«
Mamie Luger » est le second roman de
Benoît Philippon, un auteur, scénariste, réalisateur français.
«
Mamie Luger » reprend un personnage secondaire du premier roman « cabossé », celui qui donne le nom au titre.
«
Mamie Luger » nous conte l'arrestation, l'interrogatoire et la vie mouvementée de Berthe, une mamie de 102 ans, accusée d'avoir aidé des fugitifs à s'enfuir et d'avoir tiré sur son voisin. Mais l'inspecteur Ventura, chargé de prendre la déposition de la vieille dame va vite comprendre que là est le moindre de ses crimes...
Des coups de feu, un couple en cavale, une petite vieille qui tire sur son voisin, voilà une affaire peu banale pour l'inspecteur Ventura, chargé d'interroger la centenaire flingueuse pour comprendre pourquoi elle a aidé un couple de fugitifs dont l'homme est accusé d'avoir tué le mari violent de sa compagne...
Mais
Mamie Luger, 102 ans au compteur, sentant ses dernières heures arriver, a besoin de se confesser et les coups de fusil qu'elle a tirés au matin n'étaient que les derniers d'une très longue série. Pour bien expliquer ses crimes, elle a besoin de se retourner sur son passé lointain... très lointain...
La première chose à dire sur ce roman est qu'il débute de la meilleure façon possible en nous présentant un personnage totalement atypique et décalé, une mamie de 102 ans, tueuse en série, à l'humour aussi trempé que le caractère et la verve.
Le début de l'interrogatoire est à ce sens très représentatif de la plume de l'auteur et du potentiel du personnage principal et totalement jubilatoire.
Mais pour raconter l'histoire de toute une vie, de plus de 100 années, le personnage, et l'auteur, se plongent dans des flash-back inévitables.
Et c'est là que le bât pourrait blesser, du moins, dans mon cas, car je déteste les flash-back et les récits alternés en littérature. J'aime beaucoup les narrations linéaires, et c'est probablement la raison pour laquelle j'adore la littérature fasciculaire qui n'offre pas la possibilité, du fait de sa concision, de se lancer dans ce genre de gymnastiques littéraires.
Car, quand je m'intéresse à une histoire, je déteste devoir m'en taper une autre, en cours de route, avant de pouvoir y revenir. Dans ces cas-là, soit je lis un peu en travers l'histoire subalterne, soit je me languis au point de ne pouvoir prendre plaisir à cette lecture parallèle.
Et c'est ce qui s'est passé au début de «
Mamie Luger ». J'ai tellement adoré l'introduction, ce début d'interrogatoire, que j'étais déçu de devoir me coltiner le passé de la mamie tant je l'aimais au présent.
J'ai eu du mal, sans désespérer, car, même si j'étais pressé de revenir à l'interrogatoire, les flash-back étaient souvent intéressants, bien que moins drôles, mais parfois bien plus éprouvants ou émouvants.
Puis, à un moment, la sensation a basculé. Au moment où je me suis persuadé (ou bien où l'auteur m'a persuadé) que cette narration à coups de flash-back était la meilleure pour son histoire. Non seulement la meilleure, mais surtout la seule possible.
Et, du coup, le plaisir fut total même lors des retours dans le passé de Berthe.
Il faut bien avouer que ces passages sont souvent forts. Forts dans l'émotion. Forts dans la tragédie. Forts dans les messages.
Car Berthe est certes une femme de caractère (un peu trop), mais aussi et surtout, une féministe d'avant-garde qui en a bavé dans une vie passée en grande partie dans un monde et une époque patriarcaux et archaïques.
Ces retours dans le passé sont devenus, dès lors, tout aussi jouissifs que les moments d'interrogatoire, mais dans un autre registre. Certains sont même insoutenables dans la détresse et la tristesse (pour Berthe, surtout, mais un peu également pour le lecteur – pauvre Luther).
Et puis vient ce final, à la fois poétique, émouvant, dramatique, triste avec un brin de fantastique ou de métempsychique.
Alors, en plus de l'histoire, très puissante, émouvante et drôle, la narration, adaptée à l'histoire de Berthe, des personnages (Berthe en tête, mais également Ventura et quelques personnages secondaires), il y a également la plume de l'auteur.
Certains la comparent à celle de
Frédéric Dard ou de
Michel Audiard. Si je comprends la seconde comparaison, je me porterais en faux avec la première.
Certes, la verve de l'auteur est populaire, mais en rien n'est inspirée de l'art de créer une nouvelle langue à partir de la nôtre comme pouvait l'être celle de Dard.
Ce n'est d'ailleurs pas la volonté de
Benoît Philippon et c'est d'ailleurs tant mieux, cela aurait nuit à l'histoire de Berthe.
Au final, un roman qui est à la fois drôle, touchant, émouvant, éprouvant, qui fait réfléchir, qui dénonce, mais, surtout, qui se lit avec un immense plaisir et c'est bien là le principal.