Voyage sur l'Amazone

Je ne dois m'étendre dans l'occasion présente sur les mœurs et sur les coutumes de ces nations, et d'un si grand nombre d'autres que j'ai rencontrées, qu'autant qu'elle peuvent avoir quelque rapport à la physique ou à l'histoire naturelle ; ainsi je ne ferai point de description de leurs danses, de leurs instruments, de leurs festins, de leurs armes, de leurs ustensiles de chasse et de pêche, de leurs ornements bizarres d'os d'animaux et de poissons passés dans leurs narines et dans leurs lèvres, de leurs joues criblées de trous qui servent d'étui à des plumes d'oiseaux de toutes couleurs ; mais les anatomistes trouveront peut-être quelques réflexions à faire sur l'extension monstrueuse du lobe de l'extrémité inférieure de l'oreille de quelques-uns de ces peuples, sans que pour cela son épaisseur en soit diminuée sensiblement. Nous avons été surpris de voir de ces bouts d'oreilles longs de quatre à cinq pouces, percés d'un trou de dix-sept à dix-huit lignes de diamètre, et on nous a assuré que nous n'avions rien vu de singulier en ce genre. Ils insèrent d'abord dans le trou un petit cylindre de bois, auquel ils en substituent un plus gros à mesure que l'ouverture s'agrandit, jusqu'à ce que le bout de l'oreille leur pende sur les épaules. Leur grande parure est de remplir ce trou d'un gros bouquet ou d'une touffe d'herbes et de fleurs qui leur sert de pendant d'oreille.