« Au commencement, était le vide… »
C'est par ces quelques mots que débute le joli livre de
Thierry Noiret. Certains reconnaîtront leur ami The_Noir, auteur de neuf livres, dont celui-ci paru en 2017 et que j'ai choisi pour son titre. On rêve souvent d'un livre à partir de son titre.
« Au commencement, était le vide » ayant l'heureux effet d'inviter le lecteur aux promesses de l'après, c'est avec une grande curiosité que je me suis laissée embarquer. Car c'est ainsi qu'il faut cheminer dans ce livre qui n'a pas d'histoire au sens strict d'un seul récit mais une géographie. Des aéroports, des grottes, des provinces, des lacs, la ville de Montréal et le fleuve Saint-Laurent.
Or cette géographie, qui embrasse l'histoire du pays et des hommes, sans complaisance et parfois même avec amertume et colère, se présente comme un assemblage de mini-séquences - soit un prologue et dix parties. Nous pensons au premier abord qu'il pourrait s'agir d'un catalogue d'expériences biographiques, de mythes et de légendes, mais non. le contraire de tout cela. Car chacune des parties, dont la tendance est de se dérober, semble continûment recouverte de blanc comme une page qui attendrait d'être remplie. C'est là que le cheminement devient intéressant car nous allons de surprise en surprise, le narrateur, lui, avançant de sa plume comme un aventurier n'ayant pas préparé son effet. Tout semble sortir de sa rêverie, laquelle, erratique comme se présentent les rêves, passe d'une forme à l'autre, avec la même fluidité qu'un nuage qui dérive et se métamorphose. Tantôt journal intime, tantôt récit, tantôt essai, tantôt conte ou légende, tantôt poème.
C'est un livre que l'on respire, narrateur et lecteur faisant route dans l'air froid et la neige qui est omniprésente. La poésie y laisse à même le sol gelé des traces protéiformes que l'on se délecte d'identifier, comme un petit bestiaire à côté d'un fleuve aussi légendaire que prodigue et dans un hiver interminable qui au sortir des dernières neiges commence à rêver d'équinoxe.
Je recommande vraiment. C'est un très joli moment de lecture.