Marie-Hélène Prouteau. Ces récits sont placés sous la haute résonance du rêve. Dans « Hécate endormie », une femme s'absente à elle-même devant le rivage aux réminiscences virgiliennes. Dans « L'Echarde », le personnage féminin qui ressemble à l'auteure « est seule sous la treille seule à l'ombre des grands arbres, avec ses images et ses rêveries ». le narrateur d'un autre récit rappelle à sa compagne le tableau Résurrection de Piero della Francesca, les disciples endormis, et le livre Dormeur éveillé de J.-B Pontalis. Comme si, chez
Angèle Paoli, ce sommeil singulier installait un rapport au monde, par une inversion qui tient le rêve pour la réalité.
Cette absence à soi-même, n'est-ce pas celle du lecteur hypnotisé par cette nébuleuse de rêves qui compose ces Fabulae ? Car la réalité vacille, les catégories flottent, réalité, imaginaire, identité. Parfois le récit bifurque, du rêve à une apparition de brume et d'encre, la mendiante de
Duras qui crie sur une autre lagune, celle du Mékong. Dans un autre, le rêve se noue au mythe (la dormeuse et Hécate) puis à un souvenir, Greta Garbo à la Villa Cimbrone. Cette prose onirique qui trame lambeaux de réel et bribes d'imaginaire a quelque chose de baroque.
" Italies " plurielles. le titre vient dire l'ascendant des terres italiennes, rendues envoûtantes par ces songeries, parfois inquiètes. C'est qu'
Angèle Paoli a pour ce pays-paysage une prédilection, celle d'une patrie de coeur. Terres stendhaliennes, fertiles en expériences fortes, amoureuses, artistiques ou guerrières. Capables d'arrimer les ardeurs, les blessures, les consolations. Cette multiplicité, rivages, villages ou lieux pétris de culture autorise-t-elle les ressentis troublants d'amours parallèles et de désir labile ? Les rencontres passionnées, telle celle entre deux femmes évoquée dans le tremblé du souvenir du compagnon. Sensualité et liberté que ne renierait pas Colette". par
Marie-Hélène Prouteau, EUROPE Jv 2018.