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3,77

sur 2551 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avec Premier sang, c'est la première fois que je lis Amélie Nothomb et je ne l'ai pas regretté. Il faut bien un début à tout.
Dès la première scène, je suis très intrigué car un homme raconte qu'il est devant un peloton d'exécution… qu'il va être fusillé. Ensuite, l'autrice me laisse là et il faudra attendre la fin du livre pour que cette énigme soit résolue.
S'ensuit alors un récit mené avec brio par un homme qui m'apprend que son père est mort alors qu'il n'avait que 8 mois. Ce père était en apprentissage pour être démineur. Hélas, il est tombé sur une vraie mine alors qu'il pensait avoir affaire à une fausse.
C'est donc avec Claude, sa mère que ce gosse aurait dû grandir mais celle-ci le confie aussitôt à sa propre mère pour se livrer tranquillement aux mondanités. Son gosse, le narrateur, s'appelle Patrick mais elle le nomme Paddy. Cela fait plus snob car Claude est une adepte de la mode anglaise. Même ses parents, elle leur donne le nom de Mommy et Daddy.
Patrick a 4 ans lorsque débute la seconde guerre mondiale. À Bruxelles, c'est le meilleur portraitiste de la ville, M. Verstraeten, qui réalise un tableau avec Claude et son fils. Celle-ci, une fois le tableau terminé, affirme ne pas l'aimer car elle est amoureuse du peintre…
Arrive alors un temps fort de Premier sang. Comme Patrick est trop gentil, agréable mais top mou, Dadddy décide de l'envoyer chez les Nothomb, dans sa famille qui habite Pont d'Oye, au coeur des Ardennes belges. J'ajoute que Daddy est militaire, du grade de général, et que, pour emmener son fils à Pont d'Oye, il a revêtu son uniforme…
Après quatre heures de train, de Bruxelles à Arlon, Patrick qui n'a que 6 ans, découvre avec ravissement la forêt puis son grand-père, le baron, Pierre Nothomb. Ce dernier n'a eu que treize enfants…
Patrick est ébloui par l'édifice où vit sa famille mais quand les cinq enfants qui vivent encore à Pont d'Oye, débarquent, c'est une véritable horde de Huns ! Sans coup férir, ils se jettent sur les gâteries préparées par Mommy. Ils dévalisent aussi ses vêtements et on comprend vite pourquoi.
À table, c'est encore pire puisque le baron se sert d'abord et que les plus grands suivent jusqu'au plus jeune qui n'a plus rien. Alors qu'il aurait dû être désespéré, Patrick s'adapte, souffre de la faim, se salit et doit se contenter d'un peu de rhubarbe car c'est la guerre.
En plus, il doit subir les vers écrits par le baron qui se prend pour un grand poète. Surprise, quand les deux mois de vacances se terminent, il quitte Pont d'Oye avec regret.
Ensuite, il n'a qu'un seul souhait, y retourner, même pendant les vacances de Noël. Là, il est époustouflé en admirant la forêt sous la neige.
C'est au cours de l'été 1951 que Patrick découvre enfin son point faible lorsque Lucie, autre fille du baron, saigne du nez : il s'évanouit. Ainsi, je comprends la signification du titre : Premier sang. On le traite de femmelette et ce sera pour lui un vrai handicap.
Avec le talent d'écriture qu'on lui connaît, Amélie Nothomb me régale de son style efficace, précis et sans temps mort.
Suit l'adolescence, la découverte des filles. Patrick est bien conseillé par son ami Jacques. Sa phobie du sang lui joue alors un bien mauvais tour.
Les fameuses lettres qu'il écrit pour son autre ami, Henri. Tour cela crée un épisode savoureux alors que Patrick étudie le droit à l'Université de Namur, la seule ville belge aimée par Baudelaire, comme le précise l'autrice.
Quand Patrick veut se marier, Pierre Nothomb, le baron, se manifeste encore. Des années s'écoulent avec une brillante carrière diplomatique, à Kinshasa avant d'être nommé Consul de Belgique à Stanleyville, toujours au Congo. Depuis 1966, cette ville s'appelle Kisangani.
Là, je vous abandonne car les dernières pages de ce roman comportent un épisode dramatique avant la révélation finale concédée par Amélie Nothomb dans l'épilogue.
Comme je l'ai bien laissé entendre, Premier sang m'a beaucoup plu, je me suis régalé, j'ai souffert aussi, j'ai ri au cours de certains épisodes de ce roman fort bien mené par une Amélie Nothomb impressionnante de maîtrise et à l'écriture excellente de bout en bout.
Aussi, je remercie vivement Cathy qui m'a poussé à enfin découvrir une autrice qui ne m'attirait pas jusque-là. À retrouver, peut-être ?

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Après les nombreux articles dithyrambiques dans la presse française et belge ainsi que le grand nombre de critiques enthousiastes des babelionautes, je crois que je peux me limiter à un bref billet ... positif évidemment !

Personnellement, je trouve qu'il s'agit d'un tour de force de la part de l'auteure d'exprimer son amour paternel en écrivant la biographie de son père dans la première personne du singulier.

Si les Nothomb sont en Belgique plus qu'une famille, une véritable institution, le père d'Amélie, Patrick Nothomb (1936-2020), en est un digne représentant avec ses 42 années à servir le roi et son royaume comme diplomate au Congo, au Japon, en Chine et à l'ONU et ensuite comme ambassadeur au Bangladesh, en Birmanie, en Thaïlande et au Laos pour terminer sa prodigieuse carrière en Italie de 1998 à 2001.

Ce sera surtout son rôle héroïque à Stanleyville au Congo pendant la rébellion Simba (lion en Swahili) en 1964 où Patrick Nothomb, comme jeune consul de-Belgique a réussi à sauver la vie de multiples otages, qui est restée en mémoire.
C'est dommage que son récit de cet épisode hautement dramatique "Dans Stanleyville : Journal d'une prise d'otage" de 1993 soit actuellement introuvable.

J'ai surtout aimé les passages du livre situés au splendide château des Nothomb Pont d'Oye à Habay-la-Neuve dans la province du Luxembourg belge, où j'ai eu la chance d'avoir été invité à un repas.
Pendant 80 ans la famille Nothomb a vécu dans ce domaine de rêve, vendu il y a 2 ans pour devenir un hôtel de luxe, loué pour entre autres des mariages, mais affiché déjà complet pour l'été 2022.

Si son père bien-aimé a été un ambassadeur méritoire De Belgique, Amélie Nothomb est sûrement la première ambassadrice des lettres de son pays, qui a bien mérité avec cet ouvrage le Prix Renaudot 2021.

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J'ai retrouvé avec un grand bonheur Amélie Nothomb, perdue de vue depuis de nombreuses années…
Le titre de son nouvel opus, Premier sang, bien rouge sur la couverture, m'a fait de l'oeil, et ce livre est une excellente surprise, j'ai retrouvé l'Amélie des débuts, que j'aimais tant.
C'est court, précis, trépidant, efficace. J'ai croqué avec gourmandise dans ce petit bonbon acidulé qui retrace la première partie de la vie du père d'Amélie Nothomb, Patrick Nothomb, le fameux diplomate qui a parcouru le monde avec ses enfants dans ses valises.
J'ai tout particulièrement savouré la première partie, l'enfance de Patrick dans cette famille hors du commun. Alors qu'il est choyé par sa grand-mère, qui l'élève avec amour dans un foyer douillet et confortable à Bruxelles, le grand-père maternel du petit Patrick décide qu'il est grand temps de lancer son petit-fils de 6 ans et demi dans le grand bain de la vie, en l'envoyant chez l'autre grand-père, le baron Pierre Nothomb, pour quelques semaines de vacances au château du Pont d'Oye. Là, Patrick va découvrir un monde insoupçonné, en plein coeur de la campagne belge, un grand-père à la fois séducteur, poète, rêveur, mais aussi complètement démissionnaire et incapable de s'occuper de ses propres enfants (issus de divers remariages) vêtus de hardes, ne se lavant que dans la rivière, et quasi-privés de nourriture. Passés les premiers instants d'intense sidération, Patrick va développer des trésors d'adaptation, prendre gout à cette vie sauvage, libérée de tout carcan.
J'ai un peu moins apprécié la deuxième partie du livre qui nous raconte la vie de Patrick jeune homme, son histoire d'amour qui connaît des débuts difficiles avec la future mère de ses enfants, et ses débuts de diplomate, alors qu'il est retenu en otage au Congo ; beaucoup plus classique dans sa narration, et sans l'ironie mordante du début…
Un très bel hommage de l'auteure, plein de tendresse, à son père décédé en 2020, et à sa famille hors normes !
Hâte de lire le prochain Nothomb de la rentrée 2022, j'ai l'impression d'avoir retrouvé une vieille copine !
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Amélie Nothomb donne la parole à son père mort dernièrement.
le récit commence avant la naissance d'Amélie, avant même qu'elle ne soit conçue. Son père est jeune consul au Congo belge. Pris en otage, il se retrouve devant un peloton d'exécution. Ressorti vivant de cette épreuve, il continue à prendre la parole pour nous raconter son enfance.
Orphelin de père, sa mère le confie à ses grands-parents maternels qui le couvent et l'entourent d'affection.
Pendant les vacances, il est accueilli par son grand-père paternel, veuf et remarié, avec une volée d'enfants. Ceux qui vivent au château sont ses oncles et tantes qui ont à peut près le même âge que Patrick.
La vie au château est très dure pour les enfants car le grand-père décrit comme un homme sympathique, est avocat , poète, et ne pense pas à ramener de l'argent.
le petit Patrick aime beaucoup vivre avec cette branche de la famille très étonnante, racontée de façon très amusante.
Il grandit, étudie, commence sa carrière de diplomate, se marie, a deux enfants, la troisième n'est pas encore arrivée.
C'est à ce moment que le roman se termine, là où il avait commencé mais en prononçant une phrase qui va lui laisser la vie sauve.
Encore une très belle oeuvre d'Amélie Nothomb dont l'écriture me charme toujours autant et cette fois, elle aborde un thème très personnel.
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Comme Philippe Besson dans certains de ses livres, Amélie Nothomb écrit à la première personne. Pour son trentième roman, tel un caméléon, après avoir été Jésus, elle endosse le costume de son père Patrick, disparu récemment. Un sacré défi qu'elle relève là avec l'art qu'on lui connaît !
En ce temps de pandémie, on sait la douleur incommensurable des familles qui ont perdu un proche à cette période, privées de recueillement sur la sépulture. Ce fut le cas pour l'écrivaine.
Pour la fille orpheline, n'est-ce pas la meilleure façon de converser avec le disparu qu'elle admirait tant? La Dame au chapeau va donc dérouler la généalogie de son géniteur ainsi qu'une tranche de sa vie avant sa propre naissance jusqu'à ses débuts dans la fonction de diplomate.

Certaines situations ( souvent inconfortables) donnent l'impression de durer une éternité et ce fut le cas pour le narrateur, âgé de 28 ans dans le chapitre d'ouverture. Une entrée en matière choc, violente ! le lecteur s'interroge : qui sont ces douze exécutants qui le mettent en joue ?
Les négociations n'auraient donc pas abouti ? Quel rôle avait-il ? Qu'en est-il des autres otages ? Quelle ironie du sort, lui qui dit avoir envié à Dostoïevski cette expérience du peloton d'exécution ! Avouons que l'introduction fracassante est réussie ! Elle fait revivre les affres d'un otage survivant.
On comprend mieux le sens de cette phrase slogan du rescapé parue en citation comme teaser (1):
« Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre ». Pas évident hors contexte !

La mort rôde en embuscade et l'écrivaine de nous rappeler que « mourir est une tradition familiale » chez les Nothomb. le père du narrateur, militaire, est mort accidentellement en 1937, alors que ce dernier était encore bébé ( 8 mois). Les photos montrent un autre visage de la veuve.
Les grands-parents maternels le prennent en charge.

Des fragments de vie sont détaillés selon les âges.
A 4 ans, trop entouré d'adultes, on l'inscrit en maternelle. Il est aimé, car «  gentil et agréable ».
Pour son cadeau d'anniversaire, il pose en page, vêtu d'un « costume de velours noir avec un grand col de dentelle blanche », assis sur sa mère, dont l'élégance fascine ce portraitiste Bruxellois de renom.
.
A 6 ans, âge de l'entrée au primaire, la famille considère qu'il faut l'aguerrir. Où donc ? Chez la tribu des « barbares ! Et nous voilà embarqués avec « Paddy » au château de Pont d'Oye. Il imagine alors un château avec pont levis, mais c'était plutôt un « château faible », «  une bâtisse du dix-septième siècle dont la beauté était due à «  son emplacement, adossé à la forêt et surplombant un lac », avec «  un jardin foisonnant de rosiers sauvages ». Mais confort spartiate, surtout l'hiver.

Pour ces vacances d'été chez le baron, la grand-mère lui coupe ses anglaises. Il faut dire que pour le portrait de ses 4 ans, le photographe l'avait pris pour une fille.
Mais pourquoi sa mère refuse-t-elle de l'accompagner ? Quels souvenirs cruels y sont associés ?
Pourquoi lui glisse-t-on des friandises dans sa valise lors de ses séjours? On suit son expédition, son installation. L'autrice a le don de dispenser des indices qui créent un mystère.

On assiste à la rencontre du petit-fils avec son grand-père, le baron Pierre Nothomb pour qui « rien n'importe autant que la poésie ». Pas surprenant que Patrick en vienne à vénérer Rimbaud, le poète ardennais qui, grâce au Bateau ivre, lui a révélé le pouvoir de la poésie. « La poésie comme seul bagage, elle éclaire l'inconnu » (2). le recueil reçu en cadeau lui devient précieux, indispensable.
Puis il fait connaissance avec la tribu des enfants, « une horde de Huns », une vraie tornade, dont Donate, l'anormale. Les jeux avec ses oncles et tantes déclenchent sa vocation de gardien de but.
Pourquoi donc tient-il à revenir aux vacances parmi ces sauvages ? Sa Bonne-Maman qui le récupère dans un tel état de maigreur, en haillons, est horrifiée. Une éducation darwinienne !

Jean, l'un des 13 enfants, dévoile une autre facette du père, nourrie par la haine. Des révélations qui montrent un personnage «  égoïste, grossier ». La façon dont les repas se passent est hallucinante.
A 15 ans, il connaît ses premiers émois, la déception amoureuse, puis s'éprend de Danièle.

On suit Patrick jusqu'à ses études de droit, son mariage avec Danièle (une union qui scandalise dans ce milieu bourgeois), son premier poste de consul à Stanleyville (Congo). C'est là qu'il va devoir faire preuve de sang froid, lui qui ne supporte pas la vue du sang, quand il se retrouve otage. Un traumatisme qui justifie la scène d'ouverture. Il devient un héros, «  aux talents de Schéhérazade ». L'écrivaine livre un pan de l'Histoire du pays alors que le Congo vient d'avoir son indépendance, en 1964 et proclame président le chef de la rébellion Gbeyne.

Ce récit est si prenant que la traque du sempiternel mot « pneu » passe au second plan !

L'académicienne belge affiche son côté patriotique, avec l'hymne national «  La Brabançonne », chanté par Donate. Elle rappelle les spécialités tels les chocolats et les spéculoos sur lesquels les « sauvages, les fauves affamés » font table rase lors des visites de Patrick au château!

Amélie Nothomb aborde la question du deuil, de la résilience et du manque du père.
Elle souligne combien la beauté de la terre apparaît plus ostensiblement à celui qui va la quitter.

«  Les livres sont le territoire où les vivants et les morts peuvent se rencontrer », pour Jean-Marie Laclavetine. Comme le fit remarquer Stéphane Hoffmann, l'Académicienne belge « a de l'esprit même parlant de ses drames, et chaque roman est un set contre un adversaire infatigable », «  écrire relèverait de la purification »(3)
Certains ont peut-être écouté La Divine Comédie de l'écrivaine,(4) elle y confiait déjà son désarroi et rendait hommage à ce père tant aimé. Pour rappel, dans ce podcast, elle évoque ses souffrances passées et dévoile comment elle les a surmontées. Elle mentionne le livre qui l'a doublement sauvée, aidée à traverser l'épreuve de la mort de son père. Elle le considère comme un chef-d'oeuvre pour avoir réussi à la faire entrer dans le charme en dépit de son état de souffrance, de son chagrin incommensurable. Il s'agit de « Naissance de l'Odyssée » de Giono. Ainsi, elle a appris à apprivoiser la mort, à l'intégrer dans son existence et confie parler davantage à son père depuis sa disparition. Une légende africaine dit que les morts continuent de vivre parmi nous tant que nous parlons d'eux. D'ailleurs la baronne belge mentionne ici dans l'épilogue l'ouvrage qu'il a commis relatant cette prise d'otages, la plus grande du vingtième siècle :« Dans Stanleyville », (Kisangani).

Si Amélie Nothomb produit immanquablement un livre par an, immanquablement elle nous surprend. Après avoir été Jésus, elle se fond dans la panoplie de son père, et nous bouleverse.
Si l'écriture ne le ressuscite pas en chair et en os, elle fait sentir sa présence, entendre sa voix parmi les vivants et lui offre un tombeau de papier des plus touchants, émouvants. Transformer son père en un magnifique personnage de roman, c'est sans doute le plus beau cadeau qu'elle pouvait lui faire et dont il serait fier. Une biographie posthume qui émeut profondément et réussit à nous faire vibrer.
(1) Citation parue dans Le Figaro, tweet du 13 avril 2021. (2) Olivier Frébourg Un si beau siècle.
(3) le Figaro Magazine 21 mai 2021.
(4) La Divine Comédie d'Amélie Nothomb, documentaire audio réalisé par Laureline Amanieux, à retrouver sur Audible.fr.

Comme Baptiste Liger l'écrit dans le magazine Lire : « C'est une oeuvre riche et cohérente qu'elle construit petit à petit, à partir de ses courtes fictions ».

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Amélie Nothomb nous dresse un portrait à la fois fragile et fort, débordant d'empathie et d'admiration, de cet homme qu'on a envie de connaître tant il semble courageux quant il le faut. Elle y évoque son père, sous forme d'instantanées de vie depuis son enfance jusqu'à la prise d'otages de Stanleyville au Congo en 1964.

Alors que son père est mort quand il était tout jeune, Patrick Nothomb grandit avec une mère bourgeoise belge assez absente et est, de ce fait, élevé et choyé par ses grands-parents maternels, jusqu'à l'âge de six ans. L'estimant trop sensible et déterminés à l'endurcir, ces derniers l'envoient ensuite séjourner chez son grand-père paternel, un baron vivant dans un château des Ardennes avec une ribambelle d'enfants qui doivent se battre pour survivre.

Charmé par la culture de son grand-père, la bonté de la femme qu'il a épousé en secondes noces et la sauvagerie affamée des cinq cousins qu'il apprend à connaître, Patrick s'endurcit lors de ce séjour. S'excusant presque d'être trop raffiné et trop cultivé, il finit par suivre la voie diplomatique, et part rencontrer l'âme soeur. Son premier poste est au Congo tout juste indépendant, où jeune ambassadeur, il doit faire face a une terrible prise d'otage, alors même qu'il a subi le bouleversement de devenir père...

« Premier sang » commence comme des souvenirs d'enfance et prend petit à petit un tour à la fois intimiste et universel. Tout ce passe dans une continuité poétique entre l'enfant et le diplomate.

Avec « Premier sang » l'autrice se saisit de l'épisode sanglant de la prise d'otages au Congo qui a préfiguré l'homme aux grandes qualités diplomatiques et au sang-froid exemplaire. Un père à la carrière si riche et au tempérament si fort ne pouvait qu'être source d'inspiration. Mais au lieu de rédiger ses mémoires, la romancière belge, donne naissance à un récit court, dense en émotions et puissant en évocation intime. Au-delà de la qualité intrinsèque de ce roman d'amour filial, tissé d'intensité, de cocasseries et d'émotions teintées d'humour, c'est un témoignage d'amour. Les mots sont économes, mais emplis de force vitale. le conte n'en est pas moins réaliste. Pas de pleurs, pas de cris, mais une pensée pragmatique. le texte s'arrête même de manière abrupte, laissant la curiosité exsangue après la libération des otages...

En dévoilant cette nouvelle facette de son écriture, bouleversante de tendresse, Amélie Nothomb a charmé le novice que j'étais.

Mes prochaines lectures d'Amélie Nothomb, « Soif » et « Le crime du comte Neville ».
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Voilà un certain temps que je ne m'étais plus plongée dans la lecture d'un ouvrage d'Amélie Nothomb, autrice belge sympathique et prolifique, qui a coutume de publier chaque année un nouveau roman et d'ouvrir ainsi la rentrée littéraire. Certains m'avaient enthousiasmée d'autres, par contre, franchement déçue ou laissée indifférente. Premier sang est son trentième roman et je l'ai adoré !

C'est un ouvrage très personnel dans lequel l'écrivaine rend un hommage touchant à son père décédé un an auparavant en mars 2020. Elle s'identifie à Patrick Nothomb et le fait revivre avec sensibilité et nostalgie en prenant la parole à sa place. le roman écrit à la première personne du singulier évoque son enfance et sa jeunesse dans une famille d'aristocrates désargentés. le petit Patrick est orphelin de père et sa mère, veuve inconsolable, le délaisse préférant se tourner vers les mondanités, il est donc recueilli et choyé par des grands-parents aimants et attentifs ; ils l'élèvent dans un cocon de douceur et de tendresse, jusqu'au jours où, pour l'endurcir, ils l'envoient durant les deux mois d'été séjourner dans la famille Nothomb. Vacances à la dure, dans un vieux château délabré des Ardennes, où Pierre, le grand-père paternel, baron désargenté et poète délirant règne en maître autoritaire sur une ribambelle d'enfants issus de deux mariages qui doivent se battre pour manger et survivre. le choc est rude pour Patrick Nothomb, mais ces moments difficiles forgeront son caractère et resteront les meilleurs de son existence. Il se sentira comme embrigadé dans une tribu mais enfin intégré à une famille.

Patrick Nothomb fera son chemin, après ses études de droit à l'université de Namur et son mariage avec Danièle Scheyven, il deviendra un brillant diplomate. Il sera notamment impliqué dans la crise congolaise de 1964 et la spectaculaire prise d'otages qui durera plus de quatre mois. Avec intelligence et ténacité, c'est lui qui négociera patiemment avec les rebelles.

Amélie Nothomb revient longuement sur cet évènement dramatique qui aurait pu être fatal, d'ailleurs la scène poignante où son père (alors âgé de 28 ans) est mis en joug devant un peloton d'exécution, ouvre et clôt le roman. L'autrice décrit l'épisode de la même manière que son géniteur, avec un certain détachement, lui qui était presqu'heureux de l'avoir vécu.

On sent dans cet ouvrage autobiographique tout l'amour et le lien indéfectible qui unissaient la narratrice à son père. Patrick Nothomb est décédé le premier jour du premier confinement - mais pas du Covid-19). Les restrictions et mesures sanitaires ont hélas empêché Amélie Nothomb d'assister aux funérailles de son père et de lui dire un dernier adieu, ce qui l'a beaucoup affectée. Par ce roman intimiste, écrit avec sensibilité, élégance et humour, elle parvient à lui rendre un très bel hommage et à faire enfin son deuil. Tout cela est beau et très émouvant.

#Challenge Riquiqui 2024
#Challenge ABC 2023/2024
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Nothomb, fidèle à elle-même avec ses romans courts ou très courts, qu'on peut avoir terminé à la fin de la soirée.

C'est l'histoire de son père qui est le narrateur du livre, dans une sorte d'autofiction familiale. Et malgré la brièveté du roman, il s'en passe des choses. C'est une vie tragique, orphelin de père en fils, avec une mère indifférente et centrée sur elle-même, des vacances chez un grand-père poète, des amitiés d'école et des amours, sans compter le problème du sang… Devenu diplomate, le père sera pris en otage au Congo et placé devant le peloton d'exécution.

J'avoue avoir mieux aimé celui-ci que la série de « remake » de contes traditionnels. Une lecture que je n'hésiterais pas à conseiller, surtout si vous pouvez emprunter le livre en bibliothèque!
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! Alerte coup de coeur !

Ma vidéo : https://youtu.be/BZJUlhthMZI

Depuis "Frappe-toi le coeur" et "Les prénoms épicènes", Amélie Nothomb ne m'avait pas convaincue du tout. de ce fait, ce roman, non pas acheté le jour de sa sortie mais reçu en cadeau avec plaisir, est resté en attente de lecture jusqu'à ce que... le prix Renaudot me rappelle qu'il était à l'abandon dans ma bibliothèque !

Après ma lecture, j'estime que ce prix littéraire prestigieux est mérité.

C'est un magnifique hommage d'Amélie Nothomb à son père, Patrick Nothomb, diplomate, décédé en mars 2020.

On y retrouve une Amélie Nothomb moins déjantée, mais à la plume toujours aussi soignée, précise comme le scalpel de manière à ne nous épargner aucun détail scabreux... et à nous faire rire, bien sûr !

Avec un récit à la première personne du singulier, Amélie Nothomb fait parler son père de manière tout à fait crédible (ce qui n'était pas le cas du Christ selon moi dans "Soif"). On va découvrir que l'enfant Patrick Nothomb, délaissé par sa mère chez ses grands-parents maternels, va faire des séjours dans la famille de son défunt père pour s'endurcir. Entre autres.

Ce roman a un côté intimiste comme ceux de Philippe Besson que j'aime beaucoup.

Du coup, l'an prochain, c'est sûr, je n'attendrai plus si longtemps avant d'ouvrir le nouvel Amélie Nothomb.
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Une rentrée littéraire sans un nouveau roman d'Amelie Nothomb c'est comme un été sans soleil. Et comme chaque année, je suis au rendez-vous et ce roman m'a beaucoup plu.

Amélie se glisse dans la peau de son père pour lui rendre un très bel hommage. Elle nous raconte, a la première personne du singulier, son enfance, adolescence et ses premières années en tant que diplomate où il est pris en otage au Congo.

On parle souvent de l'humour britannique mais on oublie à quel point les Belges sont très forts dans ce domaine. Car ce roman, malgré la récente disparition de Patrick Nothomb, est truffé d'humour. On sourit et même parfois rit franchement des péripéties du jeune homme. On comprend aussi bien mieux le coté déjanté de l'auteure face a cette famille hors du commun.

Le style si particulier de l'auteure et les thèmes qui lui sont chers notamment l'enfance de Patrick tiennent une place très importante dans le livre. Elle analyse comment son père s'est forgé en tant qu'homme et diplomate et nous livrant cette enfance parfois, voir même souvent difficile.

En revanche, comme toujours le roman est beaucoup trop court. Lu en à peine deux heures, il va falloir à nouveau attendre aout 2022 pour un nouveau roman.
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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