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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Cesser de se rappeler détruit le monde !

Un polar espagnol version science-fiction par une auteure de littérature blanche et de littérature noire…Une histoire d'humanoïdes prétexte à de profondes questions philosophiques. Une réussite !

Cela fait un moment que je souhaite découvrir Rosa Montero. La littérature espagnole, que je connais très mal, m'a apporté ces derniers mois de belles surprises (avec notamment l'incroyable Sud d'Antonio Soler, gros coup de coeur l'an passé). Parmi ses livres, souvent édités aux superbes éditions Métailié, j'hésitais entre « La bonne chance » publié en 2020 dont j'avais lu de belles critiques, le tout récent « L'inconnue du port », l'énigmatique « La fille du cannibale », le médiéval « le roi transparent ». Entre autres. Lorsque j'ai découvert que l'auteure avait développé un polar dans une trilogie de science-fiction inspirée de Philip K. Dick, le choix a été rapide, la curiosité piquée. Cette auteure semble savoir se renouveler constamment tant ses livres abordent des littératures très diverses. Bien m'en a pris, ce premier tome publié en 2011, « Des larmes sous la pluie », s'avère être un roman prenant, riche, déstabilisant et intelligent en terme scénaristique. Il mêle subtilement l'ambiance polar avec une vision futuriste inspirée de Blade Runner qui devrait plaire même aux lecteurs non férus de SF tant les questions soulevées nous font écho et tant cet avenir imaginé est troublant de réalisme.

Un réalisme intelligent servi par de nombreux détails passionnants, parfois glaçants, qui rendent le futur proposé par l'auteure totalement crédible et vertigineux ! Plantons donc le décor avant de raconter l'histoire. 2109. le réchauffement climatique a modifié considérablement nos conditions de vie. L'air non pollué est devenu payant (les pauvres sont relégués dans de terribles ghettos pollués), les villes côtières enfouies sous les eaux font l'objet d'un tourisme d'un genre particulier : le « tourisme humide » permettant aux personnes de visiter dans des bulles subaquatiques des villes comme Manhattan, Amsterdam, Venise, qui n'existent plus. L'eau douce est un luxe et les douches sont essentiellement des douches de vapeur. Dans les villes, la végétation n'existe plus mis à part quelques arbres artificiels regroupés dans des parcs appelés « parcs-poumons ». de nombreuses espèces animales ont disparu de sorte que la viande est remplacée par un ersatz. La finitude des ressources a trouvé sa solution via l'exploitation d'espaces extraterrestres, l'homme a d'ailleurs découvert également des peuples extra-terrestres.
Quant aux innovations technologiques elles sont nombreuses sans être omniprésentes et complexes. Elles sont même présentées avec un certain humour éloignant le récit définitivement d'une hard SF austère, comme par exemple la téléportation :

« Tout organisme téléporté subit une altération atomique : le sujet qui est reconstruit à destination n'est pas exactement le même que je sujet d'origine. En général, ces mutations sont minimes, subatomiques et inappréciables. Mais un nombre significatif de fois, les changements sont importants et dangereux : un oeil qui se déplace sur la joue, un poumon défectueux, des mains sans doigts et même des crânes dépourvus de cerveau ».

Des conditions de vie changées mais une mentalité qui n'a, hélas, guère évolué. le racisme est toujours présent et s'exprime désormais contre les réplicants, des techno-humains, des androïdes dont la principale mission est de prendre en charge les tâches qui ne sont plus réalisés par les humains : ils sont ainsi exploités dans les dures conditions atmosphériques des mines dans l'espace, dans les fermes marines abyssales, mais aussi pour les combats, pour le calcul et pour le plaisir (même si cette dernière spécialité a été interdite au bout de quelques années). Des travailleurs esclaves, fabriqués par l'homme, exempts de droits qui a abouti, dans le passé, à des révoltes. La Constitution de 2098 va leur reconnaitre les mêmes droits qu'aux humains.
Racisme aussi contre les aliens, appelés avec un certain mépris « bestioles ».
L'extrême-droite manipule les foules, les informations officielles sont corrompues et falsifiées comme en atteste l'intégration d'éléments faux par une main anonyme au sein même des Archives centrales de la Terre, sorte d'Encyclopédie narrant l'histoire de l'humanité, engendrant paranoïa et méfiance, et renforçant ainsi l'intolérance et le racisme. Cette réécriture de l'Histoire, l'histoire de l'Histoire, touche à des questions récurrentes dans l'histoire de l'Humanité. J'ai aimé la façon dont l'auteure aborde ce sujet.


Nous suivons Bruna Huski, une réplicante de combat, détective de métier, seule et malheureuse. Cette réécriture de l'histoire de l'humanité qui la rend manipulable, ainsi que la mort violente de certains réplicants, l'interpelle, aussi décide-t-elle de tenter de comprendre ce qui se passe. Elle mène une enquête à la fois sur les meurtres et sur elle-même, sur le mémoriste qui a créé les souvenirs qu'elle porte en elle et qui la rapprochent des humains. Aux prises avec le compte à rebours de sa mort programmée- les réplicants ont en effet une « date de péremption » et savent qu'ils ont dix ans à vivre- elle n'a d'alliés que marginaux ou aliens, les seuls encore capables de raison et de tendresse dans ce tourbillon répressif de vertige paranoïaque.
Soulignons que Bruna a un comportement très humain. Elle consulte un psychanalyste, a du désir, s'interroge sur sa sexualité, se soule, se réveille avec la gueule de bois. Elle vit tant bien que mal avec le deuil douloureux de la mort de Merlin, son compagnon, et est obnubilée par sa propre mort. A chaque réveil elle égrène tel un mantra le nombre d'année, de mois et de jours qui lui restent, décompte funèbre. Cela en fait un personnage très attachant. Elle a un physique particulier, crâne rasé et tatouages et, comme tous les réplicants, à des yeux avec une fente améliorant sa vision, des yeux félins propres aux androïdes. Enfin, comme tous les androïdes, un mémoriste lui a implanté une mémoire fabriquée à partir d'un certain scénario de son enfance, les réplicants, lorsqu'ils naissent, ont en effet un âge physique et mental de vingt-cinq ans pour une vie approximative de dix ans. Pour qu'ils s'intègrent convenablement dans la société, comme des humains, il semble que des racines, des souvenirs de l'enfance, soient indispensables d'où le rôle des mémoristes. Or, la mort de certains réplicants semble être corrélée avec l'implantation en eux de mémoires nocives…Un trafic de mémoires adultérées qui va lui donner du fil à retordre…(le terme de mémoires "adultérées" est bien le terme utilisé par l'auteur, aussi surprenant soit-il).

« Tout comme les paraplégiques rêvent de marcher lorsqu'ils utilisent des lunettes virtuelles, les reps rêvaient d'avoir des racines quand ils regardaient les pièces artificiellement vieillis de leur équipement. Et dans les deux cas, tout en sachant la vérité, ils étaient heureux. Ou moins malheureux. Même Bruna, si rétive aux effusions émotionnelles, n'avait pas été capable de se séparer de tous ses souvenirs préfabriqués ».

Le récit ne manque pas d'allusions et d'humour venant donner de belles respirations à l'enquête menée. Impossible de ne pas penser à Blade Runner bien entendu mais aussi à Asimov dont il est fait référence. « Un jour, Yiannis avait fait voir à Bruna, ce vieux film culte du 20ème siècle où l'on parlait pour la première fois des réplicants. Il s'intitulait Blade Runner. »

Touchant également la façon de décrire les personnages gravitant autour de Bruna, depuis la femme-publicité, en passant par le mémoriste Pablo, le sage Yannis, ou encore l'alien Maio qui m'a particulièrement émue devenant, au fur et à mesure du récit, d'une tendresse et d'une humanité faisant écho à l'absence d'humanité des terriens…

« le plus troublant avec les extraterrestres, c'était leur aspect à la fois si humain et si étranger. L'impossible ressemblance de leur biologie. L'Omaa était grand et musclé, une version robuste d'un corps masculin, avec ses bras, ses mains et ses ongles au bout de ses…Bruna s'arrêta pour compter…de ses six doigts. Mais sa tête, avec ces cheveux hirsutes et ces sourcils épais, ce nez large qui ressemblait à une truffe et ces yeux tristounets, rappelait trop celle d'un chien. Et ensuite venait le pire, qui était la peau, à moitié bleutée, verdâtre dans les rides, et surtout semi-transparente, si bien que, selon les mouvements et la lumière, elle laissait entrevoir des bouts des organes internes, des soupçons rosâtres de viscères palpitants ».



Part belle est faite aux réflexions sur la mémoire, la mémoire fabriquée des réplicants mais aussi la mémoire infidèle des humains.

« Qu'elle était faible, mensongère et infidèle la mémoire des humains. Yiannis savait qu'au cours de ces quarante-neuf années écoulée la moindre cellule de son corps s'était renouvelée. Il ne restait pas même une miette organique originelle de ce Yiannis qu'il avait un jour été, rien, à l'exception de ce souffle qui traversait ses cellules et le temps, et qui était sa mémoire, ce fil désincarné qui tissait son identité. Mais si ce fil se rompait lui aussi, s'il n'était pas capable de se souvenir de lui-même dans une pleine continuité, qu'est-ce qui différenciait son passé d'un rêve ? Cesser de se rappeler détruit le monde ».


Rosa Montero choisit un thème a priori très classique, voire battu et rebattu. En lieu et place de l'affrontement classique entre humains et androïdes auquel nous nous attendons et qui fait certes l'objet de quelques développements, l'auteure nous parle en réalité de ce qui fait notre humanité, développe avec brio les facettes de notre mémoire et de notre identité, les questions relatives à la certitude de notre mort et de celle de ceux que nous aimons. Ses personnages sont des survivants qui s'accrochent à la morale politique, à l'éthique individuelle, à l'amitié et à l'amour. Elle construit pour nous un futur cohérent pas si éloigné du monde actuel et de nos problématiques et de nos maux, une intrigue vertigineuse et prenante, jamais ennuyeuse, jamais technique, sans aucunes longueurs, pour nous parler de notre mort et de l'usage que nous faisons du temps qui nous est imparti, le tout dans une enquête pleine de rebondissement et d'humour qui fait du livre un vrai page-turner ! J'ai très hâte de découvrir le tome 2 de cette trilogie « le poids du coeur » !
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Un livre dur, âpre, mais fascinant...
"Des Larmes sous la pluie" est un polar de science-fiction qui développe et infléchit l'univers de "Blade runner" ; les "réplicants" vivent parmi nous, ils remplissent de multiples fonctions, ils pensent comme nous, ils ont des sentiments comme nous, mais leur vie artificielle est limitée dans le temps : ces techno-humains sont des condamnés à mort.
Ils sont souvent considérés avec méfiance par les humains "naturels", le racisme trouve de nouvelles voies d'expression.
Madrid, 2109 : la situation se dégrade, les discours de haine se multiplient quand certains réplicants commettent des actions de plus en plus graves, automutilations, assassinats de d'autres réplicants, assassinats d'êtres humains... Ils ont été manipulés. Par qui ? Pourquoi ?
C'est une réplicante, nommée Bruna Husky, qui mène l'enquête, un personnage particulièrement attachant que nous suivons pas à pas puisque le récit est à la première personne.
Oui, vraiment attachant, car nous vivons sa tragédie personnelle, nous éprouvons ce qu'elle ressent : comment vivre quand on connaît la date de sa mort ? Comment être soi-même quand on sait que la plupart de nos souvenirs sont faux, imaginés par des "mémorialistes" ? En quoi suis-je un être humain ?
Au cours de son enquête, nous découvrons ce que nos descendants verront peut-être, un univers tragique et labyrinthique où tous les faux semblants et toutes les manipulations sont possibles.
Philip K. Dick aurait aimé ce livre.
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Quatre ans, trois mois et vingt-sept jours. C'est le temps qu'il reste à vivre à Bruna Husky. Enfin, si tout va bien.

En ce jour de janvier 2109 à Madrid, cette réplicante de combat (ou techno-humaine, ou androïde) met sans le savoir les doigts dans un engrenage dangereux. Une vague de folie meurtrière semble s'être emparée de certains réplicants, qui s'attaquent aux humains et déclenchent ainsi peur, représailles, racisme (ou spécisme). Bruna, détective privé, est chargée d'enquêter sur ces meurtres : ces réplicants ont-ils décidé de se venger de l'espèce humaine qui les a créés et qui les asservit, ou au contraire sont-ils manipulés, poussés à tuer pour susciter une répression féroce et, in fine, leur extermination ?

Dans ce monde high-tech où les réplicants sont fabriqués pour naître vers 25 ans et mourir une dizaine d'années plus tard dans les affres d'une TTT (tumeur totale techno), où, pour qu'ils se distinguent tout de même de simples robots, des mémoristes leur implantent de faux souvenirs d'enfance mais de vraies émotions, il est bien difficile de savoir où est la vérité, à qui faire confiance, et surtout, de savoir qui on est.

La science-fiction n'est pas ma tasse de thé, mais comme ici l'auteure est Rosa Montero, que j'apprécie beaucoup, j'ai décidé d'y goûter quand même. Je dois avouer que l'enquête en tant que telle ne m'a pas captivée plus que ça. Par contre, malgré quelques longueurs, j'ai trouvé que l'univers créé était très cohérent et vraisemblable, et malheureusement pas aussi fictionnel qu'on voudrait le croire. En tout cas, ce qui est bien réel et qui tend à l'universel (au sens premier du terme, d'ailleurs, puisqu'on dépasse ici les confins de la Terre), c'est le questionnement qui en ressort, comme toujours chez Rosa Montero : la vie, la mort, l'humanité, l'amour, le temps qui passe. Qu'est-ce qui fait l'humanité de notre espèce, pourquoi veut-on vivre et à quel prix, quel sens donner à la vie ? Que sont les souvenirs: la vérité ou sa reconstruction plus ou moins altérée ? Nous font-ils avancer ou sont-ils un frein, et qu'est-ce que la liberté ? Questions vertigineuses...

Quatre ans, trois mois et vingt-sept jours. Un peu plus, un peu moins. Mais le compte à rebours ne s'arrêtera pas...
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Premier tome des aventures de Bruna Husky, cette répliquante créée par Rosa Montero. Bizarrement, j'ai préféré le second tome 'Le poids du coeur', par lequel j'avais découvert le personnage. J'ai trouvé ce premier tome moins abouti, mais l'ambiance est bien là.

Sous le couvert d'un roman de science-fiction, l'auteure nous fait passer bien des messages, sur l'écologie, l'égalité des citoyens, les dangers des religions intolérantes, etc. Cela reste un roman d'aventure, le ton est léger et le tout fort agréable à lire.

Lisez les deux et faites-vous votre idée. Ils en valent la peine.
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Je viens de découvrir Rosa Montero avec ce livre et j'ai maintenant très envie de lire ses autres textes car cet auteur a un Énooorme tallent de conteuse !

Des larmes sous la pluie est un hommage appuyé à Blade Runner de Philip K Dick. L'histoire se déroule à Madrid en 2109. Des sociétés de bio-technologie ont mis au point des réplicants pour travailler sur les colonies minières de Mars et de Saturne. Ces réplicants ne se distinguent des humains que par leurs yeux de chat (ils peuvent voir dans la nuit), une plus grande résistance et une durée de vie de dix ans seulement. Ils naissent à 25 ans et meurent à 35 ans. Au fil des années ils ont conquis une égalité de droits avec les humains mais restent discriminés. Ils représentent environ 15% de la population mondiale. Ces réplicants sont dotés de mémoires artificielles pour leur enfance afin de les rendre plus stables. Ces mémoires écrites par des « mémoristes » ont obligation de leur révéler leur condition d'androïde. Après avoir effectué leur service civil, ces androïdes sont libres de mener la vie qu'ils veulent parmi les humains pour les quelques années qu'il leur reste à vivre. Néanmoins beaucoup d'entre eux ont des comportements destructeurs (alcoolisme, drogue) et n'arrivent pas à s'intégrer dans la société. Pourquoi se marier quand on va bientôt mourir ? Certains androïdes achètent des mémoires trafiquées sur le marché noir pour avoir l'impression de vivre plus longtemps. Mais voilà que certains réplicants, à la mémoire altérée, deviennent fou et se mettent à assassiner des humains. Cela donne des arguments au parti « suprématiste » qui prône l'élimination systématique de tous les réplicants. Bruna Husky, réplicante et détective, va essayer de déjouer un vaste complot qui compromet la sécurité de la planète entière…

L'histoire développée par Rosa Montero est en réalité bien plus complexe que le modeste résumé que j'ai pu en faire. Elle nous plonge dans un XXIIème siècle très crédible et réaliste. Elle a réussi à approfondir l'oeuvre de Philip K Dick en y rajoutant de l'émotion et de la sensibilité. C'est un tour de force que bien peu d'auteurs ont réussi à faire.
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Voilà longtemps que je ne m'étais pas engagée dans un roman plus typé science-fiction qu'anticipation. A vrai dire, ce n'est pas tout à fait volontaire. C'est une erreur d'aiguillage du transporteur de la Kube qui m'a mis ce roman entre les mains ; compte-tenu de la réputation de l'auteure l'envie était forte de découvrir cette curiosité. Résultat : un super moment de lecture, un roman que j'ai dévoré en retrouvant un peu du plaisir adolescent que j'éprouvais à lire Barjavel.

Rosa Montero nous transporte au 22ème siècle, en 2109, dans l'une des régions des États-Unis de la Terre où cohabitent désormais différentes catégories de population. Les humains ont créé des réplicants, androïdes aux fonctions prédéfinies et à la durée de vie limitée à dix ans, d'apparence humaine hormis les pupilles félines. On trouve également sur terre quelques extra-terrestres plus ou moins bien intégrés, les Autres. Bruna Husky est une réplicante de combat reconvertie en une sorte de détective privé et qui va se trouver en charge de faire la lumière sur un phénomène mystérieux. Des réplicants semblent pris de crises de folie soudaine et se mettent à massacrer des humains avant de se suicider... Face à la panique qui s'empare de la population et au rejet de ses congénères, Bruna se lance sur les traces de trafiquants de mémoires qui pourraient être à l'origine des dérèglements intervenus dans les cerveaux des réplicants.

L'enquête que mène Bruna est prétexte à exploration du monde imaginé et incroyablement bien décrit par Rosa Montero, celui qui pourrait être le nôtre dans cent ans. A travers les réplicants elle pose la question de la valeur de la vie : Bruna vit avec une sorte de compte à rebours dans la tête, obsédée par la limite des 10 ans, jalouse de la vieillesse que connaissent les humains même si ces derniers usent et abusent des opérations esthétiques pour ne pas l'afficher. Elle met les hommes face à leurs contradictions : pleins de méfiance et de haine pour des "machines" qu'ils ont créées mais qu'ils rêvent de détruire. Mais surtout elle offre une fantastique réflexion sur la mémoire, l'histoire et la façon de la raconter. Puisque les réplicants ne vivent qu'entre l'âge de 25 à 35 ans, des mémorialistes sont chargés de créer leurs souvenirs et de les doter ainsi d'un passé (et là oui, tout le monde pense à Total Recall...). On imagine aisément les troubles potentiels de la personnalité...

"Toutes les mémoires mentent. Nous inventons tous notre passé."

J'ai adoré me plonger dans cette drôle de société où les pauvres qui ne peuvent pas payer leur air sont condamnés à vivre dans les zones polluées de la planète, où les gouvernants semblent résolus à réécrire L Histoire en effaçant des Archives ce qui les dérange, où la soif de pouvoir domine toujours le monde, où les progrès technologiques ne semblent pas avoir résolu la grande question existentielle de tout un chacun : la quête du bonheur.

Plus qu'un roman de science-fiction c'est un livre politique que propose Rosa Montero, qui propose de réfléchir au futur que nous souhaitons. On y retrouve les thèmes qui font l'actualité : la difficulté du vivre ensemble, le rejet de l'autre, la façon dont nous traitons notre planète et même la fragilité de la démocratie.

"La fatigue face à l'insécurité politique et sociale est ce qui a conduit Rome à perdre ses droits et ses libertés. La peur provoque une faim d'autoritarisme chez les gens. C'est un très mauvais conseiller, la peur (...). Nous vivons des moments critiques. Peut-être que notre système démocratique est lui aussi en train de se suicider. Parfois les peuples décident de se jeter dans l'abîme."

Un super moment de lecture, donc, divertissant et intelligent. Parfois les erreurs d'aiguillage ont du bon !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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En 2109, aux Etats-Unis de la Terre, humains, androïdes et extra-terrestres cohabitent. Bruna est une androïde, elle est détective privée de métier. Lorsque sa voisine se suicide sous ses yeux ; Bruna décide de mener l'enquête. D'autant qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. Une vague de suicides d'androïdes sévit dans la ville et ils sont souvent associés à des actes très violents envers les humains.


Bruna appartient à l'espèce des androïdes, ils sont aussi appelés techno-humains, réplicants, ou plus vulgairement rep. Bruna est solitaire, incomprise et fragile malgré son physique de guerrière. Car elle est en fait une rep de combat (à la silhouette svelte et musclée). Elle, ainsi que tous les réplicants ont été clonés par la main de l'homme. Leur physique est à toute épreuve mais leur durée de vie très courte (dix ans). Car tous les réplicants meurent de la TTT (Tumeur Totale Techno) dont aucun traitement ne stoppe l'avancée de la maladie. Bruna est condamnée et elle ne peut s'empêcher de compter les jours qui la sépare de la mort.

Les androïdes ont tous une mémoire artificielle qui permet de leur créer des souvenirs. Des souvenirs factices mais qui résonnent en eux comme vrais... A la grande peine de Bruna dont le "père" s'est fait assassiné. L'héroïne sait que ce ces souvenirs ne sont pas réels, qu'elle n'a jamais eu de parents, mais éprouve tout de même un désespoir certain. le fait d'humaniser ces personnages permet une réelle empathie envers eux (j'ai notamment beaucoup aimé Bruna et RoyRoy). RoyRoy, qui, dans la misère économique a été contrainte d'accepter le métier de femme-publicité, où elle n'a un répit que de neuf heures par jour. le reste du temps, elle doit porter son uniforme et supporter les sons émanés par ce monstrueux écran.

Tout au long du roman, nous suivons donc Bruna et son entourage. L'héroïne qui enquête sur cette vague de suicides va apprendre que sa voisine qui s'est donnée la mort devant elle, était en fait là pour la tuer. Et petit à petit, une hypothèse va se dégager : et si tout cela n'était qu'une conspiration ?


Ce "polar-dystopique" aborde un monde futuriste où les personnages cohabitent dans un univers oppressant, dérangeant et profondément intolérant. Car même si Montero utilise la SF dans son roman, nous y retrouvons des préoccupations contemporaines, comme le réchauffement climatique qui a totalement bouleversé l'équilibre de la Terre. Les plus pauvres des habitants sont contraints de vivre dans des zones ultra polluées (les injustices sociales sont également décriées). Montero aborde aussi la peur de la différence. le racisme est encore présent au XXIIe siècle, et les extra-terrestres sont dénigrés et les réplicants parfois houspillés. La peur de l'autre est une thématique souvent traitée dans la littérature mais j'ai trouvé cela pertinent de la retrouver dans cet univers où toutes les espèces semblent cohabiter en parfaite harmonie. Très vite, le lecteur s'aperçoit qu'il ne s'agit que d'un leurre. "Des larmes sous la pluie" n'est pas seulement une réflexion sur le monde dans lequel vit Bruna, c'est aussi une réflexion sur notre monde à nous. L'auteure apporte aussi un questionnement sur soi-même (à travers Bruna, qui s'interroge beaucoup sur son existence).


Pour conclure, j'ai beaucoup apprécié l'écriture de Montero, qui est jeune, dynamique et actuelle (tout comme son héroïne). Je n'avais jamais lu de roman de cette auteure mais découvrirai les autres avec plaisir ! Ce roman est vraiment très riche (également en références dont Blade Runner), j'ai donc certainement omis beaucoup d'éléments ! Mais bref ! Je vous recommande vivement ce roman qui réussit à mêler les genres avec talent.

Lien : http://ulaz.vefblog.net/
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Une sympathique histoire policière dans un univers inspiré de celui de Blade Runner, avec toutefois quelques différences. Ici, pas de chasseur de primes chargé d'éliminer les réplicants révoltés, par exemple.

Rosa Montero construit un univers cohérent, avec son histoire que l'on apprend en "consultant" de courts chapitres qui sont des extraits des archives en ligne, un peu comme dans Tous à Zanzibar. L'intrigue, un peu alambiquée, est pour moi surtout un prétexte à explorer la psychologie des différents personnages, qui sont très soignés. Les réplicants comme dans Blade Runner "naissent adultes" et ont une courte vie. Ils sont dotés de mémoires factices, et le savent. Comment réagir à la souffrance ou au plaisir attachés à un souvenir que l'on sait artificiel ? C'est là que se situe à mon sens tout l'intérêt du livre.

Des larmes sous la pluie est le premier tome d'une trilogie, le second et le troisième, le poids du coeur puis le temps de la haine sont disponibles en français. Je crains que si les intrigues ne sont pas plus soignées, le côté introspection des personnages ne s'essouffle un peu. À voir...
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Dans le prolongement de Blade Runner, reprenant le contexte imaginé par P. K. Dick, Rosa Montero nous offre un livre versatile et passionnant.

Mélange des genres. A mi-chemin entre le polar et la Sf, Des larmes sous la pluie raconte l'histoire de Bruna, androïde-détective, véritable personnage de littérature de l'imaginaire, une héroïne d'ores et déjà mythique. Elle va devoir se démener pour identifier qui se cache derrière les meurtres de plusieurs androïdes.

Derrière cette intrigue se cache un univers absolument passionnant, dans lequel Rosa Montero s'applique à développer des thématiques qui le sont tout autant et qui font la force du récit : la différence, l'amour, l'évolution, la religion, l'humanité…

Le récit est prenant, l'univers décrit est crédible, l'intrigue est solide, et Bruna est magnifique.

Lien : http://quelquepartentrelesli..
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En ce début de XXIIème siècle, les humains vivent en "harmonie" avec les réplicants (androïde techno-humain créé par l'Homme qui n'a qu'une durée de vie d'une dizaine d'années mais est considéré comme une personne à part entière) et avec quelques races extra-terrestres présentes sur Terre. Bruna Husky est une réplicante qui voit sa voisine, réplicante elle aussi, se suicider sous ses yeux. Ce n'est pas la première, ni la dernière, une vague de folie se répand chez les androïdes qui se suicident et/ou tuent des humains. Bruna va mener l'enquête pour essayer de découvrir qui se cache derrière ces meurtres et pourquoi. Au fur et à mesure de ses découvertes, la paranoïa va s'installer chez la réplicante qui cherche dans le même temps à savoir qui elle est réellement.

Hommage non dissimulé à Blade Runner de Philip K.Dick, ce roman de Rosa Montero est assez captivant. On y suit le questionnement existentiel d'une androïde dans un monde futuriste pas très glorieux : réchauffement climatique, pollution, racisme, extrémisme, terrorisme, corruption, désinformation... tous les maux de notre société y sont transposés efficacement.

Rapidement immergé dans cet univers, on s'attache facilement à cette androïde un peu particulière. La construction sans être originale est très bien exploitée, de courts chapitres reprenant les Archives de la Terre falsifiées permettent à la fois de comprendre le passage de notre époque à ce XXIIème siècle et de mettre en scène la désinformation de masse.

L'intrigue principale reste une enquête policière classique mais efficace, au final assez attendu et au dénouement un peu rapide qui ne révolutionne pas le genre. Néanmoins, Des larmes sous la pluie, est un questionnement sur la vie, la mort, le droit à la différence, l'éthique, la manipulation des foules...

Il ne me manque qu'une exploitation un peu plus riche de certains personnages ou événements pour que ce roman soit un coup de coeur, mais là je chipote... à noter qu'une suite le poids du coeur est déjà disponible et je ne la manquerai pas.

Lien : http://les-lectures-du-maki...
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