🩸 « Il est midi, le soleil dessine une lumière intransigeante, l'air distille des odeurs affolantes de végétation, je suis jeune et plein de santé, c'est trop bête de mourir, pas maintenant. Surtout ne pas prononcer de paroles historiques, je rêve de silence. le bruit des détonations qui vont me massacres déplaira à mes oreilles. »
(P.10-11)
🩸On l'a conduit devant le peloton d'exécution. Seul face à ses bourreaux, Patrick voit défiler sa vie devant lui, son enfance, son adolescence, sa mère, le château, l'histoire, Son histoire. Alors qu'il a mené lors des dernières semaines une guerre de palabres sans fin, alors qu'il a discouru, raisonné, alors qu'il a cru convaincre ou persuader, le voilà face à son échec, face à sa mort. Une vie s'en va, faite de joies et de colères, de rebondissements, d'étonnement et de rencontres, d'amour enfin. de découvertes et de surprises, aussi.
🩸Face à une fin qui lui paraît inéluctable, Patrick replonge dans ses souvenirs, les plus doux et les plus violents, ceux de l'enfance (thème si cher à notre Amélie) au goût doux-amer, oscillant entre le rejet de la mère et l'amour inconditionnel des grands-parents maternels, ceux du premier été au château du grand-père paternel dans les Ardennes belges, entre rébellion et liberté, camaraderie et rivalité, poésie et lectures. Il y aussi l'absence d'un père décédé, les premières amours et les premiers bagarres et cette découverte terrifiante : le refus du corps de voir le sang, l'évanouissement face aux corps meurtris. Une étrange anomalie, une défaillance plutôt qu'une faiblesse : dès cette découverte, Patrick se battra plus qu'un autre et aura un destin hors du commun, guidé par le génie de la dialectique. Jusqu'à ce dernier jour…
🩸L'année dernière, Amélie perdait son père, sans pouvoir lui dire adieu.
Patrick Nothomb nous quittait le 17 mars 2020. Dans
Premier Sang, Amélie lui rend hommage en prenant la parole à la première personne. Dès les premières pages, j'ai ressenti une atmosphère et une émotion que je n'avais jamais eues auparavant, une distance et un cynisme absents, une sensibilité plus prononcée. Ce roman est différent des autres, à l'intérieur frémit une douceur déchirante, une admiration pudique. Il est une merveilleuse déclaration d'amour, un témoignage à jamais couché sur le papier, la meilleure biographie possible.