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Pierre-Emmanuel Dauzat (Traducteur)
EAN : 9782072740435
576 pages
Gallimard (27/02/2020)
4/5   2 notes
Résumé :
On a beaucoup écrit sur la Révolution industrielle, ses lieux et ses étapes. Ce livre-ci prend le problème tout autrement. Il développe les conditions culturelles de cette révolution technologique et sociale. L'auteur, Joel Mokyr, professeur à Princeton et économiste parmi les nobélisables, est en même temps un historien de l'économie dont la réputation est internationale. Pourquoi la Révolution industrielle a-t-elle eu lieu en Europe et pas en Chine ou au Moyen Ori... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Publié aux Etats-Unis en 2016 et traduit en 2019, "La culture de la croissance, les origines de l'économie moderne" est la plus récente pierre apportée par Joël Mokyr à l'édifice des explications de la Révolution industrielle. Il y souligne l'importance de la République des Lettres, institution spontanée et informelle qui, en Europe, au XVIème et XVIIème siècles, a fait naître puis partager l'idée que réunir et diffuser un "savoir utile" était la clé du progrès matériel. Il y a là, soutient-il, "le chaînon manquant reliant deux groupes de travaux : d'un côté, la littérature croissante qui voit dans les institutions la différence centrale entre les économies qui réussissent et les économies qui réussissent moins ; de l'autre, la littérature qui insiste sur l'importance de la technologie et de l'innovation aux origines de la Révolution industrielle et dans la génération d'une croissance économique durable."
La thèse, nuancée et très fouillée, est développée au confluent de l'histoire économique, de l'histoire des sciences et des techniques et de l'histoire tout court, ainsi que de la sociologie, de la psychologie et des sciences politiques, convergences qui la rend d'autant plus intéressante. J'ai essayé de l'illustrer par les citations que je joins.
En marge du thème principal, j'ai été particulèrement intéressé par l'application, mutatis mutandis, à l'évolution des cultures nationales, de la théorie de l'évolution, avec comme ressort sous-jacent "un marché des idées" analysé avec des concepts empruntés à la théorie économique. Il y a là de quoi aider à penser les évolutions du monde actuel.
Mais, pour tout dire, si j'ai fait de belles découvertes à la lecture de l'ouvrage, cela n'a pas été sans effort. le lecteur non-spécialiste que je suis a rêvé plusieurs fois d'une édition en 120 pages, au lieu de 500, qui ne ferait état que des réflexions de Joël Mokyr. En effet, l'inventaire des théses de ceux, fort nombreux, qui ont déjà écrit sur le sujet donne lieu à de longues pages qui font penser à des notices Wikipedia (encyclopédie fort estimable au demeurant), juxtaposant des affirmations plus ou moins convergentes justifiées par la référence en bas de page des ouvrages correspondants. En outre, comme presque toujours dans les ouvrages américains, il y a beaucoup de redites. Enfin, j'ai trouvé le style lourd et ampoulé, avec des formulations parfois peu claires, peut-être aggravées par la traduction.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
L'histoire économique et l'histoire intellectuelle sont deux disciplines dynamiques et actives qui ne se recoupent guère, ce qui est un scandale. Hormis la grossière hypothèse matérialiste qui explique les changements de croyances et de savoir par la suprématie des structures économiques, on a guère fait d'efforts pour montrer que ce qui s'est produit dans les économies du monde est une fonction de ce que les gens croyaient. Par dessus tout, la croissance économique moderne du "Grand Enrichissement" a été tributaire d'un ensemble de changements radicaux des croyances, des valeurs et des préférences : un ensemble que je désignerai par le mot "culture" malgré les nombreuses inquiétudes justifiées quant à l'usage abusif et les ambiguïtés de ce terme.
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(...) les titulaires érigent de hautes barrières à l'entrée sur le marché des idées afin de protéger leur monopole. Ces barrières s'en remettent souvent à une terminologie du style "hérésie", "apostasie" et "blasphème" et ont besoin du pouvoir politique brut pour empêcher les idées nouvelles de concourir. Dans d'autres cas, le système éducatif peut intégrer une protection du statu quo intellectuel, comme le système d'examens de la bureaucratie chinoise (...). A la différence des systèmes économiques éminemment compétitifs -- où l'entrée et la sortie à la limite se font sans effort et sont gratuits --, à un certain niveau tous les systèmes (...) culturels doivent inclure un tel système en place afin de donner une once de stabilité aux croyances existantes et empêcher un chaos complet. Toute la question est de savoir dans quelle mesure cette résistance est hermétique. Trop hermétique, elle risque de rendre impossible toute espèce d'innovation et de condamner une société à la stase culturelle. Tout est ici affaire de degré. (...)
Ce qui changea l'histoire c'est qu'en Europe, à la longue' les innovateurs triomphèrent du conservatisme. Cela n'arriva nulle part ailleurs. Un candidat sérieux à l'explication est (...) le "système des Etats" européen, constitué d'unités très fragmentées, constamment à couteaux tirés les unes avec les autres. L'Europe tira des avantages considérables de cette fragmentation politique quoique à un coût considérable.
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(...) dans toute économie, la technologie finit par se cristalliser, en sorte que le progrès ralentit puis s'essoufle. La stagnation se produit parce que le statu quo peut étouffer les nouveaux défis au savoir installé et bloquer les avancées non marginales par toute une gamme de moyens -- de la menace de persécuter les hérétiques et de brûler leurs livres à des mécanismes subtils mais efficaces comme les méritocraties où la clé de la réussite personnelle était la maîtrise sans discernement du corpus de connaissances hérité du passé.
(...)
La bonne façon d'envisager l'essor de la science et de la technologie modernes en Europe consiste (...) à y voir non seulement la continuation naturelle de la culture antique, médiévale et renaissante, mais aussi sa répudiation. Le tour pris par les évènements n'avait rien d'inexorable ; de fait, l'issue de ce combat était loin d'être acquise. Moyennant une petite réécriture de l'histoire, un régime catholique obscurantiste aurait pu mettre la main sur l'Europe. La République des Lettres se serait alors transformée en une théocratie d'ignorantins dominée par les jésuites (...). Dans ce monde, des penseurs hors cadre, de Newton et Spinoza à Toland et La Mettrie, auraient pu être réduits au silence ou suffisamment découragés, en sorte que les Lumières auraient bien pu ne pas décoller.
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Pour saisir l'importance réelle des Lumières européennes dans les développements économiques qui suivirent, rappelons qu'elles comportaient deux idées éminement novatrices et complémentaires : celles que le savoir et la compréhension de la nature peuvent et doivent être employés pour faire progresser les conditions matérielles de l'humanité, et la conviction que pouvoir et gouvernement ne sont pas là pour servir les riches et les puissants, mais la société dans son ensemble. Leur combinaison et leur triomphe sur le marché des idées créèrent une synergie massive qui aboutit aux changements spectaculaires que nous observons, de l'industrialisation et de la croissance du capital physique et humain à la découverte et à la maîtrise des forces et ressources naturelles qui dépassaient encore l'imagination en 1750. C'est une histoire qui sera contée et racontée à maintes reprises. Beaucoup d'autres ne manqueront pas de défier et de contester les arguments que j'avance ici. Cela illustre, en fin de compte, un marché des idées qui fonctionne bien.
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Ce qui apparut dans l'Europe médiévale, et se révéla d'une grande importance, c'est que la fragmentation politique alla de pair avec une unité intellectuelle et culturelle, un marché intégré des idées, qui permit à l'Europe de bénéficier des économies d'échelle évidentes associées à l'activité intellectuelle. Cette unité dérivait du patrimoine classique de l'Europe et de l'usage généralisé du latin comme lingua franca des intellectuels, mais aussi de l'Eglise. Si, pendant une bonne partie du Moyen Age, le niveau de l'activité intellectuelle -- pour ce qui est du nombre de participants et de l'intensité des débats -- resta faible en comparaison de qu'il allait advenir après 1500, cette activité avait un caractère transnational. Cette combinaison unique de fragmentation politique et d'institution paneuropéenne de la République des Lettres est la clé des changements intellectuels spectaculaires d'après 1500.
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