comptine pour l’enfant loin
nous vîmes le padda de java, le charme et la spirée
l’urubu noir et l’ancolie sous le chammal
le sassafras, le barbican pourpré, les choux de kerguelen
le cacatoès aux yeux bleus perché dans l’arbre aux pochettes
l’océanite frégate planant dans l’harmattan
et aussi l’ouette de magellan
nous vîmes le khamsin froisser le gingko
le serricorne mystérieux dans l’oranger des osages
le cinclosome ajax survolant des champs de pau-brasils et de campanules
et le loxopse de kauai faisant craquer la branche de l’araucaria de norfolk
et nous vîmes encore
le meltemi porter le zostérops à gorge grise
le bélombra plein de bruants lapons et zizis
le percefleur caché dans le mouillefer
le fenugrec ployant sous le grégale
et nous vîmes aussi l’ammomane isabelline et l’élénie menue
l’olivier de bohème, le tulipier de chine, le bec-en-sabot du nil
le myzomèle des fidji, le kiwi, l’agastache et le rhododendron
l’harelde boréale contrer le williwan avant de se poser sur l’arbre de judée
et nous eûmes le temps de voir les engoulevents papou, étoilé et doré
le labbe antarctique et le baguenaudier
l’euplecte à dos d’or dormant dans l’andromède
le butor mirasol, l’abizzia, le sumac, le choucador dans le callistemon
la rhubarbe et le miro barbu
le bulbul bruyant
la ninoxe boubouk et le babax lancéolé
et quand nous vîmes l’inca céleste
le soleil disparut
rêves alors sur ces mots sans images
une moisson de mots-sons
pour ce qu’ils vibrent et font vibrer
pour ce qu’ils appellent d’ailleurs et de loin
et ce n’est pas le même soleil
et il n’y a rien à voir
mais on peut rêver
on pourrait croire au retour on
sait qu’on pensera ici quand on
sera là-bas on sentira les villes
incomparables se superposer on
verra l’ascenseur charrier des
peupliers on entendra des mots
dits là transportés jusqu’ici un
sac de mots de visages de gestes
on ne saurait dériver sans on est
chargé de ça mais ça ne pèse pas
non ça ne pèse pas plutôt ça
plante en terre mobile
« Toto perpendiculaire au monde » d'Antoine Mouton,
Parution le 3 mars 2022