PERSPECTIVE (CINQUIÈME LIVRE)
La philosophie médiévale ne conçoit pas les œuvres d'art en relation avec un objet naturel qu'elles chercheraient à imiter mais en relation avec le processus de formation par lequel elles accèdent à l'être, c'est-à-dire la projection d'une forme invisible dans une substance visible et tangible. Il n'existait pas de différence fondamentale entre l'architecte qui construit une maison et le sculpteur ou le peintre qui fait l'image d”une rose " en accord avec l'image qui est dans son âme " selon les termes de Maître Eckhart ; et, dans les cas exceptionnels où la procédure des arts "d'imitation" était considérée dans sa relation avec un modèle visuel, ce dernier était, de façon tout à fait significative, conçu non comme un objet naturel mais comme un "exemple" ou "semblable", c'est-à-dire comme une autre œuvre d'art lui servant de prototype. Selon saint Thomas, "un artiste conçoit la forme selon laquelle il souhaite travailler à partir d'une œuvre qu'il a vue" ; saint Thomas place ainsi le sculpteur ou le peintre, qui représente son objet en se souvenant d'autres sculptures et d'autres peintures, exactement sur le même plan que l'architecte, qui conçoit une église en se souvenant d'autres églises.
La Renaissance au contraire établit et accepta à l'unanimité ce qui semble le dogme esthétique le plus simple et se révèle en fait le plus problématique : une œuvre d'art est la représentation directe et fidèle d'un objet naturel.