Ouff, le puissant petit uppercut que voilà…
Joyce Carol Oates aime la boxe et ça se voit, à nos dépends pauvre lecteur !
Je dois être un peu maso car j'ai absolument tout aimé de cette claque bien sentie et je tend volontiers l'autre joue.
Le 5 juillet 1996, quelques heures à peine après les festivités du 4 juillet, dans le hangar à bateaux du parc de Rocky Point, la police découvre le
corps agonisant de Tina Maguire.
Attirée dans un guet-apens alors qu'elle rentrait chez elle à pieds avec sa fille de douze ans, par une bande de jeunes hommes ivres et visiblement drogués, elle est insultée, battue, violée et laissée pour morte sur le sol froid et sale du hangar. A l'autre bout du bâtiment, terrée sous une pile de canoës où elle réussit à se cacher, sa fille Bethie a tout entendu.
Mais la parole d'une fille de douze ans aura t'elle un poids suffisant face à la plaidoirie de Kirkpatrick, l'avocat star dépêché par les familles des violeurs ?
Quand elle entend les premières rumeurs, chuchotées dans le dos de sa mère, cette «sale pute qui l'a bien cherché », elle comprend que non.
Voici la vérité terrible des procès pour viol : c'est à la victime (encore faut-il qu'elle soit «en état » de le faire…) de produire les preuves de son non consentement, de prouver qu'elle est bien une victime. le monde à l'envers pensez-vous ? Pourtant, le cas Tina Maguire est décrit avec une lucidité édifiante : face à un juge visiblement plus préoccupé par les retombées politiques de l'affaire, face aux rumeurs et aux insultes des amis bien plus nombreux dans le camp adverse, face au mépris d'une justice qui ne protège pas, face à l'humiliation d'une exposition médiatique forcée, les deux femmes ne peuvent rien.
Cette triste réalité que JCO dénonce ici avec brio n'est malheureusement pas l'apanage d'une certaine Amérique.
C'est, au contraire, l'universalité de son propos qui frappe le lecteur. J'ai eu en tête tout au long du livre l'histoire de la «Manada », ce fait divers sordide arrivé pendant les fêtes de la Saint Fermin à Pampelune en Espagne. Ceux qu'on a surnommés «La meute », avaient violé en réunion une jeune femme, mais c'est son procès à elle qui a parut se tenir à l'époque, avant de soulever les foules jusqu'à faire changer la loi, en faveur des victimes. (Grâce notamment à la très forte mobilisation sur les réseaux sociaux avec le hashtag #yositecreo)
Malheureusement ici pas de soulèvement populaire pour la pauvre Tina qui peinera à se remettre de ses blessures, physiques et morales. Une vie gâchée, condamnée à la peur. A moins que la violence, omniprésente, ne change de camps…
Une lecture en apnée, courte mais percutante, qui m'a passionné.
Ne vous fiez pas à sa taille, c'est du grand Joyce carol Oates.