Il y a quelques mois, j'ai lu le puissant témoignage du très célèbre journaliste
Patrick Poivre d'Arvor, Elle n'était pas d'ici, qui m'avait beaucoup ému. C'est le récit d'un père, qui raconte l'indicible : le décès brutal de sa fille Solenn, suite à une maladie mentale souvent pointée du doigt mais peu reconnue dans le monde médical : l'anorexie. Sorte d'exutoire cathartique, PPDA dévoile avec pudeur toute la souffrance ressentie suite au décès brutal de sa fille. Sabrine Missègue lit ses écrits et se sent immédiatement happée par ses mots, pudiques mais intenses, qui arrivent à expliquer l'inexplicable. Elle prend alors son courage à deux mains et décide d'écrire à TF1 une lettre destinée à PPDA, dans laquelle elle se présente comme une jeune femme atteinte d'anorexie. Alors qu'elle ne s'y attend pas, le journaliste lui répond et lui donne rendez-vous quelques temps plus tard à la Tour TF1. S'ensuivra d'autres rencontres, parsemée de confessions, d'émotions et de beaucoup d'espoir.
Car Sabrina est atteinte d'un mal qui la ronge depuis des années : l'anorexie. Sans s'expliquer vraiment son apparition, elle vit depuis avec sa jumelle maléfique, celle qu'elle surnomme Elle durant l'ensemble de son témoignage. Malgré le soutien de ses proches, ses nombreux séjours en hôpital spécialisé, elle n'arrive pas à se défaire de cette maladie. Ses seuls moments d'accalmie apparaissent lors de ses rencontres avec
Patrick Poivre d'Arvor, des moments chargées d'intensités, où le journaliste arrive à trouver les mots justes pour lui intimer de continuer le combat. Autre exutoire : son projet d'écriture autobiographique, qu'elle espère pouvoir faire éditer un jour pour venir en aide à d'autres jeunes filles accablées par ce mal.
Pour information, l'anorexie mentale est un trouble qui touche 1 à 2% des femmes et qui concerne essentiellement les jeunes filles de 12 à 20 ans. Elle se caractérise pas la restriction volontaire, pas forcément consciente, de l'apport alimentaire, ainsi qu'un refus de prise de poids, caractérisé par une hyperactivité sportive ou des vomissements forcés, dans le cas de Sabrina. Pas d'inquiétudes : si certaines scènes provoquées par la maladie peuvent être violentes, Sabrina les narre d'une manière feutrée, douce, de façon à ne pas choquer les lecteurs.
C'est là toute la subtilité du récit de Sabrina, qui narre avec justesse et douceur des épisodes terribles de sa vie. le paradoxe entre brutalité des scènes et douceur des mots est brillamment illustré sous forme de dessins en noir et blanc, réalisées par Sabine Fèvre, qui représentent une silhouette fine, élancée, archétype de l'auteure. Une façon toute personnelle de mettre en image le mal-être qui la ronge.
Sabrina Missègue aura mis plus de 10 ans à écrire et éditer son livre. C'est également le temps qu'a durée sa soumission à cette maladie mentale. de ce fait, ce livre s'étant écrire sur le long terme, il est évident qu'il comporte certains passages assez lents, qui ont tendance à s'étirer dans le temps et à devenir redondants. C'est le seul point négatif que je retiendrai de cette lecture, point noir noyé parmi les messages optimistes et plein d'espoirs de Sabrina.
Aujourd'hui, bien qu'elle ne soit pas totalement guérie d'Elle, Sabrina va mieux : elle a compris qu'Elle sera toujours là, à ses côtés, mais qu'une introspection intérieure et une connaissance poussée de soi et de sa maladie est nécessaire pour espérer pouvoir s'en sortir. J'admire véritablement son courage ; son courage face à la maladie, pour l'avoir combattu durant plus de dix ans, presque seule, sans beaucoup d'aide extérieur ; puis son courage d'avoir osé retranscrire son parcours archaïque, de s'être dévoilé, dans des situations parfois cocasses, peu valorisantes, avilissantes. Il faut une force de caractère particulière pour se mettre à nu de cette façon.
Enfin, j'ai particulièrement apprécié les dernières pages du récit, que j'ai trouvé les plus poignantes : elles m'ont fait venir les larmes aux yeux. Sabrina écrit une lettre touchante à sa « jumelle » et conclue par une exclamation teintée d'émotions déclamée par
Patrick Poivre d'Arvor : « Au moins une qu'elle n'aura pas emportée !« .
Sabrina Missègue reste très impliquée dans la lutte contre l'anorexie, allant jusqu'à conclure son récit par quelques conseils pour les personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire, ou pour accompagner des connaissances qui se battent contre Elle. PPDA reste lui aussi engagé dans cette lutte, il a notamment contribué à la fondation de la Maison de Solenn, en hommage à sa fille décédée, qui est un espace d'accueil et de soutien pour les adolescents souffrant de troubles divers (anorexie, dépression nerveuse, état suicidaire…).
Un témoignage intime et poignant qui dévoile avec pudeur le combat haletant de Sabrina contre l'anorexie. Avec justesse, elle met des mots sur ses maux afin de susciter une prise de conscience sur les ravages de cette maladie destructrice.
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