Je dirai malgré tout que cette vie fut belle/Jean d'Ormesson de l'
Académie Française.
Ce titre étrange est la reprise d'un vers d'
Aragon, poète que l'auteur affectionne particulièrement.
C'est à une évocation de son passé, de son enfance en Bavière et puis de ses rencontres et de ses interrogations que se livre dans ce récit intéressant
Jean d'Ormesson.
Ce ne sont pas seulement des souvenirs de jeunesse ou de l'âge mûr, ce sont également des retours sur les grandes questions abordées déjà dans d'autres ouvrages de l'écrivain :
« J'ai passé une moitié de mon enfance dans des châteaux de famille (Saint Fargeau) et l'autre moitié soue les lambris dorés des
salons de la République dans les pays étrangers. »
La nature épicurienne de l'auteur transparait bien dans ces lignes, sybarite et voyageur à l'oeil curieux et inquisiteur :
Citant
Ronsard :
« Aimons donc bel et beau
Baisons tout à notre aise
Puisque plus on ne baise
Par delà du tombeau. »
Pour la forme, avec habileté mais toutefois de façon un peu artificielle,
Jean d'Ormesson a choisi de recréer les conditions d'un procès contre lui même pour répondre aux questions. Juge et accusé, il nous livre da façon insidieuse des Mémoires qu'il le veuille ou non :
« Si j'écrivais mes Mémoires, ils seraient un roman. Je me souviens du passé avec désinvolture. Je prépare l'avenir avec une sorte de nonchalance. Je ne vis que dans le présent. »
Il aborde avec brillance et passion ses thèmes favoris à savoir la famille (noblesse de robe), les lectures qui ont bercé et éclairé sa vie, ses rencontres de personnages connus de tous (Greta Garbo,
Georges Pompidou, le Général de Gaulle,
Marlène Dietrich, Mitterand,
Michel Déon,
Romain Gary, etc…), la littérature (
Voltaire,
Diderot,
Proust, Valéry, ses idoles), ses voyages et ses aventures de journaliste.
Son amour de la langue française est son oxygène et c'est avec ferveur qu'il s'en fait le défenseur :
« Tout le monde en 1933 parlait notre langue à Bucarest ».
« Une langue qui faiblit, c'est un pays qui vacille. »
Un livre riche d'anecdotes souvent pleines d'humour.
Jean d'Ormesson fut le plus jeune académicien en son temps et aujourd'hui il en est le doyen, âgé de plus de 90 ans.
Toujours le sens de la formule chez
Jean d'Ormesson qui parle longuement de l'
Académie Française :
« le comité de lecture de Gallimard m'a beaucoup plus intimidé que l'
Académie Française. D'un côté, une institution ; de l'autre, une légende. »
« …Elle a contribué sans aucun doute à l'éclat de notre culture et sa renommée... »
Quelques bons mots et citations :
« Une limite à la tolérance : l'intolérance ! »
« Aux Etats-Unis, avec une goutte de sans noir, vous étiez noir ; au Brésil, avec une goutte de sang blanc, vous étiez blanc. »
« le progrès, si merveilleux, si recherché à bon droit, est une formidable machine à engendrer le bien et à multiplier le mal. Les hommes vivent plus longtemps. D'une certaine façon qu'il est difficile de contester, ils vivent de mieux en mieux. Et d'une certaine façon encore, ils vivent de moins en moins heureux. »
Citant
Proust :
« J'appelle ici l'amour une torture réciproque. »
Il semble que
Jean d'Ormesson ait voulu tout au long de sa vie faire de cette citation une sorte de d'armure.
Sans illusion mais succombant parfois, souvent même.