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Au coeur de la crise grecque de 2010, le commissaire Kostas Charitos et son équipe de la brigade criminelle d'Athènes enquêtent sur des meurtres ordinaires qui ne le sont peut-être pas tant que ça.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/02/19/note-de-lecture-la-trilogie-de-la-crise-petros-markaris/

Publiés respectivement en 2010, 2011 et 2012, avant d'être traduits en français en 2012, 2013 et 2014 par Michel Volkovitch au Seuil, les romans « Liquidations à la grecque », « le justicier d'Athènes » et « Pain, éducation, liberté » de Petros Markaris constituent ensemble la « Trilogie de la crise », prenant place au fil de la crise économique et financière vécue par la Grèce en 2008-2010 (avec ses prolongements jusqu'en 2015 et au-delà), lorsque la « Troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) a imposé au pays un plan d'ajustement particulièrement drastique face à la menace de sortie des traités monétaires européens que représentait l'effondrement budgétaire du gouvernement de Giorgios Papandréou.

Ayant pour personnage principal le commissaire Kostas Charitos, de la Brigade criminelle d'Athènes, ils en constituent les 6ème, 7ème et 8ème enquêtes, au sein d'un cycle commencé en 1995 avec « Journal de la nuit » (j'ai aussi lu à ce stade sa 5ème, « L'empoisonneuse d'Istanbul », mais pour diverses raisons, je préfère vous en parler ultérieurement sur ce blog).

Comme chez beaucoup des plus pertinents polars noirs contemporains (et avant eux, bien entendu, depuis les pères tutélaires Hammett et Chandler, pour ne citer qu'eux), l'intrigue policière, si elle n'est pas un simple prétexte, s'efface avec justesse devant une peinture ramifiée, socio-politique en diable, de toute une époque où l'individu et l'intime sont aux prises et en résonance avec le collectif et avec l'Histoire. À travers les enquêtes conduites par le commissaire Kostas Charitos, ce sont des pans entiers du passé et du présent de la Grèce qui viennent manifester leur présence, en force ou en discrétion. Deuxième guerre mondiale, guerre civile qui la suivit immédiatement, communisme et anti-communisme qui ont depuis lors façonné une très large part du tissu social, dictature des colonels, insurrection de l'école polytechnique, partition de Chypre, exodes d'Asie Mineure (des plus anciens aux plus récents), grands travaux olympiques et corruption généralisée, racisme et immigrés clandestins, réfugiés et extrême-droite plus que résurgente : il n'y a peut-être que chez Manuel Vazquez Montalban et Valerio Varesi (mais, quoique maniant des registres fort différents, François Médéline n'est peut-être pas si loin) que l'on trouve à ce point l'intrication des ombres portées des crimes passés sur un présent englué (des faux espoirs de la movida post-franquiste aux désenchantements d'une mémoire des années de plomb toujours remaniée au désir du plus offrant, en l'espèce).

Jouant à sa manière avec les réjouissants outils qu'affectionnait le regretté Valerio Evangelisti, ceux qui peuvent engendrer des « gentils » énervants et des « méchants » que l'on ne parvient pas à détester totalement, Petros Markaris nous offre dans cette trilogie plusieurs galeries panoramiques de criminels ambigus et de victimes fort peu sympathiques (les précurseurs Giorgio Scerbanenco et, en duo, Maj Sjöwall et Per Wahlöö avaient su aussi jouer de ces ruses pour mieux pénétrer les arcanes chancelants des sociétés italienne ou suédoise au tournant des années 1975-1980). Des promoteurs corrompus aux magouilleurs impénitents, des économistes aux ordres aux politiciens sachant se servir de leurs électrices et électeurs plutôt que l'inverse, des individus bien décidés à écraser tout ce qui sera nécessaire pour arriver aux menteurs patentés cachant de bien sombres secrets de fabrication, cette Athènes des années 2010 en proie à un étésien violent, sans aucune douceur égéenne résiduelle, s'enflamme sans retenue, les crimes particuliers se mêlant inexorablement aux flambées collectives déchaînées par la crise.

À la brigade criminelle d'Athènes, Petros Markaris construit un somptueux police procedural, éminemment politique jusque dans les conflits de services et de personnes, jusque dans l'obséquiosité et la prudence (aux limites même du supportable) vis-à-vis des décideurs politiques et des puissants, jusque dans les faiblesses et les sursauts salvateurs qui parcourent pourtant les enquêtrices et les enquêteurs aux mains liées plus souvent qu'à leur tour. le tour de force encore plus rare réalisé par l'auteur grec tient sans doute à la manière dont il adosse cette famille métaphorique et dysfonctionnelle à la famille véritable, épouse, enfants, belle-famillle et amis proches, du commissaire volontiers bougon et parfois carrément obstiné. On se prend ainsi, de volume en volume, au jeu de l'évolution d'une cellule vivante au sein d'un tourbillon permanent, socio-économique et politique, sous le signe contraint d'une vie matérielle omniprésente.

Vie matérielle s'il en est, en effet : il n'y a probablement, dans le polar noir contemporain, que chez Alexandra Marinina, lorsqu'elle orchestre les tribulations du couple si amoureux formé par une commandante de la police criminelle moscovite et un brillant professeur de mathématiques, dans les années post-communistes (qui verront donc émerger aussi bien les oligarques et autres nouveaux Russes que les gants de fer du pouvoir poutinien) que la pression économique et financière exercée sur les gens « ordinaires », quelles que soient leurs fonctions et responsabilités sociales à l'heure de l'argent mondialisé triomphant, apparaît dans toute sa force délétère au quotidien.

À la fois symptôme et marqueur indiscret de cet écrasement toujours en cours, on sera tour à tour stupéfié et agacé – au côté des personnages eux-mêmes, donc – par l'une des veritables obsessions partagées par ce peuple qui grouille ici, policier ou non : celle de la circulation à Athènes, casse-tête permanent qui semble reléguer les embarras de Paris ou de Londres au rang d'aimables contretemps occasionnels, casse-tête qui appelle à chaque déplacement échafaudages et combinaisons, prises de risques et paris audacieux, résignations et coups de sang potentiels.

Enfin, que la lectrice ou le lecteur – qui ne reconnaîtrait pas, dans le deuxième et le troisième volumes de cette trilogie, le déroulé historique, tel qu'il nous est connu, de la crise grecque de 2010 et des années suivantes – se rassure : elle ou il n'a pas rêvé, car Petros Markaris s'est permis une belle excursion dans le domaine de la politique-fiction la plus sauvage, dans laquelle la sortie de la Grèce de l'Euro (et le retour afférent de la drachme) ou la mise en place d'une politique économique agressive destinée à attirer les capitaux, par une jeune équipe gouvernementale largement issue de la finance privée (toute ressemblance avec un scénario observable toutes proportions gardées dans un grand pays d'Europe de l'Ouest depuis 2017 ne pourrait être que purement fortuite, naturellement) viennent jouer à leur tour leur rôle de péripéties authentiquement romanesques, déplaçant vers d'autres territoires le contenu fictionnel de cette oeuvre policière en apparence si réaliste et terre-à-terre.
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J'ai trouvé ce livre captivant. Certes l'intrigue est intéressante, mais c'est cette plongée dans le quotidien grec de la crise qui m'a le plus happé.
Les crimes sont presque atténués par la violence sociale qui règne dans cette société grecque. La véritable violence est là, sauvage, aveugle, elle frappe partout et tout le monde, surtout les plus modestes. Les jeunes diplômés partent, d'autres se suicident, les autres se résignent. À l'instar du commissaire Charitos, témoin blasé de ce chaos, d'une bureaucratie kafkaïenne, du clientélisme endémique que rien ne semble pouvoir endiguer.
Je ne suis peut-être pas tout à fait objectif, étant d'origine grecque, mais cette plongée dans le quotidien cruel grecque est tout à fait juste, au delà de la carte postale.
Un très bon livre.
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Les deux points forts de ce polar résident dans la modernité des sujets abordés (la Grèce post-crise, la faillite économique est un personnage à part entière du récit), et le fait que les cadavres soient parsemés dans tous les lieux touristiques et fameux d'Athènes, ce qui plaira à ceux et celles qui comme moi se sont rendus sur place. Pour le reste, les amateurs de polars risquent de rester sur leur faim ; on sent que l'auteur n'a pas forcément su trouver un équilibre parfait entre fatalisme social et tension du thriller. Dommage car le fond est vraiment intéressant.
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Un bon policier, avec un thème original d'enquête, en toile de fond la crise économique et des aspects de la vie quotidienne des grecs en cette période difficile.
Le livre nous plonge dans une enquête prenante, avec le contexte politique et la vie de famille du commissaire en parallèle.
Je vous le recommande, si vous aimez les policiers et si vous vous intéressez à la Grèce, ce livre est une bonne pioche
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C'est là que des Athéniens s'éteignirent

Le commissaire Charitos est réputé "lent, ringard et ch..ant".
Mais suffisamment compétent toutefois, pour qu'on lui confie l'enquête autour de meurtres mystérieux.

Voici en effet, que dans cette Grèce saignée par les exigences de la Troïka, quelqu'un assassine des fraudeurs fiscaux et dépose leur corps sur des sites antiques. Autant dire que ce meurtrier est quasiment considéré comme un justicier aux yeux d'un peuple vivant entre désespoir et ressentiment. Autant dire que ces mauvais payeurs sont partis sans léser la Grèce.

Dilemme citoyen : vaut-il mieux un assassin en liberté ou un héros en prison ?
Mais Charitos est flic avant tout et un flic, surtout s'il veut de l'avancement, ça arrête. Il va donc conduire son enquête, dans une capitale grecque paralysée par les grèves, manifestations et embouteillages.

Voici un roman noir presque parfait.
Ici, pas de surenchère de gore, de cadavres découpés en lamelles et de violence gratuite.
"Le justicier d'Athènes" se situe dans la veine désormais familière du polar ethnographique, qui fait passer au second plan l'énigme policière, pour se pencher sur l'environnement, l'histoire et les moeurs.

En se donnant Athènes pour cadre, Markaris rejoint ainsi les meilleurs : Izzo et Marseille, Montalbàn et Barcelone, Rankin et Edimbourg...
Mais contrairement à ces derniers, Markaris ne recherche pas la singularité. Inutile d'espérer trouver dans ce roman, un guide touristique avec la description des métopes du Parthénon, ou le détail des recettes de cuisine locale.
Le commissaire Charitos est marié, père de famille, a des soucis de fins de mois et il est dépassé par l'informatique.
Plus qu'un roman noir, il faudrait parler de roman gris : Charitos n'a aucune certitude et ne s'estime pas représentant du Bien. C'est un homme ordinaire avec ses doutes (nombreux) et ses espoirs (rares).

Et c'est toute la force de ce roman de Markaris que de nous faire toucher du doigt les ravages de la crise économique qui crucifie le pays, sans désigner un coupable unique ou rejeter l'entièreté de la faute sur les autres. Les Grecs sont aussi responsables pour partie de leur situation : fraude fiscale, corruption, clientélisme, déliquescence politique...
Mais ça ne retire rien à leurs souffrances actuelles.

Ce roman serait donc parfait si sa fin n'était pas aussi abrupte et peu surprenante. du coup, bien que filant l'Hellène, l'écheveau manque un peu d'embrouille à mon goût.

A lire donc surtout comme un témoignage. le style de Markaris est concis, sans mauvaise graisse, mais très soigné.
Une belle découverte pour ma part et je vous invite à suivre les traces de Charitos, si vous voulez en savoir plus sur la Grèce d'aujourd'hui.

Loin devant la masse des essais distanciés et abscons, au delà des reportages arides, le Polar reste encore le meilleur révélateur d'une société. Ce n'est pas rien.
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Une entrée en matière bien sympathique dans le polar grec.
Des noms tirés par les cheveux, mais en même temps un Nigel, ou un Antoine à Athene desuite ça t'immerge moins.
L'intrigue est sympathique mais pas de quoi s'habiller tradi et apprendre les pas de danse locaux. Cependant on ne peut enlever à l'auteur, l'intérêt qu'il nous fait porter sur la situation du pays, où tout est à l'arrache, un peu comme chez nous mais en avance quand même.

Rien que pour cette immersion sociale et politique à la sauce grecque je vais m'en lire d'autres
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Se lit comme un roman de gare. Ce qui relève le niveau sont la description au couteau de la Grèce d'aujourd'hui et la personnalité attachante du commissaire Costas Charitos. L'auteur ne fait pas de son personnage principal un flic surdoué comme on en rencontre trop souvent dans les romans policiers. On rentre dans la vie d'un fonctionnaire grec dont la paie et les moyens d'action se réduisent à peau de chagrin. le style est parfois empêtré, les motivations du criminel tirées par les cheveux, mais l'intrigue nous retient jusqu'au bout.
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Premier roman de Petros Markaris que je lis et belle découverte.

2011. le récit s'ouvre sur une scène poignante où le commissaire Kostas Charitos ne peut que constater le suicide de quatre retraitées que la période de crise que traverse le pays a poussé à cette extrémité.
Le policier est ensuite confronté à un tueur décidé à se substituer au gouvernement pour faire entrer dans les caisses de l'État les impôts non payés par de riches fraudeurs, sans pitié pour ceux qui ne s'acquittent pas de leurs dettes.

Cet opus est le deuxième de la « trilogie de la crise ». L'auteur nous fait vivre de l'intérieur la réalité sociale et politique de la Grèce, confrontée à l'une des crises les plus profondes de son histoire récente.
L'enquête a du mal à avancer, au sens figuré comme au sens propre, les rues d'Athènes se trouvant régulièrement bloquées par diverses manifestations, obligeant le commissaire et ses collègues à de savants calculs d'itinéraires pour travailler dans des conditions acceptables.
L'humour désabusé des policiers ces conditions difficiles m'a d'ailleurs beaucoup plu.

Les politiciens ne sont pas épargnés, présentés comme des girouettes toujours à la recherche du meilleur vent. le commissaire, en attente d'une promotion, voit celle-ci s'éloigner ou se rapprocher suivant la position de ces mêmes girouettes, qui, suivant leurs intérêts, demandent que les investigations s'arrêtent ou au contraire s'accélèrent.
Le supérieur de Kostas Charitos lui dit à un moment, comme une plaisanterie qui n'en est pas une, que dans l'administration grecque, pour avoir une promotion, il ne faut surtout rien faire.

L'intrigue policière n'est cependant pas totalement occultée par le témoignage de l'auteur sur ce que vit son pays. J'ai apprécié le personnage de ce commissaire, profondément humain, qui se débat, comme tous avec sa famille pour s'en sortir au mieux, mais ne renonce pas à mener à bien sa mission, quelles que soient les embûches.
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Je me demandais à la fin de la critique de Liquidation à la grecque si je lirais un autre volume de cette série. Il se trouve que j'ai eu le justicier d'Athènes en cadeau pour l'achat de deux Monk d'Anne Perry.

J'ai toujours autant de mal à m'y retrouver dans les noms grecs mais je me suis peut-être plus intéressée à cette histoire. le commissaire Charitos et son équipe se retrouvent face à des suicides dus à la crise et à des meurtres visant des fraudeurs fiscaux. Ceux-ci sont retrouvés sur des sites archéologiques, empoisonnés à la ciguë. le Percepteur National, comme se nomme lui-même le tueur, se sert d'internet pour faire connaître son action. Aussi lorsque certains fraudeurs reçoivent leur lettre leur enjoignant de payer au fisc une somme parfaitement calculée, ils s'exécutent.
L'Etat encaisse donc 1 780 000 euros. Les grecs qui voient rogner salaires et retraites ou font face au chômage, manifestent chaque jour dans les rues d'Athènes perturbant fortement la circulation. Ils considèrent donc le Percepteur National comme un héros....
Quant au commissaire, outre ses enquêtes, il connaît des soucis avec sa famille. Sa fille qui est diplômée n'a qu'un travail très mal payé, elle dépend donc du salaire de son mari médecin Phanis et de ses parents. Lorsqu'on lui propose un poste en Afrique, elle est très tentée, au désespoir de ses parents.

Grâce à ce polar on est vraiment plongé dans le quotidien des Grecs victimes de l'Etat corrompu et des exigences de l'Union Européenne. Je ne dis pas non à un troisième titre.


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2011, la crise économique en Grèce s'aggrave. Des fraudeurs revivent un courrier du percepteur national leur demandant de rembourser leurs fraudes. ceux qui refusent sont tués.
Voici une nouvelle enquête du commissaire Charitos où l"assassin devient un héros pour les Grecs car ils dénoncent la corruption dans tous les domaines.
Sa fille au chômage décide de partir à l'étranger pour trouver du travail, ce qui n'est pas du goût de Charitos et de sa femme.
Dans ce roman, Petros Markaris parle de la fraude qui gangrène tous les niveaux de la société grecque mais aussi du départ des jeunes diplômés pour trouver un travail mieux rémunéré.
J'ai adoré ce roman même si dans ma lecture, il y a de la tristesse pour ce pays que j'aime beaucoup./
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