Ouvrage grand public plus que correct sur
Zola, par
Henri Mitterand, spécialiste notoire de l'écrivain. Évidemment, il n'échappe pas aux défauts dus à la mise en page imposée de la collection Découvertes Gallimard, qui convient souvent peu à la catégorie Littérature : bien trop de fioritures, comme des extraits de manuscrits en veux-tu en voilà, des photos du genre "maison natale", là où on aurait gagné à trouver des paragraphes supplémentaires. Mais dans l'ensemble, pour ceux qui connaissent peu la vie de
Zola, ce livre constitue une bonne approche.
On y trouve essentiellement quatre axes, qui ne peuvent évidemment que se mêler : la vie privée, l'oeuvre de fiction, le travail de journaliste, et, le dernier mais non le moindre, l'engagement politique. Pour ma part, j'étais peu éclairée sur la vie privée de
Zola, j'en ai donc appris pas mal de ce côté. Cela dit, le chapitre le plus réussi m'a semblé être celui sur l'affaire Dreyfus, les procès de
Zola et son exil. Personne, ou presque, n'ignore l'implication de
Zola dans cette affaire sur fond d'antisémitisme, qui n'a pas été à la gloire de la Justice et à l'Armée françaises de l'époque, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais finalement, le tout reste souvent un peu flou dans les mémoires. Ici, qu'il s'agisse du déroulement de l'affaire en elle-même, ou de l'intervention de
Zola et des déboires qu'il dut subir du fait de son engagement (ce dont on parle souvent moins, vu qu'on s'arrête en général à la rédaction de "J'accuse"), tout est relaté de façon concise mais extrêmement limpide.
Du coup, le point faible serait peut-être l'approche des textes de
Zola. Bien entendu,
Henri Mitterand a dû faire court. Il ne peut donc résumer, non seulement la totalité des Rougon-Macquart, mais aussi l'ensemble de ses autres oeuvres et en sus en livrer une analyse poussée. Non pas qu'il en oublie certains, mais il s'est par conséquent concentré sur certains romans. Donc, d'un côté, on passe un peu vite sur
Thérèse Raquin ; d'un autre côté, un chapitre entier est consacré à Germinal, à sa genèse, au contexte social, à la réalité du travail des mineurs, au travail de documentation de
Zola. Et ce n'est pas par hasard si, à propos de ce roman,
Henri Mitterand évoque Thésée ou Orphée, lui qui a toujours insisté sur la parenté des Rougon-Macquart avec le mythe des Atrides. On pourrait d'ailleurs lui reprocher de n'évoquer cela que trop rapidement dans le chapitre sur Germinal, et de ne pas avoir davantage développé cette thèse en présentant l'ensemble du cycle. Mais, du reste, il n'oublie pas les romans "après-Rougon", et se penche sur les deux autres grands cycles de
Zola, les Villes et les Évangiles (inachevé). Et enfin, l'histoire mouvementée de la réception des romans de
Zola n'est en rien éludée, au contraire, ce qui est essentiel dans la connaissance de son oeuvre.
Il serait enfin dommage de passer sur les "Témoignages et documents" de fin d'ouvrage, qui donnent à la fois une idée de la façon dont
Zola organisait son travail, de son engagement politique, du climat de l'affaire Dreyfus, et des interprétations qui ont été faites de son oeuvre. En revanche, on eût pu se passer, à mon sens, des passages sur la vie privée (assez courts, je l'avoue), déjà bien documentée tout au long du livre. Par conséquent, le véritable gros défaut de cet ouvrage, c'est celui qui est dû à la conception même de la collection : trop de fioritures !