Je ne voudrai pour rien au monde que la musique s’arrête. Cette flamme. Cette lueur qu’ont les arabes dans leurs yeux. Ses yeux noirs, froids et chauds en même temps. Elle ne parle pas. Ne sourit pas. Me regarde juste. Me transperce. Me pénètre d’un coup. La musique s’arrête. Une autre revient. Plus lente. Lullaby des Cure. Je ne pense plus à rien. Qu’à la musique. Lancinante. On ne s’arrête pas et on repart. Sur un rythme plus doux, mais plus chaud encore. Les corps se rapprochent. Mehdi qui fait courir ses mains sur mes hanches. Sa bouche qui vient effleurer la mienne. Elle qui continue à m’allumer de son regard. Je sens qu’on commence à déraper. Mehdi se fait de plus en plus pressant. Je sens ses lèvres fermes me caresser le cou et sa langue qui vient jouer avec le lobe de mon oreille. Ses mains qui descendent en rythme sur le bas de mes hanches et sur mes fesses.
Ici, la mode n’existe pas. Le temps s’est arrêté depuis bien longtemps. La sortie à la mode c’est le sandwich merguez harissa frites trônant sur une table en formica. Nos fesses posées sur des chaises semblables au bon goût de la table. Même le Coca et le Ketchup se font timides dans les échoppes.
Je me sens bizarre. De plus en plus bizarre face à cette beauté d’Orient. Je la sens toujours là, près de moi, à m’épier, me fixer, à tenter de s’introduire dans ma tête. Quand Mehdi s’approche de moi, je sens son regard à elle s’infiltrer en moi. Voyeuse, elle examine chacun de mes gestes, chacune de mes postures, de mes attitudes. Elle est là, omniprésente. Devant. Derrière. A côté. Elle ne parle pas forcément. Mais elle est là, à se rapprocher de plus en plus. Mehdi ne voit rien. Mustapha encore moins.
Ils n’ont tellement rien en commun ces deux-là. Et pourtant ils sont indécollables. Mustapha, le gros dur, beau mec qui a conscience de son physique de tombeur. Macho et sûr de lui. Le vrai mec qui aime le foot, le cul, les filles et les bagnoles. Le stéréotype même du machiste bourré du fric de papa. Mehdi, lui, bien que pourvu d’un physique tout aussi agréable, est plus fin, plus subtil, plus doux, plus attentionné. Un côté timide, discret et galant qui ne l’empêche pas d’être conscient lui aussi du charme qu’il peut opérer sur les filles.
Et puis il y a Sarah… Sarah. La fille de ma vie. Mon amie d’enfance et d’adolescence. Ma meilleure amie. Mon grand amour, de jeunesse. De maintenant. De toujours. Ma sœur du Maroc, d’ici et d’ailleurs.
Sarah, c’est bien plus que le charme oriental. Une belle brune aux yeux noirs perçants. Un regard malicieux et coquin qui pénètre chacun de mes sens. Une peau mate. Couleur chocolat noyé dans un nuage de lait. Grande. Mince malgré son petit ventre. Sarah. Ma Sarah.
La seule fille qui perd ses pédales en pleine descente de VTT. La seule qui n’a pas vu arriver le gros poteau électrique qui siège au milieu du trottoir. La seule qui se prend une énorme flaque d’eau lorsqu’un 30 tonnes passe au même moment. La seule encore qui perd son haut alors qu’elle exécute un magnifique plat à la piscine. Mais on l’aime comme ça. Notre mascotte. Celle qui est toujours là. Pour nous et pour les autres.