Amélie Nothomb raconte le début de la vie de son père,
Patrick Nothomb, décédé en 2020.
Je ne sais pas du tout quels étaient ses rapports avec père. Ce livre-ci n'en dit rien: il s'arrête peu de temps avant la naissance d'Amélie.
Je ne sais pas non plus à quel point le récit colle à la réalité. Mais est-ce important ? Ça le serait s'il s'agissait d'un article biographique dans une encyclopédie. Mais s'il s'agit d'un hommage, peu importe ! Je m'explique. Mon image d'
Amélie Nothomb est celle d'une femme très sensible qui, comme certains grands timides, se montre fort mal à l'aise, voire maladroite, quand il s'agit d'exprimer ses sentiments. Je lui sens un besoin de se protéger, de détourner l'attention en affichant des comportements que certains pourraient trouver exubérants. Donc, supposons qu'elle corresponde à l'image que je me fais d'elle et qu'elle veuille rendre hommage à son père. Quitte à tomber dans le cliché, imaginons qu'il soit son héros. Pourrait-elle, sans détours écrire « Mon père était mon héros », avec des mots raffinés qui exprimeraient toute la force de ses sentiments ? Eh bien je pense que non. Je la considère trop pudique, trop timide, ou que sais-je.
Donc, mon hypothèse est qu'
Amélie Nothomb s'exprimera de manière indirecte: elle ne va pas écrire tout de go que son père est un héros mais elle va plutôt écrire un récit où il se comporte comme un héros. Voilà pourquoi il m'importe peu que ce récit colle ou pas à la réalité: l'important est qu'
Amélie Nothomb fasse sentir à ses lecteurs l'image qu'elle a de son père.
De ce point de vue-là, j'ai senti une grande tendresse se dégager de ce texte. On ne la perçoit pas tout de suite. Au premier abord, on s'amuse. On aurait pu pleurer car le petit Patrick a perdu son papa très jeune, dans un stupide accident, et que sa maman, s'en est délaissée en le confiant à ses parents, pour pouvoir tranquillement continuer sa vie mondaine. On aurait pu pleurer, mais on rit, en particulier en lisant comment son grand-père maternel, trouvant qu'il devait s'endurcir, l'a envoyé passer ses vacances au château de son grand-père Nothomb. Épique ! Je vous laisse découvrir ça ! Et Patrick s'est endurci, comme un héros.
Comme il souffrait de s'évanouir à la vue du sang, d'où le titre du livre,
Patrick Nothomb n'a pas pu embrasser une carrière militaire et s'est tourné vers une carrière diplomatique. Dans la seconde partie du récit, on le voit négocier avec des preneurs d'otages au Congo en 1964. Il échappe de peu à la mort. Comme un héros…
Au premier abord, on s'amuse, disais-je, comme souvent avec
Amélie Nothomb. Mais ensuite, à froid, insensiblement, on prend conscience qu'Amélie vient de raconter son père et là, il se dégage une indicible tendresse. Il faut s'installer dans une ambiance méditative, dans un esprit de bienveillance, et l'on sent monter une profonde force affective. Tout cela est fort subjectif, vous l'aurez compris. Je suis curieux d'aller investiguer, maintenant. J'imagine que je trouverai des interviews d'
Amélie Nothomb qui confirmeront, ou infirmeront, ce que j'ai ressenti. J'ajouterai des commentaires lorsque j'aurai pu prendre le temps d'en apprendre davantage.
En attendant, lisez donc, vous passerez assurément un plaisant moment de divertissement ! On retrouve le style enjoué teinté d'impertinence qui caractérise
Amélie Nothomb, mais cette fois dans un récit plus ancré dans la réalité. de ce point de vue-là, cet opus-ci s'écarte de la ligne des autres. Si vos goûts sont classiques et que vous n'avez jamais lu
Amélie Nothomb, commencez donc par «
Premier sang »: c'est une bonne entrée en matière pour vous donner l'envie de continuer et de découvrir des titres moins « conventionnels ». Et si vous avez déjà lu
Amélie Nothomb, je vous recommande «
Premier sang » car, j'en suis persuadé, il vous permettra d'en savoir un peu plus sur sa personne. Si vous prenez le temps de lire entre les lignes…