Après les deux romans de cette auteure que j'avais lus, "
Malgré nous" et "
Ces petits riens qui nous animent", j'avais pensé arrêter de suivre
Claire Norton car je les trouvais trop "gentillets", avec trop de clichés et de bons sentiments.
Mais la couverture de "
Celle que je suis" m'a aimantée : j'ai été touchée par cette photo noir et blanc d'une mère dont la tête repose sur les genoux d'un petit garçon, qu'on suppose être son fils, qui la regarde avec amour et semble la protéger.
J'ai donc changé d'avis et me suis plongée dans la lecture de ce roman dont le thème principal sont les violences conjugales.
Valentine subit depuis 15 ans les coups, les humiliations, la privation de liberté, l'isolement que lui inflige son mari; depuis 6 ans et la naissance de Nathan, sa seule idée est de protéger son fils de toute cette violence, de faire comme si tout allait bien, de ne pas crier sous les coups pour que son fils n'entende rien. Elle se coupe de tout son entourage par honte, culpabilité, peur, dévalorisation d'elle-même jusqu'à ce que Suzette, 65 ans, vienne s'installer dans l'appartement en face sur le même palier. Les digues qu'elle a érigées toutes ces années commencent alors à se fissurer.
Ce roman est percutant; c'est de la fiction mais on sait que cette violence conjugale abjecte existe, que des femmes en chair et en os en sont victimes, que des enfants en subissent les dommages collatéraux quand ils n'en sont pas directement les victimes.
Claire Norton campe des personnages très réalistes, psychologiquement fouillés; le processus d'emprisonnement psychologique, d'emprise, qui conduit l'extérieur à se demander pourquoi ces femmes ne fuient pas est magnifiquement décrit. Les scènes de violence sont crues, difficiles à lire mais nécessaires car ces horreurs existent.
Le roman insiste aussi sur la façon dont Nathan, le petit garçon vit cette violence : peur, envie de se cacher, de disparaître mais aussi désespoir de ne pouvoir défendre sa mère, haine du père. Enfance saccagée.
D'autres thèmes importants sont aussi évoqués : l'indifférence ou la lâcheté de ceux qui savent mais ne font rien, le rôle essentiel des associations d'aide aux femmes violentées, le rôle salvateur de la parole, le besoin d'écrire pour transmettre, la lecture comme exutoire.
Un roman extrêmement dur, qui n'élude rien des violences conjugales, mais qui fait mieux ressentir au tréfonds de soi qu'un article de presse ou un reportage, l'horreur que vivent les femmes qui subissent les violences de leur conjoint.
Claire Norton nous incite, par ce roman, à ne pas juger mais à essayer de comprendre.
Cependant, "
Celle que je suis" n'est ni un témoignage, ni un essai mais bien un roman avec une belle histoire de relations humaines et d'amour. Un roman qui déclenche un flot d'émotions : colère, écoeurement, peine, espoir... bref, un roman qui fait vibrer.