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EAN : 9782851978349
80 pages
L'Herne (01/11/2017)
4.12/5   13 notes
Résumé :
Tablée est l’histoire de deux tableaux qui à l’origine ne formaient qu’une seule pièce peinte par Édouard Manet en 1878. Coupé en deux le tableau sans nom donna naissance à deux toiles retravaillées : l’une, Le coin de Caféconcert exposée actuellement à la National Gallery de Londres, l’autre, intitulée Au café, fait partie des collections du musée Oskart Reinhart à Winterthur (Suisse). Nul ne connaît la raison qui poussa Manet à procéder à cette « opération chirurg... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Pierre Michon écrit peu, et des oeuvres courtes. Mais il écrit tellement bien qu'il faut le lire, même lorsque ce sont des extraits. Et en l'occurrence ici, il s'agit d'un texte de commande et d'une ébauche inachevée.
Tablée reprend un procédé habituel à Pierre Michon, la description - ou plutôt l'évocation - d'une oeuvre d'art, l'ekphrasis même, puisque la préface, parfois un peu pédante, m'a appris ce terme. Car l'auteur est lui aussi un voyant, qui interprète et transfigure - au sens religieux du terme, car une table et du vin ne peuvent qu'évoquer la Cène...
Fraternité est l'ébauche d'un roman qui aurait pour cadre la Terreur, autour du peintre David, un prélude aux Onze. Contrairement à ce roman, ici, la narration était portée par un collectif féminin, l'occasion de célébrer la sensualité des corps féminins face au souffle froid sur la nuque qui tranche les têtes, la mousseline d'été des femmes face à la draperie rouge de la déesse Raison.
Pierre Michon se savoure, et ses qualités stylistiques éclatent même dans ces quelques pages, qui laissent forcément un sentiment d'inachevé.
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Les plaisirs de la table

Pierre Michon est un auteur trop rare et trop précieux pour que l'on puisse se permettre d'ignorer la parution d'un nouveau texte sans faire preuve d'une singulière prodigalité. Celui-ci est le fruit d'une commande du Musée de Winterthour, dans le canton de Zürich, à l'occasion de l'exposition "Manet retrouve Manet" en 2005. On pouvait y voir réunis deux tableaux, Au café et Coin de café-concert, qui n'en formaient à l'origine qu'un seul et unique, et que l'artiste décida de séparer pour une raison aujourd'hui inconnue.

Partant du constat qu'aucun des personnages peuplant ce café ne semble parler, Michon y interroge les corps, la façon dont ils s'organisent, dont ils occupent l'espace. "Entre les deux grands vertiges de l'oralité, la parole et l'alcool, que fait-on ? On coexiste." Chacun est acteur et public à la fois, et tout s'organise autour de la table, véritable personnage central, la table, "médiateur social" qui sépare et rapproche tout à la fois. Gardant en mémoire la "Tablée fondamentale" que constitue la Cène, Michon questionne ici la table démocratique (il voit, dans la chaise inoccupée au premier plan du tableau de gauche, la place vide du roi disparu) autour de laquelle tous les corps aspirent à régner d'une manière ou d'une autre. S'ensuit une brillante analyse des tensions sociales en jeu et un décryptage minutieux des forces en présence par le truchement des couvre-chefs : le chapeau-cloche pourpre, le melon gris, le bibi fleuri et l'emblématique gibus noir.

Soyons clair, ce texte n'est pas majeur dans l'oeuvre de Michon qui compte pourtant à peu près autant de livres essentiels que de livres parus. Mais le plaisir de le lire à nouveau demeure intact. Ne le boudons pas.

Le deuxième texte est l'ébauche d'un projet abandonné, consacré au peintre Jacques-Louis David. Ce dernier deviendra François-Élie Corentin dans Les Onze, paru aux Éditions Verdier en 2009, dont le texte présenté ici est la préfiguration.

(Je ne note pas les livres comme de bons ou de mauvais élèves.)
Lien : https://lesheuresbreves.com/
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EDOUARD MANET PEINT "AU CAFE"

Avant d'avoir achevé le Café-concert au Reichshoffen en août 1878, Manet découpa sa toile en deux parties qu'il développa de manière indépendante La partie gauche devint Au Café, Café-concert, la partie droite Coin de café-concert (Wikipedia).

Pierre Michon commente ces deux tableaux de Manet.Il prend pour personnage central, la Table qui unit et sépare les protagonistes de la scène, traite de la puissance d'expression d'Edouard Manet et se livre à un exercice de style sociologique en commentant l'appartenance à une classe sociale selon le chapeau porté.

Comme d'habitude, l'écriture est très travaillée, merveilleuse d'habileté, puissante dans le choix des mots. L'analyse du tableau est brillante, complexe et fascinante.

Du grand art. Manet méritait bien un tel commentaire
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À l'occasion d'une exposition réunissant ces deux toiles dans leur composition initiale, autour de la table de marbre "de Judée", Pierre Michon propose une ballade riche de sens qui en passe les personnages en revue, et leur manière d'occuper l'espace - ainsi le prolétaire en blouse bleue, représentant d'une classe porteuse de changement après la répression toute fraîche (moins de dix ans) de la Commune de Paris - faisant pièce au haut-de-forme du bourgeois ou de l'artiste. La "petite fille" de profil se transforme sous sa plume en déesse égyptienne sans bras mais coiffée d'un cartouche composé par l'affiche apposée sur la vitrine. Un souffle pour l'esprit et une belle écriture, qui ouvre un vaste espace de vagabondage à l'imagination.
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En 25 pages d'exégèse picturale, une extraordinaire leçon d'anthropologie sociale et de politique des corps assemblés.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/09/17/note-de-lecture-tablee-suivi-de-fraternite-pierre-michon/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
On sait tout de Manet. De l’homme appelé Manet et de la peinture de Manet. On ne peut y ajouter que des bricoles diverses. C’est dans ce divers que je vais me tenir, en pensant à une réflexion de Marcel Mauss que par hasard je viens de lire : « Dans les sciences telles qu’elles existent, on trouve toujours une vilaine rubrique. Il y a un moment où la science de certains faits n’étant pas réduite en concepts, ces faits n’étant pas même groupés organiquement, on plante sur ces masses de faits le jalon d’ignorance : « Divers ». C’est là qu’il faut pénétrer. On est sûr que c’est là qu’il y a des vérités à trouver. » Cette rubrique, ajoute Mauss, concerne la plupart du temps ce qu’il appelle « les techniques du corps », c’est-à-dire la façon dont les corps en société se tiennent, bougent ou se reposent, se signifient et signifient entre eux. C’est un point de vue de sociologue, un peu étroit donc, mais nous pouvons partir de là. Nous pouvons l’appliquer à la peinture, aux objets de la peinture. La peinture de chevalet, quand elle ne s’esquive pas dans la nature, nature morte ou paysage, quand elle traite son véritable objet, l’homme bipède, à travers les portraits, les scènes de genre et les scènes héroïques, en somme tous les frottements des hommes entre eux, ou les frottements de l’homme seul avec ses atours, son épée, sa fourchette, ses hochets – la peinture montre ce divers, ces techniques.
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Et quelle passion aussi, nous, quand nous les regardions. Quelle passion à les voir monter et descendre, à les faire monter et descendre, à la tribune et dans la charrette, étreints par Sanson, - ah que de regards de passion ils eurent tous en partage, que d'amour même et surtout quand ils avaient déjà la tête dans la petite lucarne du Styx, quand Sanson s'activant regardait on ne sait quel point à l'horizon, quand Santerre faisait donner les tambours, quand nos coeur à nous battaient plus haut que les tambours de Santerre, et alors on ne savait pas si c'était le grand couteau qui glissait, si c'était un effet des tambours, si c'était comme le point final de leur dernière phrase hurlée hier à la tribune [...]
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Que fait-on dans un café si on n’y parle pas ? On y boit, certes, j’y reviendrai. Mais entre deux gorgées de bière ou d’absinthe ? Entre les deux grands vertiges de l’oralité, la parole et l’alcool, que fait-on ? On coexiste.
Dans un café, un café à l’heure de pointe comme celui-ci, on fait l’expérience nue de la promiscuité, qui est le mode aigu de la coexistence. On touche l’autre, on l’évite. On effleure, on se rétracte. On déploie son corps, on le replie. On est serrés, on ne sait pas où mettre ses bras, et pourtant on use de ses bras comme si on avait toute la place, comme si c’était nous qui avions choisi de replier nos bras, nous, et non pas l’espace, la restriction de l’espace à partager. On a le corps sur une chaise, et l’esprit entre deux chaises. Tout cela bien sûr en public, puisque dans ce café nous sommes public et acteur à la fois, puisque nous sommes foule et que dans le même temps nous voulons paraître l’unique, l’indépendant, le seul qui dans la foule dépare la foule, s’en échappe en y demeurant, la transcende. On est tous figurants, mais on n’oublie pas que quelque chose en chacun de nous a le premier rôle. On est dans une boîte de sardines, mais chaque sardine de la boîte veut passer pour requin tout en restant sardine. C’est du travail. On ne se repose jamais au café et quand on en sort on a la gueule de bois, absinthe ou pas.
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Je n’ai pas besoin d’inventer le nom du personnage central, c’est la Table, la table de marbre qui porte les bières, le café, l’absinthe au fond et sa carafe, le petit vase à allumettes du premier plan. Qu’est-ce qu’une table ? C’est un opérateur spatial et un médiateur social merveilleux, une césure entre les corps, qui espace les corps les uns des autres et les distribue, qui fait des corps des antagonistes pacifiés. La table semble prendre de la place aux hommes ; mais non, en réalité elle en donne.
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Que fait-on dans un café si on ne parle pas ? On y boit, certes, j'y reviendrai. Mais entre deux gorgées de bière ou d'absinthe ? Entre les deux grands vertiges de l'oralité, la parole et l'alcool, que fait-on ? On coexiste.
Dans un café, un café à l'heure de pointe comme celui-ci, on fait l'expérience nue de la promiscuité, qui est le mode aigu de la coexistence. On touche l'autre, on l'évite.
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