espoir, celui de changer le monde, de donner le pouvoir au peuple, de rendre égaux les hommes sans distinction de couleur, de sexe ou de religion.
Une histoire peu glorieuse faite de violence, de manipulation, de repli identitaire.
Une histoire qui a réussi au moins à unir les hommes sous une seule couleur : ni blanc, ni noir, le coeur des hommes y est gris, remplis de haine, de besoin de domination, de repli sur son groupe, sur son appartenance, remplis de vengeance…
Le récit est mené avec une dynamique que je n'avais encore jamais croisée dans ce genre de livre aux confins de la fiction et du roman historique.
Cette dynamique est alimentée par 3 piliers :
-tout d'abord, l'alternance des narrations. A chaque chapitre (souvent très court), on passe du récit de Charlene, à celui de Tyrone puis à celui de Neil
-la musique. Beaucoup de références musicales dans ce livre : J.Brown, Ottis Redding,
Jimi Hendrix,
Led Zeppelin, les Stones. Souvent, des petits extraits des textes de chansons de ces artistes viennent entrecouper le récit.
-les références à des événements historiques qui alimentent la narration.
Loin de casser le fil du récit, ces deux derniers éléments (les références historiques et musicales) donnent un coté immersif à l'ensemble du récit. Mieux que le casque de réalité virtuel,
Power est une plongée par tous les pores dans un passé pas si lointain.
Et du passé, nous projette dans notre présent. Comment, en lisant
Power, ne pas penser à ce qui pourrait nous arriver aujourd'hui ou demain, à l'échelle d'un pays, d'un continent, ou du monde : le repli identitaire alimenté par la haine, elle-même alimentée par le mépris, alimenté auparavant par la peur… Boucle sans fin qui a amené les violences décrites dans
Power, mais aussi celles que nous avons vécues en France en 2015 et 2016 avec les attentats…
Bref, malgré toute la grisaille qui m'habite au sortir de cette lecture, j'ai vraiment adoré ce livre pour sa dynamique, son coté immersif et aussi pour la petite graine de réflexion qu'il plante dans le cerveau du lecteur (fourniture du terreau de culture historique comprise)
Un grand merci à Babelio pour l'organisation des Masses Critiques, aux éditions
Stéphane Marsan et surtout un grand merci à
Michaël Mention pour l'écriture de ce livre.