Madame Vigée-Le Brun avait vu reparaître à ses côtés , au Salon de 1787, son éternelle rivale. Madame Labille-Guiard . Auprès du portrait de la Reine, on admirait un tableau presque aussi important, qui représentait Madame Adélaïde dans ses appartements, en grand manteau de velours rouge ; Madame Guiard y joignait un vigoureux portrait de Madame Elisabeth et une tête d'étude au pastel, faite en vue du portrait de Madame Victoire. De tels morceaux, d'une exécution moins souple dans les chairs que ceux de Madame Le Brun, mais supérieurs dans les accessoires et les étoffes, permettaient à bien des connaisseurs d'afficher leur préférence pour l'artiste que les tantes du Roi avaient adoptée et à qui un brevet royal venait de conférer le titre de « peintre de Mesdames ». Le peintre de Marie-Antoinette était persuadée que Madame Guiard « essayait, par tous les moyens imaginables, de la noircir dans l'esprit de ces princesses » . Elle se défendait du moins, devant le public, par une exposition d'une richesse extraordinaire : un grand tableau de famille, la marquise de Pezay et la marquise de Rougé avec ses enfants ; d'autres portraits : la comtesse de Béon , le jeune baron d'Espagnac, Madame de la Briche, Madame de Lagrange ; plusieurs « portraits et études sous le même numéro », puis trois morceaux qui formaient un ensemble amusant et nouveau dans son œuvre.
La jeune fille était partout remarquée pour sa beauté épanouie, ce qui ne laissait pas de la gêner dans l'exercice de sa profession : « Plusieurs amateurs de ma figure, raconte -t- elle , me faisaient peindre la leur, dans l'espoir de parvenir à me plaire...; dès que je m'apercevais qu'ils voulaient me faire des yeux tendres, je les peignais à regards perdus, ce qui s'oppose à ce que l'on regarde le peintre. Alors, au moindre mouvement que faisait leur prunelle de mon côté, je leur disais : J'en suis aux yeux ; cela les contrariait un peu, comme vous pouvez croire, et ma mère, qui ne me quittait pas et avec j'avais mise dans ma confidence, riait tout bas. »
Les femmes régnaient alors ; la révolution les a détrônées. » Ce mot célèbre est de Madame Vigée-Le-Brun), une de celles dont l'empire fut le plus incontesté et le plus doux. Elle l'exerça dans le monde, qui ne lui refusa aucun succès, et dans les arts, où la complaisance tie la postérité lui a laissé le sceptre fleuri que ses contemporains lui décernèrent. Elle n'appartient pas à la lignée des grands peintres, cette jolie Parisienne qui fut au service des reines frivoles, des beautés de cour ou de comédie ; mais elle a son rang parmi les maîtres du portrait, car son originalité fut sincère et elle porte un exact témoignage sur son époque.