Pauline de Préval, journaliste et réalisatrice, auteure d'Une Saison au Thoronet, m'a fait rêver et méditer le temps de la lecture de ce petit livre qui se parcourt très facilement et très rapidement.
Ce roman m'a été offert par les Editions Albin Michel à l'occasion de la dernière Masse critique privilégiée et je tiens à les remercier ainsi que Babelio.
Je l'ai reçu comme une boufffée d'oxygène, un grand moment d'évasion et de rêverie dans cette période de fin d'année si troublée.
L'auteure m'a transportée en Italie, au temps du Quattrocento à Florence, c'est dire si le voyage était magique.
Si vous êtes sensible comme moi à la peinture « a fresco » et si vous admirez Masaccio, Ucello, Fra Angelico, Pierro de la Francesca, Giotto, Brunelleschi , ce petit livre vous permettra de vous évader dans l'atelier de Starnina à l'époque du Quattrocento et d'y rencontrer Giovanni.
Nous sommes au début du 15ème siècle. La Renaissance pointe le bout de son nez dans une période particulièrement frénétique et violente. La plume de l'auteure restitue très bien cette vibrante atmosphère et les conflits entre les grandes familles.
Giovanni, peintre imaginaire, écrit à un destinataire inconnu du lecteur et lui raconte son histoire.
Giovanni nait cinq ans après la révolte des Ciompi. Son père est teinturier spécialisé dans le rouge et jaune. Curieux des méthodes employées par son père pour la teinture des vêtements, Giovanni ne cesse de poser des questions, bien décidé à étendre sa connaissance à l'art de la peinture. A neuf ans, Giovanni est totalement possédé par le désir de peindre. Un Christ Pantocrator le fascine, l'absorbe, « les couleurs semblent douées d'une vie bienheureuse », la vision de ce Christ le transporte dans un autre monde, il entre en contact avec une réalité transcendante. Son expérience mystique va l'inciter à tenter de reproduire dans la cour de sa maison, ce Christ Pantocrator. C'est un échec. C'est là que son père, à son grand désespoir, comprend qu'il ne fera pas de Giovanni un teinturier . Cette soudaine prise de conscience déclenche chez lui une colère terrible.
Giovanni n'aura pas le temps de se réconcilier avec son père. Florence est sujette à la violence et son père meurt criblé de coups de poignards par les hommes des Albizi, famille puissante régnante.
Devenu orphelin de père, Giovanni part en quête de son art. La chance lui sourit sous les traits de Maître Starnina dans l'atelier duquel, il devient apprenti. Et c'est cette quête que Giovanni raconte avec toutes ses difficultés. Sa remise en question perpétuelle, passant du mysticisme à la découverte de la dure réalité. Ses combats intérieurs, le doute, le désespoir, cherchant à dompter ses passions par la rigueur et les contraintes de son art. Giovanni est un grand idéaliste, il pense pouvoir transformer le monde par la peinture mais par moment, il comprend que certains hommes préfèrent détruire la beauté, la lumière, tant leurs ténèbres sont puissantes. Alors il lui arrive de tout détruire et j'aime ce que Starnina lui dit :
« Je comprends ta peine, Giovanni. Mais il ne faut pas demander à la peinture ce qu'elle ne peut pas faire. Depuis que je te connais, tu voudrais faire descendre le ciel sur la terre. Tu voudrais transformer les hommes en saints. Tu voudrais ressusciter les morts par la grâce de ta main. Tu voudrais accomplir ce que le Christ lui-même n'a pas pu accomplir par sa parole. Mais sais-tu qu'il existe un démon plus pernicieux que celui du mal : le démon du bien qui s'en prend particulièrement aux êtres généreux et talentueux comme toi et les fait pêcher par orgueil ? On peut vouloir rendre les hommes meilleurs mais le résultat de nous appartient pas. Et on ne peut pas prétendre transfigurer le monde si on ne s'est pas laissé soi-même transfigurer. »
Aux obstacles rencontrés sur le chemin de la connaissance, (connaissance et non savoir), vient s'ajouter une belle rencontre sous les traits de Léonora. Cet amour se communiquera à chacun de ses coups de pinceaux, il se ressentira et transformera ses moindre gestes mais c'est encore sans compter sur sa destinée.
Ce petit livre à vocation spirituelle, est une invitation à réfléchir sur le sens de la Vie, à tenter de trouver le geste juste, le mot juste, en toute humilité. Cet or du chemin, j'y vois la progression de l'oeuvrier qui le mène sur le chemin du connais toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les dieux. Il est comme un miroir tendu au lecteur qui lui-même, à travers son questionnement, peut évoluer chaque jour sur le chemin de sa vie. Il me rappelle les mots d'une amie « Ce n'est pas le chemin qui est difficile mais c'est le difficile qui est sur le chemin ». Il y est aussi question de transmission comme cette phrase de Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » qui est très bien illustrée à la fin du livre.
Le bémol de cette narration provient d'une écriture distante, sans passion, et le lecteur ne peut ressentir d'empathie pour Giovanni, il ne peut qu'analyser intellectuellement ce texte. Si Pauline de Préval a aussi écrit "Une saison au Thoronet", j'en déduis qu'elle est certainement une personne qui est en quête mais la démarche vient du coeur pas de l'intellect sinon elle reste à distance et c'est ce que j'ai constaté tout au long de ma lecture.