Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que l'amour est enfant de Bohème et qu'un toréador doit prendre garde avant d'entrer dans l'arène. «
Carmen » de Bizet, pour les Français c'est l'un des trois opéras majeurs (avec « Faust » de Gounod, et « Lakmé » de Delibes) à figurer dans le panthéon mondial de l'art lyrique. Mais si l'opéra a été créé en 1875, la nouvelle de
Mérimée, elle, date de 1847.
Mérimée est un peu méconnu dans le paysage littéraire du XIXème siècle. Pourtant la qualité de son style, la variété de son inspiration, son goût pour l'exotisme et le fantastique auraient pu lui valoir une place meilleure que celle que l'histoire littéraire lui a allouée. Mais il est vrai qu'il y avait bousculade de génies et de talents à cette époque…
Prosper Mérimée (1803-1870) nous est connu par sa double casquette : écrivain et archéologue. A ce dernier titre lui revient le mérite d'avoir confié à
Viollet-le-Duc la restauration de nombreux monuments comme Notre-Dame de Paris ou la Cité de Carcassonne. Comme écrivain, on lui doit un roman historique («
Chronique du règne de Charles IX – 1829 ») mais surtout un nombre important de
nouvelles (dont plusieurs sont devenues très célèbres), basées sur l'exotisme, l'histoire, le fantastique, etc., d'un romantisme affirmé et d'une écriture élégante et racée, quoique peut-être manquant un peu d'émotion.
La nouvelle «
Carmen », écrite vers 1845, fut publiée en 1847, et contribua à diffuser l'image d'une Espagne un peu folklorique.
«
Carmen » est l'histoire d'un féminicide. le narrateur, qui est archéologue comme l'auteur, fait des recherches en Espagne et se trouve pris dans des embrouilles de contrebandiers, entre Don José (un ancien policier passé du côté obscur) et une jeune et jolie bohémienne prénommée
Carmen.
Carmen, en latin, veut dire poème. Et cette
Carmen-là, je vous jure qu'elle est épique. Aguicheuse comme pas deux, elle fait tomber tous les hommes dans ses pièges. le pauvre Don José, du fond de sa prison, raconte son histoire au narrateur : à la suite de bagarres déclenchées involontairement par la gitane, il en vient à tuer un contrebandier, et poussé à bout par
Carmen, qui fait les yeux doux à un beau picador (et non pas un toréador comme dans la chanson) il finit par poignarder la bohémienne aux yeux noirs. C'est pour cette raison qu'il est en prison et attend d'être jugé, et certainement condamné.
La construction de la nouvelle est plutôt bizarre : sur les quatre chapitres, les deux premiers ne servent qu'à présenter les personnages, seul le troisième raconte l'action. le quatrième, qui consiste à un reportage sur les us et coutumes des bohémiens, n'a strictement aucun intérêt narratif.
C'est donc une histoire forte, une histoire de passion, dans la tradition du théâtre romantique. Une histoire de séduction qui se retourne contre la séductrice (jusqu'où peut-on aller trop loin ?), et de l'autre côté une histoire d'obsession sexuelle et sentimentale (les deux vont de pair), doublée bien évidemment d'une jalousie qui, chez une nature violente comme don José, ne peut déboucher que sur le meurtre.
Ami lecteur, amie lectrice, tu peux en toute quiétude prendre ce livre et le savourer.
Mais, prend ga-a-arde
Un oeil noir te regarde !
Mais pas de souci, l'amour t'attend !