Ceux qui, à la suite de
Descartes, voulaient se "rendre comme maîtres et possesseurs de la nature" ont lamentablement échoué.
Cette défaite que
Vincent Message attribue aux hommes, a causé l'arrivée de créatures stellaires qui se sont installés provisoirement sur la Terre pour profiter de ses dernières ressources. Et pour, à leur tour, se comporter en maîtres et possesseurs.
Tellement proches des humains que rapidement ils calquent leur comportement, adoptent leur point de vue sur le vivant et négligent la préservation d'un eco-systeme dont ils veulent juste profiter jusqu'à épuisement.
Ceci n'est pas un roman de science- fiction.
Le choix de la dystopie sert juste à délivrer un ou plusieurs messages, principalement en ce qui concerne la schizophrénie morale qui caractérise notre rapport aux animaux. Sans doute proche des pensées de Peter Singer, le philosophe fondateur du mouvement moderne pour les droits des animaux,
Vincent Message pointe nos contradictions qui nous poussent à aimer certains animaux alors que d'autres sont sacrifiés pour nous nourrir.
En cela, il tient davantage du conte philosophique qui interroge notre société toute entière et qui fait tenir la narration dans la bouche d'un voyageur qui découvre notre planète. Malo se doit donc d'être cet extraterrestre qui contemple notre monde.
Ce roman est aussi un roman engagé, dans la mesure où il affronte les dysfonctionnements de notre société, les différentes violences politiques, économiques, societales et écologiques qui sont commises pour appuyer les lecteurs dans leur prise de conscience.
On retrouve dans le roman d'
Agustina Bazterrica, "
Cadavre exquis", paru en 2019, de nombreux points communs avec le roman de
Vincent Message.
Il est toutefois peu probable que cette auteure argentine ait pu s'inspirer du livre et l'on peut supposer que la question du cannibalisme inversé infuse parmi ceux qui se préoccupent du bien-être animal.
Les hommes sont donc devenus, pour ceux qui les dominent, soit de la main-d'oeuvre bon marché, soit des animaux de compagnie, soit des animaux d'élevage destinés à l'abattoir.
Marcus s'en étonne, puisqu'il avait observé le comportement des hommes envers les animaux :
"De toutes nos manières de dominer, d'être les maîtres et possesseurs, celle qui les fait le plus frémir, par voie de conséquence, et qui nous vaut d'être appelés des démons, c'est l'habitude que nous avons prise d'élever un grand nombre d'entre eux pour consommer leur chair ".
Iris, la compagne de Marcus, appartient à cette dernière catégorie, celle qui est engraissée, privée de langage et d'espace. Contrairement au roman de Bazterrica, les conditions de vie et d'abattage sont abordées succinctement car les deux romans opèrent sur des registres différents. Cette relation amoureuse est l'occasion de souligner la cruauté du système, puisque la victime est une jeune humaine pour laquelle le lecteur ne peut qu' éprouver de l'empathie, voire même s'identifier.
C'est donc grâce à un mécanisme de projection que l'argumentation sera efficace et pourra amener à la réflexion. La leçon sera plus efficace encore avec cette conclusion :
"Aimer les animaux ce n'est pas moins aimer les hommes ; aimer les hommes ce n'est pas moins aimer les gens de notre espèce. Car si on aime la vie avec une passion folle, alors on peut aimer tous les vivants, reconnaître partout leur souffle, et ce qu'il a de fragile, et sa capacité à se détraquer en peu de temps, et se mettre à haïr, en regard, toutes les violences qui leur sont faites."