Je veux tenter de retenir quelques éléments de définition du numineux tel que le qualifie
Rudolf Otto. le mysterium tremendum dans un premier temps, autrement nommé « le mystère qui fait frissonner » ou l'effroi mystique, la « frayeur de Dieu » largement relayée par l'Ancien Testament notamment. le mystère est aussi le « tout autre ». En tête de chapitre,
Rudolf Otto cite sur ce point Tersteegen : « Un dieu compris n'est pas un dieu ».
La majestas ensuite, l'absolue supériorité de puissance. Et l'énergie finalement : « il se fait sentir d'une manière particulièrement vive dans l'orgè ; c'est à lui que se rapportent les expressions symboliques de vie, de passion, de sensibilité, de volonté, de force, de mouvement, d'excitation, d'impulsion » .
A ces trois éléments qui relèvent de la forme du numineux,
Rudolf Otto y ajoute comme qualificatif le fascinant, fascinans. Autrement dit,
le sacré effraye et fascine à la fois.Une autre caractéristique est « l'énorme », au sens d'épouvantable ou sinistre, maléfique et imposant, puissant et étrange, surprenant et admirable, donnant le frisson et fascinant, divin et démoniaque, et « énergique ». Pour chacune de ces caractéristiques,
Rudolf Otto s'appuie sur les textes bibliques et sur les philosophes qui l'ont précédé, de
Sophocle à Schleiermacher.
Je ne note rien de la suite de l'essai, je n'en ai rien retenu mis à part un court chapitre sur la manifestation du sacré dans l'art, qui se caractérise alors par le sublime et le grandiose, le geste noble, dont le sentiment du solennel existe depuis l'érection des premiers mégalithes (premières oeuvres architecturales).
Rudolf Otto souligne que l'on utilise volontiers le terme de « magique » pour certaines oeuvres d'arts décoratifs notamment. le numineux s'associe alors parfois au sublime et dépasse le magique – l'auteur prend pour exemple des statues du Bouddha, la peinture paysagiste et la peinture sacrée des dynasties Tang et Sung en Chine, le gothique en Occident.
Selon
Rudolf Otto, l'art est un moyen indirect d'accéder au sacré. En Occident, les deux moyens d'accès directs au sacré sont l'obscurité et le silence. R. Otto cite ensuite le vide spacieux (le désert) comme moyen d'accès direct au sacré, et se réfère à l'architecture et à la peinture chinoises qui savent laisser place au vide dans leurs oeuvres.
L'auteur s'attache ensuite à la musique et souligne que l'élément musical le plus sacré est le silence absolu et prolongé. Il est difficile de ne pas noter le parti pris de
Rudolf Otto à la fois dans ses exemples d'art sacré – il ne justifie pas vraiment ce qui distingue la présence du sacré du goût personnel, mis à part le sentiment intime (et inexprimable) qui en résulte. Et surtout à maintes reprises dans l'ouvrage, le christianisme est explicitement cité comme la religion spirituellement supérieure à toutes les autres. Pour un homme qui a consacré sa vie à travailler en parallèle sur les religions asiatiques et occidentales – il a publié par ailleurs
Mystique d'Orient et mystique d'Occident – cette apologie chrétienne a eu tendance à m'agacer. L'auteur tient là son rôle de théologien luthérien du début du XXème siècle.