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EAN : 9782716902403
148 pages
Publications orientalistes de France (20/03/1987)
3.98/5   20 notes
Résumé :
Mori Ogai a vécu de 1862 à 1922. Très jeune, il part à Berlin faire ses études de médecine et y découvre la poésie européenne.

Il est remarqué, à son retour, pour ses nouvelles « allemandes », et fait parallèlement une carrière de médecin militaire et d'écrivain ; il devient l'un des quatre ou cinq maîtres du Japon contemporain.

Son œuvre contribue au mouvement de rénovation de la littérature romanesque alors en cours, en opposition au ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Mori Ogai était sous l'ère Meiji (1868-1912) l'un des plus grands écrivains japonais, notamment avec Soseki. Il reste assez peu traduit en France. Si Soseki est un maître des ambiances poétiques et rêveuses, Ogaï se positionne davantage sur le créneau psychologique, avec des personnages qui ici se font quelques noeuds dans la tête : dissimulation, ratages...Le récit se déroule à plusieurs niveaux de narration. le narrateur est étudiant, et ami d'un autre étudiant, Okada. La première image qu'il nous donne à voir, est la rencontre visuelle entre Okada et une belle jeune femme qui a tout l'air d'une geisha, Otama. du coup, il décide de zoomer sur cette femme et sa situation...car un homme l'entretien comme maîtresse. Son vieux père a échoué à la marier, alors il faut trouver un homme prêt à l'entretenir. S'imposera un dénommé Suézo, qui va louer une maison tout exprès pour y installer Otama. L'occasion pour l'auteur de réorienter son zoom sur Suézo. Ce Suézo est un malin, on le croît riche commerçant, il est usurier. Il est en outre marié, à une femme laide qui lui a donné des enfants, mais pour laquelle il n'éprouve pas de sentiment et qu'il prend vraiment pour une dinde. Il ne pense qu'à faire prospérer sa fortune. Son aplomb et son verbe le sauvent encore quand sa femme découvre le pot aux roses, mais par la suite il ne cherche même pas à nier devant cette pauvre femme qui ne peut que constater les dégâts en se lamentant et en subissant. Mais Suézo s'intéresse finalement plus à l'argent qu'il n'a de réelle attention pour sa maîtresse, qu'il ne passe voir qu'en soirée et l'ennui commence à la gagner, ainsi qu'un certain malaise quand elle découvre qu'il a menti sur sa situation. Bientôt, Suézo, dont l'esprit était si vif pour manoeuvrer sa femme, ne voit pas qu'Otama rêve à un autre...Car l'auteur finit par retrouver son point de départ : la belle a aperçu de sa fenêtre ce charmant étudiant Okada passant dans la rue, et qui, évènement, l'a saluée, ce qui la met tout en émoi. Outre qu'il est bien élevé, il va lui sauver la mise dans une situation difficile...On pense alors qu'une belle histoire d'amour va éclore, mais elle restera à l'état larvaire, l'une se rêvant en audacieuse, l'autre décidant de partir étudier en Europe. Ces deux êtres auraient pu se trouver, mais des ratés anodins ont fait dévier leurs routes de peu...L'ami narrateur nous apprendra dans les ultimes lignes qu'il raconte cette histoire 35 ans après les évènements, mais laissera planer le mystère sur la manière, et la source qui lui a permis de nous livrer le pan de vie de Otama vécu avant sa rencontre avec Okada, dont nécessairement il n'a pas été le témoin direct.

L'action est ténue dans ce roman. C'est l'histoire d'une rencontre ratée, par timidité, par égoïsme, par ambition placée ailleurs...On pense au Grand Maulnes, et pourtant le traitement est plus réaliste, moins poétique et non onirique. On en retient un art consommé de la narration avec ce système un peu gigogne, mais pas complexe pour autant, accompagné d'une belle écriture classique. La psychologie des personnages est fouillée, c'est un indéniable point fort. le roman est particulièrement instructif sur le sort de la femme à cette époque, bien maltraitée non pas physiquement, mais intellectuellement. Certains passages seraient absolument inimaginables aujourd'hui tellement ils sont sexistes et mettent la femme à un niveau d'intelligence à peine supérieur à l'animal. Mais c'était une autre époque, dans un pays où cependant aujourd'hui encore les femmes peinent parfois à s'émanciper.
Si la petite pirouette de fin signalée plus haut stimule notre curiosité, il apparaît quelque peu décevant d'avoir laissés en rade Suézo, sa femme, et le vieux père d'Otama, personnages clés des trois quarts de ce court roman de 160 pages. Mais le sujet était bien cette vraie-fausse rencontre éphémère Otama-Okada, faite d'occasions manquées, comme si le destin s'opposait à tout rapprochement physique entre ces deux jeunes gens. Cette approche psychologique alliée à l'action minimaliste et à la qualité d'une écriture classique a un côté flaubertien, celui de l'Education sentimentale. S'il est plus concis, il n'a cependant pas la même puissance.

Un roman qui se lit néanmoins avec un certain plaisir, mais qui manque un peu de sel et d'action. Une expérience Mori Ogaï à renouveler pour en avoir le coeur net.
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"Ceci est une vieille histoire". Au début de l'ère Meiji, l'an 13 pour être précis, l'esquisse d'un amour se dessine devant cette maison triste à la porte treillissée. Un jeune étudiant passe tous les jours devant et échange des sourires avec la jeune femme qui vient d'emménager, maîtresse entretenue d'un usurier.

Un sourire, le hasard d'une rencontre, il faut un regard parfois pour trouver l'amour, et peu importe s'il reste enfoui au fond de soi, il est là, une bouffée d'oxygène à chaque pensée, à chaque sourire évaporé sous le clair de la lune bleue. Ah les histoires d'amour...

Se parleront-ils un jour, autour d'une tasse de thé ou d'un flacon de saké. Un parfum d'ivresse enveloppe cette maison de bric et de bois. Un cerisier se tient là, symbole d'un bonheur amoureux, une forêt de cryptomérias longent cette colline, quelques vieux ginkgos résistants apportent leur lot de tradition au paysage floral que j'observe dans la pénombre de ma lucarne.

D'ailleurs se sont-ils parlés un jour, au cours de ces clins d'oeil fortuits de la destinée. L'oie sauvage, c'est lire une histoire d'amour "effacée", par timidité ou par respect, qui se joue uniquement de silence et de sourire. Mori Ôgai, c'est lire la modernité dans la tradition, proposer un voyage dans le temps, où le Japon d'une autre époque s'ouvre à moi. C'est ouvrir un kimono sans l'écrire. C'est comme un air de shakuhachi, un grand taiko et une guitare électrique qui se mêlent dans une cacophonie sauvage et poétique, celle de la passion amoureuse.
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En l'an treize de l'ère Meiji(1880),à Tokyo,le regard d'un jeune étudiant en médecine,Okada,croise celui d'une jeune femme ,maîtresse d'un usurier.Le narrateur est un autre étudiant,ami d'Okada et jouera un rôle fatal dans l'histoire.Ce récit pudique et poétique raconte la trajectoire de deux destinées,l'histoire d'un amour rêvé,discret et silencieux et l'importance du hasard dans le cours de nos vies.Les multitudes de détails sur la morale,la vie sociale ,la littérature de l'époque en parallèle avec la trame nous captent jusqu'à la fin,dans ce court roman de 172 pages.
C'est le premier livre de Mori Ôgai(1862-1922) que je lis.C'était un homme étonnant pour son époque,chirurgien,romancier,novelliste,poète,
dramaturge,critique,traducteur,parlant plusieurs langues.J'ai adoré ce livre,et particulièrement la fin qu'il ponctue avec une note d'humour.
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Espoirs esquissés
J'ai beaucoup aimé ce court roman de l'ère Meiji.
1880. le narrateur a pour ami Okada, étudiant en médecine comme lui. Ils logent tous les deux dans la même pension. Chaque jour, Okada passe distraitement sous la fenêtre d'une triste demeure voisine. Un soir, il voit une jeune femme, de retour du bain, y entrer. En entendant le bruit des socques de bois d'Okada, elle se retourne et son regard croise celui du jeune homme...
Ce roman est construit comme un assemblage de poupées russes. le narrateur esquisse le portrait de son ami , puis celui de la jeune fille, raconte brièvement la vie de son vieux père, de l'homme qui l'entretient, de la femme de celui-ci. Il multiplie les points de vue, décrit les espoirs et les devoirs des uns et des autres avec beaucoup d'humanité et de réalisme. Les sentiments ne sont pas dits. Ils sont exprimés dans les gestes quotidiens d'une grande sensualité ( la vaisselle par exemple) et dans de belles métaphores poétiques. Un doux roman sur nos espoirs envolés.
Lu dans l'édition Cambourakis traduit par Reiko Vergnerie.


































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Je lis les auteurs de Meiji surtout pour l'ambiance particulière de cette époque, qu'ils décrivent dans leurs récits. Soseki mis à part pour ses prises de position politiques, les oeuvres de Nagaï Kafu et Ogaï Mori nous font prendre conscience du passage du temps et leurs personnages, à travers leur vie quotidienne, leurs émotions, semblent nous rappeler à cet instant charnière où les relations humaines vont irrémédiablement changer en d'adaptant au nouveau cadre de vie.
Ce livre, s'inscrit dans cette mouvance. Une histoire qui prend son temps, des relations amoureuses contrariées, des considérations sur l'existence, des descriptions encore naturalistes... Il manque peut-être juste un peu de relief à cette intrigue pour que je sois pleinement satisfait.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
La femme venait d'arriver devant la porte treillissée de la maison triste dont je viens de parler, et elle s'apprêtait à l'ouvrir. En entendant le bruit des geta d'Okada, sa main, posée sur le treillis, s'immobilisa soudain. Elle se retourna et son regard croisa celui du jeune homme.
Elle était vêtue d'un kimono sans doublure, de crêpe bleu marine, serré par un obi de satin noir doublé de soie marron de Hakata, et, dans sa fine main gauche, elle portait nonchalamment un panier de bambou artistement tressé, dans lequel étaient rangés une serviette, une boîte à savon, un petit sac de son de riz et une éponge. Elle s'était retournée, la main droite posée sur le treillis de la porte. Cette silhouette féminine, pourtant, ne fit aucune impression particulière sur Okada. Il remarqua toutefois que ses cheveux, qui venaient d'être coiffés en "feuille de ginkgo retournée", formaient derrière les tempes des ailes minces comme celles des cigales, et que son visage ovale un peu triste, au nez haut, donnait l'impression, sans que l'on sache trop pourquoi, d'être légèrement aplati depuis le front vers les joues. Ne l'ayant observée que pendant ce bref instant, il l'avait déjà complètement oubliée lorsqu'il parvint au bas de la Pente Muén.
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En fait, dans le dépit qu'elle ressentait, il y avait très peu de rancœur contre la société et les hommes. Si l'on avait cherché à déterminer la nature de cette rancœur, on aurait pu dire qu'elle s'exerçait contre son propre destin. Alors qu'elle n'avait rien fait de mal, elle se trouvait dans une situation qui lui valait d'être persécutée par les autres. Elle en ressentait comme une douleur. Son dépit, donc, s'adressait à cette douleur. Lorsqu'elle s'était aperçue qu'elle avait été trompée et rejetée, elle s'était dit pour la première fois : "C'est vexant !" Par la suite, quelque temps plus tard, quand elle s'est trouvée dans la situation de femme entretenue, elle s'était encore répété que c'était vexant. Et maintenant, apprenant qu'elle était non seulement entretenue, mais qu'elle l'était par un de ces usuriers détestés de tous, ce "C'est vexant", qui avait perdu ses angles, rongés jour après jour par la dent du temps, et décoloré, délavé par les eaux de la "résignation", reparut dans son esprit avec des contours nets et des couleurs franches. La vraie nature des choses qui étreignaient sa poitrine était probablement là, si l'on voulait trouver une explication logique.
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Au bout d'un certain temps de cette conversation, subitement prolixe, elle commençait à raconter une longue histoire. C'était tout au plus les petits heurts et malheurs de la vie qu'elle avait menée jusque-là, pendant des années, en la seule compagnie de son père. Suézo ne portait guère d'attention au contenu de son histoire, mais plutôt, comme s'il écoutait le chant d'un grillon en cage, il souriait inconsciemment en entendant ce joli gazouillis. Otama s'apercevait alors soudain qu'elle bavardait et, toute rougissante, elle achevait rapidement son histoire pour revenir au dialogue laconique du début. Toutes ces paroles, tous ses gestes, révélaient la plus grande innocence. Pour Suézo, qui en certains domaines avait l'habitude d'observer choses et gens d'un regard extrêmement pénétrant, elle représentait un lieu sans recoins obscurs, comme un bassin d'une eau parfaitement limpide. Ce genre de tête-à-tête lui donnait l'agréable impression d'être immobile dans un bain, juste à la bonne température, après un gros effort physique. La jouissance de ce plaisir était pour lui une expérience tout à fait nouvelle, et depuis qu'il avait commencé à venir dans cette maison, tout comme un fauve s'habitue à l'homme, il en recevait sans s'en rendre compte une sorte de culture*.

* en français dans le texte.
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En l'écoutant, le visage d'Otama bleuissait jusqu'aux lèvres. Ensuite, pendant assez longtemps, elle resta sans rien dire. Dans son cœur de fille peu accoutumée au monde, des sentiments complexes s'agitaient en chaos. Elle était incapable d'en démêler les fils embrouillés, mais l'ensemble de ses sentiments désordonnés pesait d'un poids très lourd sur son cœur innocent comme celui d'une vierge qu'on aurait vendue : elle avait l'impression que tout le sang de son corps affluait à son cœur, et c'est ainsi que son visage perdait ses couleurs tandis que des sueurs froides lui coulaient le long du dos.
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Certains pédagogues conseillent aux jeunes gens de s'endormir dès qu'ils sont au lit et de ne pas rester couchés lorsqu'ils se réveillent, afin d'éviter toute pensée perverse. Car lorsqu'un jeune corps se trouve au chaud dans son lit, des pensées naissent en son esprit comme des plantes vénéneuses qui s'épanouissent à la chaleur. L'imagination d'Otama devenait parfois extrêmement dévergondée à ces moments-là. Une sorte de lumière naissait alors dans ses yeux et, comme si elle était ivre de saké, son visage rougissait des joues jusqu'aux paupières.
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