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sur 242 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Chaudement recommandé par Jo Walton (Mes Vrais Enfants, Morwenna…) aux dernières Imaginales, Terra Ignota est l'oeuvre d'Ada Palmer, écrivaine américaine encore inconnue chez nous. Historienne et enseignante à l'université de Chicago, Palmer se lance dans l'écriture en 2016 avec son premier roman : Trop Semblable à l'Éclair. Immédiatement acclamée par la critique spécialisée Outre-Atlantique, l'oeuvre d'Ada Palmer est même nommée au prestigieux prix Hugo. Pensée comme une quadrilogie (les volumes marchant par paires), Terra Ignota continue avec Sept Redditions et La Volonté de se battre…en attendant l'ultime opus toujours en cours d'écriture.
Encensé par Jo Walton donc mais également par Robert Charles Wilson (Spin, Axis…) et Cory Doctorow, Trop Semblable à l'Éclair fera l'objet d'une traduction aux éditions du Bélial l'année prochaine en simultané du seconde volume, Sept Redditions.
Et si quelques blogueurs commencent déjà à promouvoir le livre en France, ce n'est pas pour rien…

Pour expliquer l'enthousiasme engendré par la lecture de Trop Semblable à l'Éclair, il est nécessaire d'expliquer en quoi le roman d'Ada Palmer se permet toutes les audaces. Pour bien comprendre cela, commençons par situer l'action elle-même.
Nous sommes en 2454 et le monde tel que nous le connaissons a changé. Beaucoup changé. de son propre aveu, Ada Palmer voulait nous faire visiter un monde qui nous serait aussi étranger que le nôtre à un individu vivant à l'époque de la Renaissance. Ainsi, Trop Semblable à l'Éclair rebat entièrement les cartes socio-politico-religieuses du XXIème siècle.
A l'origine de ces changements, une idée simple mais aux implications formidablement exploitées : la voiture volante.
Au XXVème siècle, la voiture volante existe et s'est imposée comme l'unique moyen de transport de par le monde. Ôtez-vous immédiatement le Cinquième Élément de la tête, la voiture volante de Trop Semblable à l'Éclair est un véhicule autonome (ou presque, nous y reviendrons) et qui file à des vitesses considérables. Il est désormais possible de traverser le globe en quelques heures et de se retrouver en Asie ou en Océanie avec une facilité déconcertante.

Cette révolution a eu des conséquences tout à fait inattendues. En supprimant le paramètre distance, la voiture volante a rendu la nation obsolète. Les hommes ont donc abandonné leur territorialité pour se réorganiser en Hives (Ruches) qui regroupent les individus non plus par origine géographique mais par affinités sociales, politiques, philosophiques ou culturelles. Il existe sept grandes Hives et chacune dispose de son système de loi, de ses habits traditionnels et de son système politique propre. Les Mitsubishi, par exemple, regroupent les pays asiatiques en un consortium géant qui a la main-mise sur la plupart des propriétés de la planète. Dirigé par Ando Mitsubishi, le Chief Director (Directeur Général), mais aussi par un comité de neuf autres dirigeants issus de la Chine, de la Corée, de l'Inde et du Japon. Autre exemple, les MASONs regroupés autour d'un Empereur tout-puissant, Cornel MASON et qui ont émergé des mythiques loges maçonniques que l'on croyait fantasmées. Ainsi, lorsque l'on devient adulte, il est possible de choisir quelle sera la Hive que l'on rejoindra. La nation s'effondrant, les hommes se sont rapidement réfugiés dans la religion, provoquant les Church Wars (Les guerres ecclésiastiques) qui ont coûté la vie à des millions de personnes. Pour enrayer le fanatisme, les Hives ont interdit la religion…ou pour être plus exact, le prosélytisme religieux.
En soi, il n'est pas interdit en 2454 de parler de religieux mais en parler avec plus de deux personnes devient un crime. Pour guider l'homme sur le chemin de la spiritualité, la société dispose de sensayers (du mot japonais sensei, maître-enseignant) qui sont attribués aux individus et dissertent avec eux en entretien privé sur les questions de mortalité et de spiritualité. Plus aucune religion n'est mise en avant, elles forment désormais une sorte de menu dans lequel on pioche ce que l'on désire. Forcément, avec de telles révolutions, l'entité fondatrice qu'est la famille a disparu également ou, du moins, s'est adaptée. Plus de famille donc mais des Bash'es où l'on se regroupe par affinités intellectuelles ou par filiation amicale ou amoureuse. Les Bash'es sont en réalité la transcription des Hives à l'échelle de la cellule familiale. On peut donc désormais avoir des enfants et des enfants de Ba (Ba'kids), les premiers de sang, les seconds de coeur (ou presque). Voilà quelques-uns des changements les plus notables envisagés par Ada Palmer, et encore ne s'agit-il ici que de vous expliquer la partie émergée de l'iceberg. C'est en effet le worldbuilding de l'américaine qui laisse bouche bée. Non seulement l'audace de ses idées éclabousse le lecteur de la première à la dernière page, mais elle arrive de plus à sous-tendre le tout par une histoire passionnante et pleine de rebondissements.

Revenons-en à l'origine.
Trop Semblable à l'Éclair prend place dans cette société utopique de 2454 et suit deux intrigues en parallèle.
Tout d'abord celle d'un vol dans l'un des journaux les plus populaires de la planète : le Black Sakura. Chacun des journaux distribués de par le monde édite une liste des personnes les plus influentes de l'année appelée Seven-Ten Lists. Celle du Black Sakura se voit dérobée et abandonnée dans l'un des Bash'es les plus importants de la planète, celui de la famille Saneer-Weeksbooth. Pourquoi sont-ils importants ? Parce que les membres de cette famille contrôlent le réseau des voitures volantes qui sillonnent le globe et sans eux, il faudrait se reposer sur le système de transport des Utopiens, une autre Hive capitale. Dès lors, difficile de croire que le vol de la Seven-Ten Lists ainsi que les secrets qui l'entourent ne soient qu'une coïncidence.
Pour enquêter sur cette affaire, l'empereur Cornel MASON diligente un homme de confiance, Martin Guildbreaker, qui va devoir fouiller dans les affaires de la famille Saneer-Weeksbooth.
A côté de cette affaire de premier plan, le roman s'ouvre sur l'arrivée d'un nouveau sensayer au Bash' Saneer-Weeksbooth : Carlyle Foster. le lecteur découvre avec lui l'existence d'un petit garçon de treize ans, Bridger, qui dispose d'un pouvoir extraordinaire : celui de donner vie à des choses inanimées. Un enfant unique gardé par Thisbe, le Major et Mycroft Canner.
L'histoire toute entière est d'ailleurs celle de ce dernier. le narrateur de Too Like the Lightning, c'est lui, Mycroft Canner, un condamné au Service. Car au XXVème siècle, les criminels sont punis selon un système d'esclavage social qui fait que lorsque l'on est reconnu coupable d'un méfait, on devient un outil pour la société. Mycroft doit donc se mettre au service des uns et des autres pour pouvoir se nourrir ou dormir. On constate rapidement que Canner est au centre d'une affaire aussi lugubre que terrifiante et qu'il entretient des liens indiscutables avec les plus puissants dirigeants de la planète. Mycroft s'avère aussi un personnage malicieux qui prend un malin plaisir à briser le quatrième mur pour s'adresser directement au lecteur, quitte à utiliser des tirades théâtrales pour arriver à ses fins (le théâtre occupant d'ailleurs une large place dans le roman).

Voila, en substance ce que renferme Trop Semblable à l'Éclair. Et encore ne vous-a-t-on pas parler des set-sets (des enfants élevés pour devenir des ordinateurs vivants), des poupées de Sniper, de l'absence de genre féminin ou masculin, des immenses déchetteries qui parsèment le globe, de la maison close de Madame ou encore de la terraformation de Mars par les Utopiens. Trop Semblable à l'Éclair est d'une telle foisonnance qu'il en devient d'une complexité remarquable. Il faut s'accrocher pour pénétrer dans l'univers d'Ada Palmer mais la récompense au bout n'est pas loin d'être extraordinaire tant le potentiel de l'univers semble sans limite.
Plus important encore, Trop Semblable à l'Éclair est une science-fiction philosophique de haut vol qui emploie un univers futuriste pour parler de façon ludique et passionnante du siècle des Lumières et des grands Philosophes. En effet, pour remplacer le religieux, la société de 2454 a tout misé sur les philosophes de Lumières qui sont devenus les nouveaux symboles de cette époque. Maligne, Ada Palmer en profite pour parler au lecteur de Diderot, Rousseau, Voltaire, Carlyle, d'Aquin et même de Sade. Non seulement elle le fait en évitant tous les pièges scolaires que sous-entend une telle démarche mais elle transmet par la même occasion sa passion pour ces écrivains célèbres d'un autre âge. Mieux encore, elle arrive à expliquer leurs oeuvres en transposant leur essence dans certains passages du roman. Prenons pour exemple la conversation qui se déroule dans la maison de Madame entre les diverses puissances ou encore par l'échange torride entre Dominic et Julia.
Le tout en ne gâchant rien d'une intrigue dense et pleine de surprises. On ne peut évidemment pas s'empêcher de louer le sens du suspense d'Ada Palmer qui surprend jusqu'au bout. Il faut également saluer sa façon de construire des personnages et des luttes de pouvoirs qui n'ont rien à envier à un Game of Thrones. A ce titre, J.E.D.D MASON fait office de maître étalon. Considéré comme un Dieu dans une époque agnostique, aussi mystérieux qu'effrayant, il reste l'une des trouvailles les plus exquises du récit avec Mycroft Canner. Voici un roman qui parle des Lumières et de philosophie, qui se risque à l'utopie et aux imbroglios politiques…et qui nous offre un meurtrier en guise de narrateur.
Oui, Ada Palmer ose tout. Et c'est pour ça que Trop Semblable à l'Éclair retourne le lecteur.

En l'état, Trop Semblable à l'Éclair est une promesse.
Pensé comme le premier opus d'un dyptique (qu'il forme avec Sept redditions), le roman pose une myriade de questions, donne quelques pistes au lecteur…mais laisse tout le reste en suspens. Ada Palmer se doit donc de tenir toutes ses promesses avec la suite pour que son récit soit pleinement convaincant.
Pourtant, inutile de tergiverser, ce premier opus de la série Terra Ignota est un coup de génie au worldbuilding fabuleux, à l'érudition vertigineuse et à l'audace de tous les instants.
Une entrée en matière éblouissante.
Lien : https://justaword.fr/too-lik..
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Terra ignota d'Ada Palmer est une une saga littéraire en 5 tomes. C'est une série à la construction la plus impressionnante que j'ai lu ses dernières années
« Terra Ignota » est un texte exigeant et peut-être même plus que ça ! Terre Inconnues est sans doute l'un des projets littéraires les plus ambitieux que la science-fiction moderne ait produit. Plus de 2800 pages de pure fiction mélangeant tous les genres de la littératures de l'imaginaire…
Mais alors que nous raconte « Trop semblable à l'éclair« , le premier opus de cette incroyable saga :
2454. Les Etats et les religions n'existent plus. Sept factions régissent l'humanité, en s'appuyant sur la censure, l'analyse statistique et la technologie. Mycroft Canner, condamné à la servitude pour des crimes terribles, appartient à l'une d'entre elles. En enquêtant sur un vol, il se trouve confronté à un garçon de 13 ans doté d'incroyables pouvoirs.
On est ici quelque part entre Dune et Hypérion, avec en filigrane la philosophie des Lumières où l'humaniste vise à promouvoir la tolérance, la liberté et l'amour de l'humanité.. Mais aussi une envie radicale que l'humanité change pour le bien de tout et un effroi insoutenable quand on s'aperçoit que l'utopie n'est pas possible? Comme si l'action funeste des astres (la sidération) nous poussaient à l'anéantissement totale.
Bref une lecture où il faut s'accrocher sans cesse pour me pas lâcher et qui en même temps, est totalement addictive, comme si on ne pouvait pas lâcher, justement, l'imbrication des phrases et des idées qu'elles véhiculent.
Ici l'amour de l'Humanité est la valeur fondamentale et la foi en l'Homme va de paire Car ici aussi on espère rendre l'Humanité meilleure grâce à la diffusion des savoirs.
L'auteur nous propose aussi une réflexion politique dans but de créer une société idéale à l'instar de la république de Platon où d'un Thomas More qui dans son Utopie , appelle à réformer la politique contemporaine en mettant en scène de nombreux personnages faisant société sur une île fictive. Ici de nouvelles planètes pour tout reconstruire et repartir de zéro et où on prône le pacifisme. Bien sur il y a l'épineuse question religieuse, ici toutes les religions doivent mettre en avant l'importance de la tolérance, avec un seul voeux pieux : une véritable renaissance spirituelle.
L'auteur nous entraine dans une histoire folle et nous oblige à revoir nos certitudes et nos points de vue avec à la clé des questionnements politiques , éthiques voire moraux, et surtout sociétaux et sociaux .
Je vous le disait, terra ignora est complexe car à la fois une utopie et une dystopie….
De plus une fois que l'on a lu les les 650 pages de « Trop semblable à l'éclair« , il faut impérativement poursuivre avec les 530 pages de « Sept redditions« , car il semblerait que ces deux opus de la série soient indissociables car la saga marche par paire pour ces 4 premiers volumes.
Mais n'ayez ni peur de la complexité de cette oeuvre, ni de sa difficulté à enter dans l'histoire, car une fois commencer, on n'arrive plus à s'arrêter.
Il faut dire qu'un bouquin de SF encensé par Robert Charles Wilson que j'aime beaucoup et surtout par Jo Walton que j'adore, ne peut-être qu'une oeuvre magistrale !
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(chronique plus complète sur le blog)

Un premier tome brillant dans un univers riche et complexe. J'ai adoré, c'est facilement ma meilleure lecture de l'année à cette date.

Pour résumer sans trop vous donner de détails je dirais que ce livre raconte, via de nombreux chemins différents, comment un système utopique qui semble limite parfait sur le papier peut être totalement déstabilisé par le plus petit élément insignifiant qui va le faire s'écrouler.
Ce premier tome est en fait une façon de nous représenter ce qui était, le monde utopique dans lequel commence l'histoire et de nous introduire l'élément perturbateur.

C'est un récit qui se passe dans les 25ième siècle et dont la trame principale commence par une enquête sur un vol. Il se révèle politique, philosophique et très intellectuel certaines fois mais dans le bon sens du terme. On peut ressortir un amour pour le Siècle des Lumières et les références historiques sur l'époque sont très nombreuses, mélangé à un futur très visuel ce qui donne un mélange détonant et mais vraiment fantastique.

Ce n'est pas la seule période historique qui est présente bien sur car il semble que nos descendants dans le futur sont fascinés par le passé et reproduisent - en les améliorant - les faits historiques. Ainsi on retrouve par exemple l'équivalent de l'empire romain antique, les Masons qui appellent leur dirigeant désigné à vie Caesar et qui ont réintégré un latin simplifié (sans déclinaisons) comme langue officielle.

*****
Pour l'instant vous ne devez pas trop comprendre grand chose à ce monde mais c'est un des éléments les plus marquants du livre !

La première information importante est de savoir qu'on est dans un monde utopique ou plus personne ne meurt de faim, tout est abondant, régulé technologiquement parlant. On en a terminé avec les pollutions, les injustices, les gens ne sont même plus obligés de travailler si ils ne le souhaitent pas (bien que ça reste théorique, une personne sans apport ne sera pas accepté dans une Hive et donc devra travailler pour vivre).

En fait dans ce monde les Pays physiques en tant que Nations ont disparu. Il n'existent plus que théoriquement parce qu'on ne peux pas non plus totalement effacer ce qui a été la règle pendant des millénaires et le sentiment patriotique d'appartenance à une région que peuvent avoir certaines personnes. du coup les gens portent des brassards ou des pins (et autres décorations) pour montrer d'où ils viennent.

A leur place sont apparu ce qu'on appelle des Hives (ou Ruches en français) qui sont des rassemblements de personnes sur un point commun. Les gens se groupent donc de par leurs convictions, leurs envies (et peuvent en changer quand ils le souhaitent, sur le papier), ou simplement par tradition familiale.

Et dans tout ça ce qui prévaut dans ce monde est la liberté d'être ce qu'on souhaite, d'habiter ou on souhaite, avec qui on souhaite. Les genres ont été abolis aussi, désormais on ne devra désigner une personne que par le neutre. En fait le narrateur n'est pas très bon pour ça du coup il nous donne sa propre interprétation du sexe de la personne qu'il rencontre, même si souvent on fini par comprendre que ce n'est pas forcement la vérité.

Je dirais juste que c'était totalement fascinant de découvrir tout ça. J'ai trouvé cet univers mélange de technologie, de futur "parfait" et d'une grosse dose de passé vraiment très visuel, ça donne totalement un effet "waou" très fort durant toute la lecture.

*****
Ce que j'ai aussi vraiment apprécié dans ce livre se sont les personnages. Mais en fait je dirais même qu'ils sont plus des Personnages. On voyage vraiment au coeur du pouvoir de ce monde pour cette enquête et donc tous les personnages qu'on croise sont très importants et ont de fortes personnalités.

La narrateur est Mycroft Canner, un condamné au service public à perpétué, car il a commis un crime et n'a plus le droit de posséder de biens physiques. La règle pour ce genre de personnes est qu'une demi journée de travail équivaut à un repas gratuit et c'est la seule chose qu'on a le droit de leur donner.
Il raconte donc l'histoire car il a été en son centre. On suis donc ses propres rencontres ainsi que celles qu'il a pu reconstituer via des témoignages ou des enregistrements.

C'est vraiment un sacré personnage ce Mycroft. Au début on a du mal à le cerner mais il semble si doux, si effacé et en même temps si brillant. On se demande bien comment il a pu être condamné et pourquoi. Il a beau n'être personne, il a des liens et la confiance de toutes les Hives et même au plus haut niveau. du coup durant tout le livre il est un peu l'homme derrière le pouvoir, il rend des comptes à tous les dirigeants au fur et à mesure que son enquête avance.

*****
Le livre est en fait un récit des événements après coup, racontés par une personne chargée de compiler tous les éléments comme une mémoire pour le futur.
Cette structure donne aussi un élément de narration qu'on n'a pas trop l'habitude de voir à savoir que le narrateur est souvent interrompu dans son récit par un être appelé lecteur qui demande des précisions ou qui le remet sur les rails quand ils s'égare un peu. Comme si le récit était raconté en direct à un témoin au moment ou il le compile. Mais du coup le narrateur ne se gêne pas pour souvent s'adresser à tout ses lecteurs, à nous poser des questions, à nous interpeller sur des points, etc ...

Pour ce qui est du rythme, ne vous attendez pas à une histoire rapide. Il faut du temps pour commencer à voir la situation dans son ensemble, à faire en sorte qu'on comprenne le monde dans toute sa profondeur.
Surtout c'est un livre que j'ai mis très longtemps à terminer. Pour moi qui ai tendance à dévorer mes livres, surtout quand ils me fascinent, ici je n'ai pas pu le faire.

Mais finalement on s'y fait et je n'ai pas trouvé le style d'écriture particulièrement difficile en soi.

C'est surtout le fait de combiner ça au coté totalement différent et à l'imagination qu'il faut pour se représenter et comprendre ce monde qui est difficile et qui rend la lecture particulièrement exigeante.

Conclusion :
Finalement je dirais que c'est une lecture formidablement marquante.

C'est un livre ou chaque chapitre est différent et nous apporte une nouvelle couche à l'intrigue ou au monde. (il y a même un chapitre entièrement en latin ! - avec la traduction). On trouve de tout dedans et c'est limite jouissif à certains moments, bizarre et fascinant en même temps.

Ce patchwork pourra plaire à un grand nombre de personnes de l'amateur de romans historiques ou philosophiques, celui qui aime les romans de type enquête, à celui qui recherche une intrigue et un monde complexe et différent de science fiction.

C'est une lecture exigeante sur plein de points mais elle en vaut vraiment le coup !

Je ne dirais qu'une seule chose : ce livre sors normalement en 2019 en français (Le Belial' à acheté les droits), jetez vous dessus.

18/20
Lien : http://delivreenlivres.blogs..
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On va faire simple, pour moi ce premier tome de Terra Ignota est un coup de coeur. Mais étrangement plus j'essaye de faire une chronique structurée plus j'ai un mal fou à ordonner mes idées tellement ce livre est dense et riche. Je vais donc mettre tout ça un peu en vrac. Tout concourt à avoir le cerveau en ébullition.
- L'univers qu'a construit Ada Palmer, vient questionner nos idées sur la famille (on oublie la famille mononucléaire), les nations (y appartenir devient un choix), la religion (interdit d'en parler à plus de deux), les sciences (les immuables, les Utopistes), la justice et la gestion des prisons (servir la société pour expier) le genre (il ou elle ont disparu, enfin sauf pour le narrateur qui pense nous aider en les employant de temps en temps). Tout ça n'est qu'une partie de l'iceberg à vous de découvrir le reste, mais tout est cohérent, logique, même dans les déviances, rien n'est du au hasard. On pense être dans une sorte d'utopie au début et plus l'histoire avance plus nos douces illusions de monde parfait disparaissent.
- La forme aussi est multiple et parfois déroutante, le personnage principal, Mycroft Canner brisant dès le début le quatrième mur en s'adressant au lecteur. Mais on en vient vite à se demander si c'est vraiment à nous qu'il s'adresse réellement. Des chapitres entiers prennent la forme de pièces de théâtre. le vieux français fait aussi des apparitions.
- Les personnages sont tous ciselés à la perfection, des hautes sphères du pouvoir (tous plus beaux les uns que les autres, merci la génétique) aux immuables (ordinateurs humains aux capacités de calcul inimaginables) les caractères sont marqués et finement travaillés. Mycroft, Dominic, Jehovah, Sniper, Saladin, Martin, Bridget tous vont rester un long moment dans ma mémoire.
- Même si j'ai été parfois perdu par un manque évident de culture du 18ème siècle et de certains concepts philosophiques (merci Wiki) j'ai aimé l'équilibre qu'a trouvé l'autrice entre cette période et les années 2400. On se demande au début ce que ça vient faire là mais pas d'inquiétude, explication il y a.
- Et au milieu de tout ça une enquête qui se complexifie de page en page (le dernier chapitre m'a tellement donné envie d'avoir la suite entre les mains). L'intrigue principale/secondaire (je ne sais pas trop où placer l'histoire de Bridget) qui devient de plus en plus sombre. L'histoire et l'univers s'assombrissent au fil de la lecture, le malaise s'infiltre en nous, les masques tombent de tout côtés, la forêt aux belles couleurs et à la belle lumière se transforme, plus on avance en son coeur, en marais putride, humide et malodorant. Il faut quand même reconnaitre que l'histoire n'avance pas très vite et que les amateurs de rythme effréné risquent d'être frustrés.

Pour résumer une lecture exigeante qui je pense divisera le lectorat mais qui pour moi est une réussite totale dont j'attends la suite avec envie et impatience. Merci Ada Palmer.
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Terra Ignota est une quadrilogie de romans de science-fiction de l'écrivaine américaine Ada Palmer, historienne de formation. Elle y explore le futur de l'humanité à partir des transformations profondes qu'ont provoqué les bouleversements sociaux-politiques et les inventions techniques, technologiques et scientifiques.
Un titre général qui intéresse mon côté latiniste ; « ignota » peut signifier inconnue, méconnue, ignorée et même pardonnée… Vaste programme !

Je ne connaissais pas cette autrice et appréhendais un peu de me plonger dans un univers qui s'annonce dense, les trois opus actuellement traduits en français avoisinant ou dépassant les 600 pages…

Je découvre le livre premier, Trop semblable à l'éclair, grâce à NetGalley dans la version audio lue par Benjamin Jungers, un narrateur que j'ai déjà eu l'occasion d'apprécier.
Embarquement pour plus de vingt heures d'écoute ! Une audio-lecture que j'ai fractionnée de mi-juillet à fin août 2022.

Nous voilà projetés en 2454.
L'organisation de la société a de quoi nous surprendre : dix milliards d'êtres humains se répartissent par affinités, autour de concepts rattachés à des notions primordiales de paix, de prospérité et d'abondance, au sein de sept Ruches aux ambitions distinctes et aux ambiances variées.
Ce XXVème siècle s'inspire directement de l'époque des Lumières et plonge de nombreuses racines dans le XVIIIème siècle européen tel que nous l'avons étudié, sur le plan littéraire, artistique, utopiste.
Un étrange personnage sert de fil rouge à l'ensemble du récit : Mycroft Canner, vraisemblablement coupable de crimes atroces, condamné à une servitude perpétuelle mais confident des puissants. Il enquête sur le vol d'un document crucial, la liste des dix principaux influenceurs mondiaux, dont la publication annuelle ajuste les rapports de force entre les Ruches ; Mycroft assure aussi la protection d'un enfant aux pouvoirs uniques, quasi divins.

Un récit foisonnant, protéiforme…
Un intertextalité et un univers référentiel d'une immense richesse…
Un travail intéressant sur le langage, sur le genre…

Si je reconnais avoir eu un peu de mal à entrer dans cette histoire, m'y être souvent perdue, ne pas avoir tout saisi, j'avoue aussi avoir adoré l'ambiance, l'écriture et ne m'être jamais ennuyée.
L'autrice, consciente de la longueur de son récit et du risque de perdre ses lecteurs en route, les fait apostropher souvent par son narrateur pour les impliquer dans son histoire. Cela fonctionne admirablement.

Pour une fois, le choix de la version audio m'a laissé insatisfaite, frustrée car, même si je n'ai absolument rien à reprocher à Benjamin Jungers qui se tire admirablement bien des difficultés de la performance, j'aurais souvent eu besoin de voir les choses écrites, les noms des personnages, des lieux, l'articulation des pronoms inventés…

Un bel univers, du niveau de Dune ce Franck Herbert…

#Tropsemblableàléclair #NetGalleyFrance


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Cette critique est issue de la lecture des quatre premiers tomes du cycle Terra Ignota. J'ai appris à la fin du quatrième tome qu'il y aura un cinquième tome à la rentrée 2022. Si j'avais su j'aurai attendu pour des raisons pragmatiques.

J'ai vécu trois faux départ à la lecture du premier tome en presque deux ans. La raison est la complexité de cette oeuvre dans son écriture que dans les dizaines de personnages actifs dont il faut retenir les noms et pas toujours appelé de la même manière par chaque protagoniste ou suivant les situation ou le mode de narration. le mode de narration est l'autre grande difficulté (et richesse, j'y reviendrais). Je devais me mettre dans un état de concentration extrême pour suivre ce que disait les lignes et ce que soufflait les interlignes. Je suis un lecteur lent d'habitude, environ 30 pages par heures ; J'ai souvent l'impression que la lecture à haute voix pourrait être plus rapide. Lent mais avec l'avantage d'une grande immersion de sons et d'images. Pour la lecture de ce cycle, je crois que j'ai du plafonner à 20-25 pages par heurs. Je crois que je ne suis pas le seul à faire ce constat ; alors futur lecteur armes toi de patience et d'abnégation ça vaut le coup, sinon tu risques les coups et l'abandon.

Ce cycle est une expérience de narration : polymorphe, changeant, en constante mutation. le plus visible est le traitement du genre qui altère la langue utilisé pour le récit, et heurte le processus de lecture car on doit faire un effort conscient de retraduction ou plus difficile d'acceptation de la nouvelle syntaxe. Il s'agit ensuite d'un récit d'événement d'abord réalisé par un narrateur, puis deux, en faisant intervenir le « lecteur » souvent au début sous une forme de révoltes épisodiques suivi d'un silence d'acceptation, d'un commentateur extérieur en la personne du philosophe Hobbes, même les traces algorithmiques de programmes en cours d'exécution, et certainement d'autres artifices qui font exploser le quatrième mur. Outre le récit, il y a beaucoup de réflexions de nature historiques, sociologique, philosophique et théologiques. D'ailleurs les dieux et Dieu sont des personnages d'un mondes hyper-technicisé qui souvent nous font croire à la magie. A jouter le talent de l'autrice à manipuler le lecteur dans ce qu'il croit savoir, comprendre et ressentir. Et cette forme d'écriture sert l'intrigue et ce que nous devons/pouvons en comprendre.

D'abord tout au long il faut savoir que rien ne semble être ce qu'ils parait être. Un exemple dans le premier tome : certains d'entre vous, comme moi, vont lier des relations de sympathie avec certains personnages du premier cercle du narrateur/héros. Pourtant sans cesse le narrateur vous mettra en garde (ce qui provoque les révoltes épisodiques du lecteur, que l'on valide naturellement), et les révélations sont douloureuses. Douloureux comme si un de vos amis vient accompagner au dîner que vous avez organisé d'un partenaire qui se révèle être Adolf Hitler (vous me comprendrez à la fin du premier tome).

L'intrigue est complexe mais elle peut se résumer simplement : le monde vie dans une utopie depuis près de trois siècles, mais les rouages de cette utopie sont viciés. La révélation de ces vices va sidérer le monde (tome 1 & 2), le déstabiliser au point où la marche à la guerre est inexorable (tome 3), pour finir par avoir lieu (tome 4). A l'issue des deux premiers tomes, j'étais incapable de « choisir un camp ». A l'issue du tome 3, j'avais l'impression de relire « Les Somnanbules » de Christopher Clark (je crois que c'était le but de l'auteur, je ne serai pas étonné qu'elle a lu ce livre - j'y reviendrai). A l'issue du tome 4, première partie de la guerre, j'avais presque les larmes aux yeux.

Dès le premier tome j'étais dans l'expectative devant la richesse des thèmes abordés. Il y a beaucoup de réflexions. Quelques unes sont maladroites (je penses), facilement réfutables. D'autres m'ont profondément fait réfléchir, comme lorsqu'elle affirme que « la liberté d'expression est l'allié/l'outil des ploutocrates ». J'ai d'abord été choqué, mais en y réfléchissant en regardant au-delà de la théorie philosophique (point de vue formel), c'est tout à fait vrai d'un point de vue pratique (point de vue réel).

Mais de quoi parle cette oeuvre finalement. Ce n'est encore qu'une théorie, mais je crois que l'oeuvre est un essai sur le pouvoir de la création et de l'imagination. Cet essai est soutenu par les bizarreries de l'intrigue : la présence évoquée de Dieu, la présence réel d'un Dieu voisin, les avatars des dieux et héros de la mythologie grecques. Elle est aussi soutenu par les multiples niveaux de narrations évoquées plus haut. Pour résumer ma thèse à grands traits je dirai que l'auteur affirme que le pouvoir de création (au sens divin) est le même que le pouvoir de création de l'artiste (de celui qui imagine et réalise) ; que ce que l'artiste crée n'est pas moins réel que nous créé par un être divin.

Il y a des indices narratifs : tout ce qui touche à la création est un enjeu dans l'intrigue. Par exemple le destin et la menace sur la « ruche utopiste » est au centre des enjeux (qui dépassent les rivalités entre ennemis – tome 4). Car cette ruche porte les espoirs, l'imagination et l'oeuvre de l'humanité dans son essence. L'évocation parfois subtile, parfois explicite, parfois même expliqué, des grandes oeuvres de la littérature et de leurs auteurs, dans la « déconstruction » de leur fonctionnement et de ce qu'elles apportent de richesses est un autre indice.

Il y a des indices techniques à cette thèse. D'abord aucun des personnages n'évolue dans son être (métaphysique) de sa volonté propre, si ce n'est par la volonté (transcendante) d'un personnage qui a le pouvoir de les faire évoluer. Généralement dans la littérature moderne, l'enjeu c'est la transformation du héro à la suite d'épreuve : cette transformation provient de sa volonté propre (immanente). Tous les personnages sont des automates qui agissent selon leur « programmation » psychologique. Ils agissent les uns les autres au grès des circonstances en fonction de leur « programme » et non selon leur libre arbitre. S'ils changent (de « programmation psychologique ») c'est parce que une puissance supérieur l'ordonne en les « touchant ». L'autre point est la constante référence à la providence : il n'y a pas de liberté car tout est écrit/défini par une volonté divine. Il faut prendre la notion de « tout est écrit » au sens littéral du terme. Vous lisez un livre, le destin des protagonistes est scellé, il ne peut pas changer, juste être révélé en tournant les pages. de plus, le livre visant une finalité (divine), la providence crée des destins remarquables pas de destins banals (sinon ce serait du fatalisme).

Pour finir, je voudrais évoquer une autre résonance de l'oeuvre sur notre monde moderne. Comme je l'ai dit le tome 3 fait le récit des événements avant le déclenchement de la guerre. Cette guerre a été voulu par quelques « visionnaires » sur un simple constat « plus longue aura été la paix, plus féroce la guerre qui s'en suivra ». C'est ce que l'on pu constaté pour la première guerre mondiale, certains parlent de la guerre civile européenne 1914-1945, qui suivi un siècle de (quasi)paix. Pour ma part j'ai souvent choqué quand j'affirme que la première guerre mondiale est plus cruelle que la seconde : car la seconde dépasse en degré ce que la première a fait apparaître en nature. le récit de l'année 2454 se cale sur l'été 1914.

Quand je vois la situation géopolitique en 2022, après 75 ans de paix, j'ai de quoi frémir. On a l'impression que tout avance lentement, sans voir les inexorables rouages tournées. Tous refusent la conclusion fatale en estimant que nous sommes plus intelligent que ça. Les fausses preuves de paix et de concordes alimentent un espoir parfois cyniques. C'est l'ambiance du tome 3, en résonance avec 2022. Si on part du modèle des méthodes guerrières innovantes et inattendues exposées dans le tome 4, une nouvelle guerre mondiale serait tout aussi surprenante et cruelle.

Il me reste le tome 5 à lire à sa parution : j'espère en partie une fin heureuse (les leçons de la providence). Et il faudra que je relise cette oeuvre complète d'ici quelques années.
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Dans la série rattrapons en 2020 le retard accumulé en 2019, je demande Trop semblable à l'éclair d'Ada Palmer. J'avoue qu'à force d'en entendre parler en bien comme en moins bien, j'étais même assez réticente pour le lire. Puis, ayant récupéré le livre des mains d'un amateur de SF qui l'a abandonné au bout d'une centaine de pages, j'ai tenté l'aventure. Si vous lisez ces lignes, c'est que celle-ci fut suffisamment digne d'intérêt pour être relatée ici.
De quoi parle Trop semblable à l'éclair ? C'est le premier volet d'une série de quatre romans dans un univers cyberpunk ou post-cyberpunk (les spécialistes en débattent encore). Dans un futur où les États-nations et les familles traditionnelles ne sont plus qu'une coquille vide, les humains se sont regroupés par affinité dans des Ruches (ou vivent à la frange en renonçant à certains droits) et des bash (nouvelles entités familiales/colocations/entreprises). Dans ce monde, nous allons suivre Mycroft Canner, un Servant (c'est-à-dire une personne réduite en esclavage public en raison de son passé criminel) introduit auprès des grands de ce monde autour de deux trames qui vont s'entremêler : protéger un jeune messie de 13 ans capable de donner vie à des objets et enquêter sur le vol d'une liste des personnes les plus influentes du moment. Trop semblable à l'éclair n'est que la première partie de son rapport sur les sept jours qui vont entraîner la chute de la société telle qu'il l'a connaît. La suite arrivera en mars en version française chez l'éditeur. Vous voilà prévenu, Trop semblable à l'éclair se termine sur une fin ouverte qui donne envie d'en savoir plus.
Le style d'Ada Palmer est en revanche, lui, tout sauf moderne. L'autrice s'est inspirée des philosophes français du siècle des Lumières (Diderot, Voltaire, Sade ou Rousseau) qui sont d'ailleurs abondamment cités et érigés comme maîtres à penser par ses personnages. La trame même de Trop semblable à l'éclair suit celle de Jacques le fataliste et son maître avec Mycroft Canner dans le rôle de Jacques, narrateur de cette fin d'époque tout sauf fiable. Certains chapitres sont racontés du point de vue d'autres personnes qui soit ont raconté les événements à Mycroft (et donc passé par son filtre), soit les ont insérés plus tard lors de la compilation dudit rapport. Quiconque n'aime pas les philosophes des Lumières ou a tout oublié de ses cours de français et de philosophie au lycée risque donc d'avoir du mal à prendre ses marques dans ce pavé. Et passera certainement à côté de la saveur de nombreux passages (notamment un reprenant un pan entier de la Philosophie dans le Boudoir assez croustillant). Ce sont également les interrogations des Lumières et notamment l'opposition entre la Nature et la Raison, qui sont au coeur de l'intrigue et qui vont secouer le futur imaginé par Ada Palmer. Ce futur avec ses différentes Ruches et les philosophies ou modes de vie qui les parcourent est particulièrement intéressant et riche. Mais Mycroft Canner s'adressant à un lecteur encore plus lointain dans le futur ne s'y attarde pas. Et personnellement, les deux Ruches qui me fascinent le plus — les Brillistes et les Utopistes — n'ont pas une grande importance dans cette partie de Terra Incognita. Cela viendra peut-être dans les tomes suivants.
Du coup, faut-il lire Trop semblable à l'éclair ? Si vous êtes hermétiques à la philosophie ou au choix narratif particulier de l'autrice, non. En revanche, si la littérature et les idées du XVIIIe siècle ne vous rebutent pas et si vous avez envie de les voir se mêler à une intrigue de science-fiction de haute volée, foncez. En tout cas, personnellement je serais au moins au rendez-vous de mars 2020 pour suivre la suite du rapport de Mycroft Canner dans Sept Redditions.
Lien : https://www.outrelivres.fr/t..
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Trop semblable à l'éclair… de génie

Force est de constater que décréter que ce livre est un chef-d'oeuvre n'est pas un euphémisme tout comme le fait de dire que rédiger un billet à son sujet en est un autre, tout aussi grand. Je vous accorde que la notion de chef-d'oeuvre reste quelque chose de très subjectif mais il y a dans ce récit une ambition affichée et, chose qui ne va pas de soi, remplie.

L'histoire se situe en 2450 dans un monde profondément bouleversé par rapport à ce que nous connaissons aujourd'hui, êtres égocentriques de comparaisons que nous sommes… Tout d'abord les états-nations ont disparu de leur belle mort en même temps que les notions et concepts de religions. Ces derniers ont engendré la haine et la guerre. La société ne s'en est remise qu'en avançant sur le concept des « ruches » qui s'organisent autour d'affinités et non de nationalités ou d'appartenances religieuses.

Au sein de cette nouvelle organisation sociétale, chaque année, sont publiées des listes des personnalités les plus influentes : les listes des Sept-Dix (les sept et dix personnes les plus influentes). Ces listes font et défont certains destins. Or, cette année, une liste a été volée, à l'aide d'un dispositif brouillant les localisations, et retrouvée au sein du bash (sorte de cellule « familiale » qui ne se borne pas aux seuls liens du sang) Saneer-Weeksbooth, responsable de la gestion mondiale du flux de voitures. Manoeuvre de déstabilisation à grande échelle ? Tentative de renversement des ruches ? Opération de vengeance ?

Mycroft Canner, ancien criminel « reconverti », se retrouve mêlé à l'enquête alors qu'il tente par tous les moyens de cacher au monde entier en général et aux grands de ce monde en particulier, l'existence d'un enfant doté de pouvoirs à même de faire renaître de ses cendres le concept de messie.

Si vous vous dites que j'en ai trop dit, trop fait, trop dévoilé sur l'histoire, dites-vous qu'il n'en est rien mais qu'il me fallait vous mettre un peu dans l'ambiance.

Ada Palmer parvient à entremêler plusieurs histoires sans perdre son lecteur, ce n'est déjà pas un mince exploit. Il y a bien entendu le premier niveau de lecture au sein de l'enquête qui peut s'aborder comme un polar classique : qui a volé la liste ? pourquoi ?

Il y a aussi très vite, facile d'accès, le mystère qui entoure Mycroft Canner : comment diable un homme avec son passé criminel (dont on ne découvre les tenants et les aboutissants que tardivement) peut-il bien se retrouver mêlé à ce point aux intrigues des grands de ce monde ? Intime des plus influents, il les côtoie tous, les craint tous mais tous font appel à lui.

Le bash (on pourrait aussi appeler cela un clan) Saneer-Weeksbooth, au sein duquel on manipule les données en sa possession à des fins plus ou moins avouables, joue un rôle central dans le récit d'Ada Palmer : il contrôle, organise et assure tous les transports terrestres et de là détiennent une masse d'informations qui touchent au plus intime de chaque être humain. Leur survie assure la survie du monde, dans ses meilleurs comme dans ses pires aspects.

Les dirigeants des sept ruches se livrent entre eux à la fois à une guerre stratégique visant à s'assurer une prédominance sur les autres tout en jouant la carte de l'alliance au nom même de leur suprématie sur les populations constituant leur assise politique, leur place, leur force au sein des ruches.

Ajoutez à cela la présence d'objecteurs de conscience qui, par leur positionnement au sein des bashs, sont à la fois des confesseurs et ce qui pourrait le plus se rapprocher d'une organisation religieuse qui tairait son nom, et vous avez un cocktail assez détonnant qui permet à l'auteur de proposer un nombre assez incroyable de pistes de réflexion, de disposer de temps pour mettre tout cela en musique, de distiller ses idées et inventions tout au long de son récit.

Ça foisonne, ça part parfois un peu dans tous les sens mais Ada Palmer retombe toujours sur ses pattes, et le lecteur avec elle. Il faut toutefois accepter de se faire parfois un peu ballotté sans forcément tout saisir, de se laisser perdre pour mieux être rattrapé par la main de l'auteur.

La « philosophie » d'Ada Palmer qui se cache derrière son histoire pourrait se résumer en trois mots : Siècle des Lumières. La société et les personnages, au premier rang desquels Mycroft Canner, notre guide et narrateur, à l'exception de quelques chapitres, fait moult références au XVIII° siècle et plus particulièrement à quatre personnages historiques. Chacune de ces personnes a développé en son temps une réflexion précise et pointue sur la religiosité, la connaissance, le savoir et le rapport des êtres humains avec ces notions. Par ordre inverse de leur apparition dans le livre, et peu ou prou d'importance historique pour Ada Palmer, quand bien même ils ne peuvent exister qu'ensemble, se répondant à leurs manières, on trouve Sade, dit « le Divin Marquis », Rousseau, dit « Jean-Jacques », Diderot, dit « le Philosophe » et Voltaire, dit « le Patriarche ».
Le récit d'Ada Palmer est profondément empreint de toute la philosophie De Voltaire, des idées et idéaux des Lumières, mais aussi du scepticisme, mais pas du rejet, d'un Sade à l'encontre de la religion. La façon d'aborder Sade, d'ailleurs, est tout à fait intéressante, au moins pour quelqu'un comme moi qui n'en avait qu'une idée très très parcellaire et générale.

Ada Palmer joue aussi beaucoup sur les noms. La référence la plus évidente est celle qui est faite avec le prénom de Canner, Mycroft, au frère d'Holmes. Il y a à ce titre d'autres références aux auteurs et personnages de romans policiers. le prénom de l'enfant que Mycroft protège n'est pas plus innocent que les autres : Bridger est un enfant appelé à devenir un trait d'union, un pont entre tous les êtres humains. Il y a aussi des références non déguisées à l'Antiquité, aux Grecs et aux Romains.

Comme c'est très tendance actuellement dans la littérature, Ada Palmer joue enfin avec les genres. Ou plutôt tente de déconstruire les genres de ses personnages. La société dans laquelle son récit s'inscrit préfère les tenues non genrées, parle en « on » et « ons » au lieu des « il/elle » ou « ils/elles » classiques. Ce point très précis n'apporte, dans ce premier volet, à mon sens pas grand-chose si ce n'est de coller à une tendance lourde de la littérature, collant elle-même à la société. D'ailleurs, Mycroft Canner, comme pour tenter de permettre au lecteur de se raccrocher à des notions plus familières, repasse au genre, masculinisant ou féminisant à l'envi certains personnages. J'attends la suite pour voir comment Ada Palmer développera ou utilisera cet aspect-là de sa narration.

Le dernier tour de force d'Ada Palmer est de proposer un récit de SF quoi n'en est pas un dans le sens où finalement cette histoire pourrait se dérouler dans un contexte du passé, uchronique ou décalé mais ne nécessite pas forcément un contexte science-fictionnesque pour fonctionner. Ce contexte n'est que la cadre dans lequel l'auteur se sent à l'aise pour développer ses idées. Les prochains volumes me contrediront peut-être. C'est en tout cas très vrai pour ce premier volet.

Le récit d'Ada Palmer m'a beaucoup fait pensé, dans sa façon d'aborder l'histoire d'une civilisation à travers le regard d'un personnage baignant dans les intrigues « de cour », aux origines qui ne le destinent pas à ce type de vie, à travers une structure philosophique, politique et culturelle bien déterminée, à « Gagner la guerre » de Jean-Philippe Jaworski que je ne peux que vous conseiller, également, de lire.

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J'ai reçu Terra ignota dans le cadre des explorateurs de l'imaginaire. Merci au bélial et au site lecteurs.com pour cette merveilleuse découverte. Voilà une excellente lecture, passionnante, originale et dense.
Ada Palmer ne nous offre pas toutes les clés de compréhension au départ. le lecteur s'acclimate peu à peu ce qui est un effort qu'il faut accepter de faire et qui vaut la peine. Je n'ai pas pu m'empêcher de rattacher ce point nécessaire à ma lecture d'anatem : il faut accepter le fait qu'on ne comprendra pas tout tout de suite.
L'univers est très original, développé, construit et d'une grande variété.
L'intrigue se déroule dans un futur où les distances ne sont plus un problème et où la religion est éradiquée. La technologie est primordiale et influence la construction de la société. Entre les voitures volantes qui anéantissent les distances, les traceurs, les animaux robots…, on est loin d'un futur où tout s'est effondré. Ce qui est complètement différent du présent c'est le découpage de la Terre, il n'y a plus de pays mais 7 ruches indépendantes de leur localisation géographique. Devenu adulte, chacun choisit quelle ruche correspond le mieux à sa philosophie de vie, son ambition. Chaque ruche suit sa direction, elle a son fonctionnement et une politique qui lui est propre et unique. Découvrir la construction de chaque ruche est passionnant. Il est aussi possible de devenir hors ruche ce qui entraine liberté mais aussi une absence complète de protection juridique.
Autre originalité, il n'y a plus de famille au sens actuel du terme. Les personnes sont regroupés en bash. Cette structure est constitué de 4 à 20 membres qui vivent et élèvent les enfants en commun. Cette unité de base permet une grande liberté au niveau des relations. A première vue, l'univers en paix avec un fonctionnement original fait penser à une utopie mais est-ce vraiment le cas. Entre les servants qui sont des esclaves modernes, les immuables qui sont discriminés, les inégalités sociales qui persistent… on est loin d'avoir un univers si lisse et sans soucis qu'on attend d'une utopie.
Si l'univers est particulièrement bien construit et développée, l'écriture et la langue n'ont pas été négligées pour autant et colle avec l'univers. Les références littéraires et philosophiques sont nombreuses en particulier celle liées aux Lumières. La langue utilisée est aussi une preuve de l'évolution de la société. Il n'y a plus de genre, c'est même insultant d'utiliser les marque de genres et pour illustrer cela, le traducteur utilise on pour le singulier et ons pour le pluriel. C'est déroutant ce choix de traduction du they anglais, ça demande un temps d'adaptation mais ça marche vraiment bien. Je me demande si je n'aurai pas préféré l'utilisation de iel/iels mais il est vrai que ce choix aurait probablement aussi dérangé certaines personnes.
Les jeux de langage sont aussi nombreux : entre les interrogations sur l'étymologie, les remarques sur la perte à la traduction et les réponses potentielles du lecteur au narrateur rédigé en ancien français avec l'ancienne graphie, garder un bon rythme n'était pas évident et pourtant c'est réussi. Autre aspect qui aurait pu casser le rythme de l'histoire, les digressions sont nombreuses. le narrateur s'adresse au lecteur, fait des pauses philosophiques, insère des fausses pistes et manipule le lecteur. Encore une fois, c'est bien dosé et ça fonctionne.
Un dernier point clé de cette lecture, le narrateur est très intéressant, son ambivalence participe à l'atmosphère du récit. Il affirme dès le départ qu'il est horrible, qu'il ne faut ni lui faire confiance ni s'attacher à lui et pourtant on aime le suivre et on s'attache ce qui rend d'autant plus marquant la révélation sur son passé. J'ai adoré ma lecture mais il est important de prévenir que c'est une lecture exigeante où tout fonctionne mais demandera une certaine concentration. Hâte de lire le second tome.

update : j'ai aussi écouté la version audio
Terra ignota est ma saga coup de coeur absolue. Quand j'ai vu que le premier tome paraissait en version audio et qu'il était disponible sur netgalley, j'étais la plus heureuse du monde entier et j'avais hâte de redécouvrir cette oeuvre via un autre support. Malheureusement j'ai vite déchanté mais pour bien comprendre ce qui m'a posé soucis, il est important de rappeler les principes clés de l'univers. C'est une société dégenrée, sans communauté religieuse, avec 7 ruches remplaçant les pays, des bashs remplaçant les familles et une société dégenrée. Oui j'ai écrit 2 fois dégenrée car ça a son importance au vu de l'audio. Est ce que je recommande la lecture ? Oui. Est ce que je recommande l'audio ? hélas non. J'ai l'impression que le lecteur n'a pas compris ce qu'il a lu et a tout pris au pied de la lettre. Oui le roman est présenté comme un compte rendu historique, non ce n'est pas un rapport classique sans prise de position du narrateur. du coup, lire le récit de Mycroft comme un livre d'histoire d'une voix monotone sans le ton décalé et impertinent qui fait tout le charme de ce texte, ce n'est pas très judicieux mais à la rigueur on peut faire avec. Donner une voix molle et digne de Winnie l'ourson, à Sniper alors que c'est le/la sex symbol ultime que tout le monde mettrait bien dans son lit, ça ne vend pas du fantasme une telle voix, mais ça aussi on peut faire avec. Entendre un millier de fois J E d'D Maçon, c'est lourd à écouter, le prononcer Jedd comme tout le monde ça serait plus fluide mais à la rigueur ça aussi on peut faire avec. En revanche, ce qui ne passe pas c'est le genrage des protagonistes. On est dans un univers dégenré, c'est même insultant de genrer ou de spéculer sur ce qu'il y a dans le slip d'autrui. Alors oui, Mycroft, le narrateur pour être impertinent genre les personnages mais il explique bien que c'est son interprétation lié aux clichés de genres passés et que ça ne colle pas forcément avec la réalité. Là le lecteur utilise des voix « féminines » et « masculines » en suivant les pronoms utilisés par le narrateur quitte à modifier la voix en cours de route s'il découvre que derrière le « elle » a un corps de « il » et inversement et ça non je suis désolée mais ça va à l'encontre de la philosophie de la saga. Pour finir sur une touche moins négative, les musiques inter-chapitres sont chouettes. En résumé, j'ai adoré ma lecture mais pas du tout mon écoute.
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Le plus français des romans de SF américaine que j'ai jamais lu, l'ouvrage futuriste le plus XVIIIème siècle que je n'ai jamais tenu entre les mains : une saveur surprenante, comme la première fois qu'on goûte un plat sucré-salé.

[...]

Jacques le Fataliste dans le monde des voitures volantes.

L'histoire va nous être conté par Mycroft, humain réduit en esclavage en raison d'actes qu'il a commis, qui bénéficie d'un rapport privilégié, bien qu'à l'origine énigmatique, avec tous les grands de ce monde.

Et il va nous la raconter d'une manière peu commune : à la façon de Jacques le Fataliste, de Diderot. Jacques m'avait énormément énervé à une autre époque de ma vie. Il est également arrivé que Mycroft me tape sur le système. Je ne sais pas si le fait que le récit cherche volontairement à me faire ressentir ce genre de sentiment rend cela génial ou encore plus lourd à mes yeux… Sans doute un peu des deux.

Donc, ce style, ça ressemble à quoi ? Une langue vieillie, des digressions érudites ou personnelles, des redites, un narrateur qui s'adresse directement au lecteur, voire qui interagit avec une version de celui-ci tout droit sorti de son imagination et auquel il prête de nombreuses remarques et pensées. Entre connivence et manipulation.

La sensation la plus intéressante qu'a produit chez moi ce procédé, c'est un étrange sentiment de décalage temporel. Un homme de 2454 s'adresse à son lecteur potentiel, donc une personne vivant après 2454, en lui prêtant une manière spécifique de penser, dans un langage librement inspiré du XVIIIe siècle… Un plongeon dans l'abime du temps.

Par ailleurs, le choix de ce style littéraire est intrinsèquement lié au thème et aux évènements du livre…

Dès le début, Mycroft nous annonce qu'il va nous parler de la fin d'un monde et du début d'un autre, le « renouveau abrupt de la philosophie du XVIIIe siècle ». Un programme ambitieux, donc, qui nous entraine tout d'abord sur deux chemins apparemment sans rapport l'un avec l'autre.

D'un côté, on découvre Bridger, un (grand) enfant capable de faire littéralement des miracles puisqu'il donne vie aux choses. [...] de l'autre, on assiste aux début d'une enquête portant sur le vol d'un classement de personnalités politiques, dont la disparition et la réapparition semble à même de troubler l'ordre d'un monde par ailleurs totalement pacifié…

Dans ce premier tome, c'est cette trame politico-policière qui est la plus développée. Mais ne vous attendez pas à des retournements de situation à répétition. le récit se déroule sur une poignée de jours et, plus qu'une avancée dans le temps, c'est une avancée dans les profondeurs et les méandres de la politique. de la scène aux coulisses.

D'abord, on prend connaissance des différentes forces en présence. On découvre leur rôle dans la société, leur place politique, leur image médiatique. Puis, on s'approche un peu plus d'eux, on les voit à l'oeuvre dans leurs tâches quotidienne. Puissants mais humains. Et enfin, cette image officielle se morcelle et cède la place à une connaissance plus intime des différents protagonistes, mettant à jour des rouages et des ficelles jusqu'alors invisibles. Car, comme le dit parfois Mycroft, les personnes réellement importantes, décisives, ne sont pas forcément sous les feux des projecteurs…

Qui est marionnette et qui est marionnettiste ?

Un des gros points forts du roman pour moi, c'est l'univers qu'il développe. Un monde où les États, dans la version géographique que nous connaissons, ont disparu, laissant place à des nationalités fluctuantes et choisies. [...] L'individu est au centre de cet univers : c'est lui qui choisit sa Ruche, détermine (ou pas) son genre, définit ses croyances (pour ne citer que trois thèmes saillants du roman). Chacun est particulier, unique, faisant de l'humanité un camaïeu de minorités apte à faire disparaître les systèmes oppressifs basés sur les notions de groupe et de majorité. [...]
Lien : https://vaisseaulivres.wordp..
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