AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,34

sur 265 notes
5
16 avis
4
8 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
2 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Si vous ne savez pas quoi lire pendant le confinement, foncez sur Manières d'être vivants de Baptiste Morizot. Ce mec est à la fois enseignant-philosophe à la fac d'Aix et passionné de pistage. Il court les forêts pour suivre les sentiers sauvages de loups, renards, putois ; il a appris à hurler avec les loups (qui lui répondent !) ; et parlent de ses expériences dans une langue incandescente, une écriture qui colle au poème.

C'est cet alliage terrain/pensées qui font de ce bouquin un essai de philosophie remarquable. Vivant. Pas de la philosophie hors-sol aux concepts abrupts et dont on ne sait pas bien que faire. Non, Morizot parle des vivants dans une langue vivante et il réveille ce qu'il y a de plus vivant en nous : il nous arme. Il nous équipe de concepts pour repenser le monde - c'est-à-dire ce qu'un-e philosophe digne de ce nom est censé faire, mais qu'on oublie un peu à l'heure où des trouducs comme Onfray, BHL ou Enthoven peuvent squatter sans honte ce qualificatif de « philosophe » sans rien produire de pensée articulé ; mais là je m'égare…

De quoi ça parle, finalement, ce bouquin ? Tout d'abord, c'est un recueil de textes, disparates de prime abord mais qui finalement s'articulent et font sens par la bonne intelligence croisée de l'auteur et de l'éditeur (je ne peux que vous recommander cet excellentissime collection « Mondes sauvages » d'Actes Sud qui, à chaque lecture, m'a pour le moment balancé un uppercut de plaisir). Les premiers chapitres sont des comptes-rendus des expéditions de l'auteur sur la trace des loups dans le Vercors. Il piste, suit, sniffe, hurle et dialogue ; et de ces expériences avec le loup il se questionne sur sa façon (au loup) de voir le monde, de nous voir nous, de communiquer.

Morizot essaye de penser les termes d'une « diplomatie interespèces » : comment communiquer quand on ne se comprend pas, quand tout nous oppose à ces « aliens familiers » que sont les autres vivants terriens (animaux, végétaux). Et avec qui on partage pourtant des millions d'années de co-évolution qui nous font fait tous ensemble, et desquels on est interdépendants.

Et puis, on change de texte et le ton se fait plus abrupt. C'est un peu soudain, on est déstabilisé. Mais, doucement, Morizot sait nous faire retomber sur nos pattes. Il reste plus qu'à galoper pour suivre le fil de ses pensées. Délaissant un peu les habits du pisteur (sans jamais trop s'en éloigner, cependant) pour regagner ses breloques de philosophe, l'auteur plonge à bras le corps sur une analyse du rapport au monde des humains dit « modernes » avec cet impossible duo Nature/Culture. Dualité qu'il déconstruit méthodiquement, usant à la fois des acquis des sciences ethologiques et évolutionnistes, et de la puissance conceptuelle d'une philosophie qui assure un héritage spinoziste (avec des accents volontiers nietzschéens).

Voilà que je m'emballe à mon tour et que j'utilise trop de grands mots. Ce qu'il faut retenir, c'est que le livre se conclut par un don, un don de concepts. Morisot nous arme pour penser le monde plus finement, ne pas choisir son camp, se faire « diplomate », relationnel, oserais-dire loupvoyeur.

En fin d'ouvrage, une postface d'Alain Damasio… remercie Morizot, en gros. Il tente une synthèse du bouquin qu'on vient de lire avec ses mots incadenscents à lui, et c'est assez beau de deviner la rencontre entre ces deux écrivants qui sont aussi deux penseurs parmi les plus stimulants de notre époque.

J'ai toujours du mal à dire du bien des livres que j'ai adoré. C'est dur à expliquer, ça : pourquoi une pensée nous stimule, qu'elle braise elle fait naître en nous.

Donc simplement : LISEZ. Franchement, Morizot ça vaut le coup 🙂
Commenter  J’apprécie          405
Un essai passionnant, en tout cas, il m'a réellement passionné et les réflexions de l'auteur résonnent toujours en moi un mois après l'avoir terminé.

Baptiste Morizot est enseignant en philosophie mais il consacre aussi du temps à pister les loups. Quel est le rapport me direz-vous ? Et bien, si dans un premier temps, on peut se poser la question, tout prend sens au fil de la lecture de cet ouvrage.

Après un long et brillant chapitre d'introduction sur notre rapport au vivant et à la nature, l'auteur nous emmène sur la piste d'une meute vivant dans le Vercors. Puis nous voilà avec lui à observer la cohabitation des loups et des troupeaux dans le Var pour une étude au long cours. Et ensuite, il nous entraîne dans ses réflexions de philosophe sur notre rapport faussé à la Nature et au vivant. Et pour finir une préface d'Alain Damasio.

C'est dense et intelligent même si parfois la lecture a été un peu difficile. Si les idées de l'auteur sont plutôt limpides et percutantes, son style et son vocabulaire m'ont semblé parfois un peu trop complexes et pas vraiment à la portée de tous (ce sera ma seule réserve).

Observation des autres êtres vivants (ici les loups), tentative de communication avec ces « aliens familiers » (car il n'hésite pas à hurler avec les loups !!!), connaissance nécessaire du monde dans lequel nous vivons. Et pour finir, la nécessité absolue de respecter le vivant et tout ce qui le compose et de retrouver les égards que nous avons perdus après deux mille ans de civilisation judéo-chrétienne et une révolution industrielle. Remettre l'homme à une autre place. En finir avec l'idée que la Nature est un décor ou une réserve à piller.

Voilà il y aurait encore une tonne de commentaires à faire. Mais le mieux est de lire ce magnifique essai qui sème une multitude de pistes de réflexion.
Commenter  J’apprécie          276
C'est peut-être le livre le plus renversant, au sens propre, que j'ai lu ces 20 dernières années : en parcourant simplement ses pages, j'avais le sentiment de vivre déjà, de réaliser pleinement, d'accéder enfin à la plus belle des réponses à cette question classique de la philosophie : comment faut-il vivre ? La réponse est évidente, elle est là sous nos yeux à tous, depuis la nuit des temps, en plein lumière à chaque pleine lune, limpide comme le cours d'eau, aussi évidente et majestueuse que l'arbre, troublante aussi, fascinante même, et finalement belle telle une meute de loups, « superbes animaux » disait le poète.
« E pluribus unum » : voilà la seule façon d'être vivant, de l'être pleinement, respectueusement de la vie même. le sociologue aime dire que « l'homme est animal suspendu dans les toiles signification qu'il a lui-même tissées ». le philosophe, surtout quand il se fend d'être aussi éthologue a plus raison encore de dire la primeur au vivant (appelez-le « la nature » si cela vous plait davantage), car nous sommes tous suspendus dans les toiles de l'interdépendance et, si nous l'oublions complétement, nous pourrions bien chuter tous. On n'est jamais vivant seul, ou alors on l'est contre, et ce n'est plus que de la survie. On est pleinement vivant que lorsque l'on sait les liens qui nous relient, les différences qui nous réunissent, les dépendances qui nous soutiennent. Que lorsque l'on comprend quelle est sa place et qu'y rester n'est pas une entrave mais bien la seule liberté, la seule vérité.
Le livre de Baptiste Morizot est aussi beau qu'intelligent. Il prend aux tripes, touche au plus profond de la chair, inonde d'émotions, pénètre au creux du coeur et de l'esprit. Une pure merveille, un grand, très, très grand livre !
Commenter  J’apprécie          140
Un philosophe pisteur de loups, de cols en vallons, hiver comme été, n'hésitant pas à hurler au crépuscule avec la meute quand celle-ci se rassemble pour chasser, afin de susciter une réponse. Bref, un philosophe tout terrain.
Sa grande connaissance des loups et du territoire où ils évoluent lui a permis de saisir les différentes interactions à l'oeuvre : non seulement entre les loups, mais aussi avec les bergers, les chiens, les moutons et le milieu que ceux-ci arpentent.

Cette expérience de terrain lui permet de proposer une diplomatie interespèces des interdépendances. Dans ce contexte particulier, le diplomate est celui qui se laisse saisir, toucher par les acteurs en conflit et leurs impératifs : le loup, la nécessité de chasser pour survivre ; la brebis, le besoin d'être protégée ; le chien, sa mission de garder le troupeau ; le berger, son attachement à ses bêtes et le capital qu'elles représentent. Sans oublier la prairie qu'un pâturage trop intensif peut mettre à mal. le diplomate se met à l'écoute des différents partis et composent avec leurs intérêts divergents. Il travaille essentiellement pour les relations car ce sont elles qui permettent une cohabitation viable pour tous.

Jean-Baptiste Morizot étend ce concept à toutes les relations qui peuvent exister sur un territoire mais aussi aux collectifs humains, comme un nouveau mode d'action dans une société où le conflit l'emporte sur le dialogue. C'est aussi une alternative aux oppositions systématiques qui empêchent tout compromis.

Pour l'auteur, il est primordial de bien connaître son territoire et les relations qui s'y nouent comme préalable à l'action politique. Il nous fait également partager son émerveillement face à un monde qui révèle ses beautés et ses mystères à ceux qui savent le contempler. Il nous introduit dans la complexité des interdépendances et nous rappelle que nous faisons partie intrinsèquement de la communauté des vivants.

Commenter  J’apprécie          112
Ce livre regroupe différents textes et articles de Baptiste Morizot. Je n'ai lu que Les Diplomates de ce même auteur, et on retrouve bien la patte et la pensée qui m'ont séduit dans ce premier ouvrage !
A travers des textes tout à la fois ou tour à tour philosophiques, éthologiques, politiques, journalistiques, romanesques (presque !) Morizot donne à voir un axe de pensée nouveau, un paradigme comme on se plait à le dire aujourd'hui qui doit changer: nous ne sommes pas hors de la nature, la nature n'est pas une ressource disponible pour notre bon vouloir (issu du grand Dieu !) mais elle (la nature) n'est pas non plus sacrée, angélique et à muséifier ; il s'agit au contraire de reconstruire, de retrouver les liens multiples et immenses qui nous rattachent à elle et qui font de nous, humains, une partie du tout.
Il faut réapprendre à communiquer avec nos concitoyens en monde, avec nos moyens modernes, être diplomates, comprendre que faire vivre les autres est aussi sauver nos vies, que laisser une forêt se développer, ou un prédateur chasser n'est pas une perte pour nous, mais une chance si on peut aménager la relation...

Avec Morizot, on piste le loup, on chante, on crie, on discute avec tout le monde, on découvre des pensées, des êtres humains et des textes fondateurs.

Merci pour tout ça...
Commenter  J’apprécie          110
Encore un beau livre de Baptiste Morizot. A travers ses récits de traques des loups et ses réflexions philosophiques, il nous pousse à décaler notre regard, à changer de perspective sur le monde "sauvage" qui nous entoure. Il nous aide à penser de nouvelles formes de relations avec le monde vivant, plus respectueuses et moins anthropocentrées. Un livre pour préparer une nouvelle société.
Commenter  J’apprécie          90
Baptiste Morizot, nous emmène dans des réflexions philosophiques très riches sur notre rapport aux autres vivants, au travers d'expériences vécues sur le terrain, dans ses campagnes de suivi de meutes de loup, pour en appréhender la complexité de leur organisation et identifier des voies de sortie aux conflits stériles entre bergers victimes et loups prédateurs.
Comme toujours, la réalité n'est pas telle qu'on nous la dépeint et oui, un équilibre entre les deux vivants, entre une vie sauvage et un pastoralisme respectueux est possible.
Mais ce n'est pas par la seule expérience de la vie avec les loups que Baptiste Morizot étaye son propos, c'est aussi en nous rappelant toutes les interdépendances dont nous sommes la résultante, dont nous sommes fait et qui nous obligent à reconsidérer combien notre monde moderne s'est détaché du vivant, en en perdant les égards dont devrions être redevables envers ce vivant sans qui nous ne pourrions pas être.
Les notions partagées et réflexions proposées sont parfois subtiles et pas tours aisées d'accès, mais elles nous invitent à une relecture, à prendre le temps de nous les approprier pour enfin en appréhender toute la signification.
C'est un livre qui m'a fait beaucoup réfléchir et que j'ai trouvé des plus intéressant à lire dans le monde où le consumérisme est devenu si prégnant dans nos existences et que je recommande vivement.
Commenter  J’apprécie          80
Une révélation pour moi. Une approche de l'écologie et du vivant pleine d'espoir de poésie et d'intelligence. Une philosophie du concret, une façon d'écrire en partant d'expérience de pistage de loups, d'observation des espèces. Je sors heureux de cette lecture. C'est sûr que ça aide pour le lire d avoir déjà un pied dans le sujet et quelques notions de biologie et d'évolution.
Commenter  J’apprécie          70
Un texte riche et très bien pensé.
J'ai parfois eu l'impression de lire un roman plus qu'un essai tant le sujet, les phrases et la narration étaient agréables.
Une pensé, que je partage de tout coeur, reviens en boucle : le vivre ensemble est la clé.
Tous ensemble !
Tous les êtres vivants sur cette douce Terre.
A lire et à réfléchir
Commenter  J’apprécie          60
Une pensée claire et intelligente qui nous aide à repenser notre place dans la nature. Baptiste Morizot débusque les préjugés culturels qui nous ont amenés à considérer le monde qui nous entoure comme un réservoir de ressources à notre disposition. Cette position délétère nous mène à la catastrophe. B.Morizot nous propose de nous considérer comme des vivants parmi d'autres ; il change notre regard. Cela donne de l'espoir et surtout, permet de retrouver du sens à notre condition humaine. Gros coup de coeur.
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (1289) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
439 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..