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3,48

sur 89 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« […] Edda s'empressera de trahir ses promesses, tout cela est couru d'avance, et c'est de bonne guerre, car ce qui importe, ce qui justifie toutes les trahisons, tous les parjures, c'est ceci : la mission d'Edda en ce monde est de répandre la seule loi qui vaille la peine d'être respectée, celle de son pays, celle qui devait prévaloir sur la Terre entière à la Renaissance. le Nouveau Monde appartient, par la grâce de la Terre sacrée, aux femmes. Il leur revient d'y faire régner leur volonté, d'établir une société qui les élève et relègue l'homme, par nature inférieur, au rang d'individu de second ordre. »

Ce Nouveau Monde, c'est celui qui a succédé au nôtre, cinq cents ans plus tôt, après une catastrophe probablement nucléaire. Les survivants ne sont qu'une poignée, retranchés dans des villes. Rapidement, on ne sait trop comment, les femmes ont pris le pouvoir aux hommes, rendus responsables de tous les maux de l'ancien monde. Tout le savoir ancien, et la littérature, n'ont pas été totalement perdus, grâce notamment aux livres, mais évidemment les sciences et techniques ont été réduites au plus simple.

Ce roman commence dans une île battue par les vents, au large de l'Ecosse. Alba, la Sybille, qui a autrefois été reine dans ce qui reste d'Edimbourg, a choisi de s'y retirer définitivement pour délivrer des oracles à qui est assez fou pour tenter d'aborder ce bout de terre, la plupart du temps pris dans les glaces, qui gagnent du terrain. Elle a beaucoup de choses à se reprocher.

Milo et Faith sont des nomades originaires de Grande-Bretagne. Ces Gypsies ont la particularité vivre des rapports plus égalitaires entre les sexes. Milo, alors qu'il était lui-même encore enfant, s'est beaucoup occupé de Faith, alors bébé, qui avait perdu ses parents. Ces deux-là sont vraiment liés, pour leur plus grand malheur. Même s'il n'y a pas de lien de parenté entre eux, cette proximité, presque incestueuse, est désapprouvée par les autres membres de leur compagnie. Ils seront contraints de se séparer. Des plaines immenses d'Europe de l'Est aux pays nordiques, où règne la terrible Edda, ils connaîtront mille épreuves.

Que de souffle dans ce roman étonnant ! Emmanuelle Pirotte, que je découvre, reprend les codes des épopées de Fantasy, ou des romans postapocalyptiques, mais les subvertit avec un très grand talent. Son écriture est absolument superbe, sans être précieuse.

Pour tout dire elle m'a fait grandement penser au meilleur d'Ursula K. Le Guin. Elle sait, comme elle, ralentir le temps de la narration, s'attacher à la psychologie des personnages, toujours profonds et contradictoires.

Il s'agit donc de fantasy – ou de postapo – atypique, qui pourrait ne pas convenir aux lecteurs qui n'aiment pas sortir des sentiers balisés. Pour ma part, j'ai été emporté par ce roman puissant, qui prend tout son temps, ce qui me plaît souvent. Au point de regretter une fin très concentrée, où les événements se succèdent à un rythme rapide.

Je remercie Babelio et les éditions le cherche midi – collection Cobra - pour cet envoi « masse critique » tout à fait étonnant.
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Epopée féminine
*
Comblée par cette lecture qui au départ m'avait fait un peu reculer tant j'ai peiné pour son avant-dernier roman historique Loup et les hommes (même abandonné aux 2/3)
Comme je savais que l'auteure a changé de thème et que les dystopies/anticipation font partie de mes récits d'aventures préférés, j'ai décidé de laisser une chance à l'auteure belge.

C'est un roman dense, complexe, riche. Assez atypique dans l'écriture (on aime ou pas), la construction de l'histoire.
Je ne peux pas le conseiller à la majorité néanmoins.
Et pourtant, j'aurais envie de le proposer en tant que "pépite originale, pleine de surprises qui mérite le détour et qu'on se surprend à aimer au fil du récit".

Ouvrez-le à la page 100 , lisez la page. Vous verrez bien si vous "accrochez".
En tout cas, un livre que je garderais dans ma bibliothèque et que je relirais certainement un jour #gagedequalité
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Un grand roman shakespearien « Fantasy » où même Nietzsche est convoqué, qui mène le lecteur des confins glacés de l'est de L'Europe au mur d'Hadrien.
Notre monde a disparu ,tué par ses rêves accomplis d'intelligence artificielle.
Des générations plus tard, apparaissent dans un Nouveau Monde de nouveaux habitants (un demi-million) qui vivent vêtus de peaux de bêtes dans des immensités glacées. C'est l'avènement des Reines, les hommes ayant pris la place des femmes dans le Vieux Monde .Ces gens vivent en tribus nomades, leurs moeurs sont aussi rudes que le climat glaciaire , parfois on se croirait dans le Très Vieux Monde avec les jeux du cirque.
Mais immortel , charnel et éternel, un beau roman d'amour traverse ce roman de 500p., foisonnant, éblouissant ,même pour le lecteur pas forcément féru de fantastique et d 'anticipation. L'écriture d'E.Pirotte est belle, poétique, visuelle, même si parfois, elle tombe dans quelques expressions triviales bien de notre temps; cela est voulu très certainement...
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Tout d'abord, je souhaitais remercier Babelio et les éditions Le Cherche Midi pour cet envoi « masse critique » tout à fait étonnant.
Ce roman édité dans la collection Cobra est un roman d'anticipation assez peu banal et goûtant au merveilleux. Il se place dans une forme d'allégorie, une situation hors du commun, comme tous les livres qui caractérisent cette collection particulière.

Quelques cinq siècles plus tôt, une poignée de survivants a réchappé du cataclysme engendré par les Hommes ; les guerres ainsi que les pollutions chimiques ou nucléaires ont pratiquement « nettoyé » de la surface de la terre toute trace d'humanité. Mais le remord, et surtout l'ennui de ne plus pourvoir observer ces « dangereux gesticulants » et s'amuser de leurs étonnantes capacités créatives surprit la grande déesse de la fertilité, de la terre, des eaux et de la végétation qui – dans un instant de faiblesse – autorisait cette poignée d'êtres humains à reconstruire une civilisation.

Et cette nouvelle humanité mue par une lucidité providentielle a retiré au sexe masculin ses anciennes prérogatives de pouvoir et ses anciens privilèges.
Les communautés nomades ont dès lors placé à leurs têtes des femmes.
Et ce sont des reines puissantes et craintes qui se sont octroyé la régence des grands royaumes du Nord. Sur ces terres septentrionales, les hommes doivent rester en retrait ou sont réduits en esclavage, travaillent au fond des mines, recyclent les vieux objets inutiles, contaminants ou dangereux en les jetant au fond des cratères volcaniques restés accessibles. Les mieux lotis sont servants ou gladiateurs et ce sont eux à qui on accorde, s'ils restent vivants, la possibilité de s'accoupler pour engendrer les générations futures.

Sur cette terre désolée en lente reconstruction subsistent encore quelques stigmates des siècles passés ; il s'agit des ruines des édifices les plus solides, d'antiques châteaux de pierre ayant survécus à plus d'un millénaire, des zones polluées pour l'éternité, des maux incurables apportés par des sols ou les eaux, l'alimentation ou un air malsain, quelques objets dont certains sont devenus des breloques sacrées et d'autres, dont on ignore le sens, des mystères… Certains livres aussi ont survécu mais ils sont très rares et un peu redouté car ils étaient les vecteurs d'un savoir qui, on le sait, poussa à la Chute.

Alors, dans ce grand théâtre qu'est la Vie sur la Terre, se jouent et se rejouent toujours les mêmes tragi-comédies écrites par les dramaturges pour les siècles des siècles pourvu que soit respectée la règle des trois unités, de temps, de lieu et d'action. Alors peuvent s'écharper les hommes entre eux tandis que les personnages tragiques issus des récits mythologiques de l'antiquité, comme Phèdre ou Andromaque, font leur marché.

Une petite communauté de nomades – les Britannia – sillonne l'Europe cherchant ça et là sa subsistance, partageant connaissances et articles de première nécessité au hasard des rencontres ; dont Milo, un jeune homme d'ascendance trouble qui prendra soin d'une jeune fille appelée Faith, lesquels en grandissants vont se rapprocher amoureusement.
D'errances acceptées en bannissements subis, ils côtoieront des théâtreux et des chamanes, des reines sombres et des esclaves brillants tout en se rapprochant par circonvolutions successives du sacré et du divin. Leurs ailes fonderont-elles à l'approche du soleil ?

Un livre mystérieux qui pourra plaire ou déplaire mais qui ne laissera pas indifférent.
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Cela fait plusieurs années, en fait depuis que j'ai lu et été subjuguée tour à tour par La trilogie de l'héritage de N.K. Jemisin et circé puis le chant d'Achille de Madeline Miller, que je cherche leur relève, c'est-à-dire un titre dont la mythologie et la tragédie m'emportera. Je ne sais pas comment Babelio sélectionne ses candidats pour les romans qu'ils ont à offrir, mais avec moi ils ont fait mouche quand ils m'ont mis face aux Reines d'Emmanuelle Pirotte. Enfin, j'avais le nouveau récit mythologique tragique que j'attendais !

Cette autrice et historienne belge n'en est pas à son premier coup d'essai, elle a déjà publié plusieurs romans se déroulant dans des cadres historiques, mais jamais dans des univers aussi fictif que celui-ci. C'était la première fois qu'elle se frottait à la fois à un cadre mythologique et à un récit d'anticipation. Un essai vraiment réussi pour ma part, qui m'a totalement convaincue et seulement, peut-être, laissée cruellement sur ma faim dans les ultimes pages au final abrupte.

Comme l'avait fait autrefois N.K. Jemisin dans La Terre Fracturée, j'ai été surprise ici de l'univers imaginé par l'autrice, où elle dévoie une Terre futuriste qui a vécu une catastrophe pour la faire régresser et revenir en arrière, avec ce qu'elle appelle une Renaissance où cette fois les femmes prennent le pouvoir dans la plupart des institutions sociétales, mais avec des formats rappelant énormément ceux de l'Antiquité et des premiers temps du Moyen Âge. Un sacré écart avec ce qu'on peut imaginer d'une Terre future.

L'histoire démarre dans un camp tzigane, avec deux jeunes enfants : Milo et Faith. le premier à peine plus âgé que la première, s'occupe d'elle depuis toujours et ils ont une relation très fusionnelle. Faith vit dont très mal que, comme le veut la coutume de son clan, on la marie de force à un autre homme qu'elle ne désire pas. Esprit rebelle, elle finit par se retourner contre le pauvre Milo qui n'avait rien demander, et provoque son exil. de là, leur destin tragique n'aura de cesse de nous tourmenter.

J'ai beaucoup aimé la tonalité tragique du récit qui s'empare de nous dès les premières pages et ne nous lâche pas. Nous sommes avec l'histoire d'un amour impossible comme dans les plus grandes tragédies du théâtre et l'autrice en joue énormément. Jamais la vie de nos héros ne sera tranquille. Dans ce nouveau monde, cette nouvelle terre, où les clans sont partout, le plus souvent dirigés par des femmes, nos héros seront sans cesse sur les routes, se rapprochant et s'éloignant sans le savoir, faisant des rencontres signifiantes pour les aider ou les enfoncer au contraire, mais souvent tout n'est que drame.

J'ai eu beaucoup de mal avec la personnalité égoïste et trop entière de Faith. Même venant d'un camp tzigane, non atteint par cette nouvelle toute puissance féminine, elle vit comme telle et n'en fait qu'à sa tête, ne pensant toujours qu'à son propre plaisir. Elle est une superbe représentante de Catherine des Hauts de Hurlevent, capricieuse, égoïste, fougueuse et fascinante du coup. J'ai été beaucoup plus touchée par le discret Milo, qui se retrouve malgré lui entraîner dans les drames qu'elle provoque et n'aura pas une vie facile. 

Avec eux, nous allons partir sur les routes et découvrir l'état de ce nouveau monde, monde fortement inspiré à la fois des tragédies antiques, mais aussi de la mythologie et l'histoire celte. On apprend ainsi que la première femme à avoir pris le pouvoir depuis cette nouvelle ère s'appelait Lagharta. Avec Milo, on découvre la place désormais occupée par les hommes, réduits en esclavage, soumis aux femmes, violés impunément par certaines et durement punis s'ils commettent quoi que ce soit contre elles. Avec Faith, c'est une vie itinérante, celle d'une actrice, d'une saltimbanque, qu'on va découvrir, tandis qu'elle va séduire sans le vouloir une puissance et vieillissante Reine.

Des personnages marquants se retrouveront sur leur route, qui vont participer à la mythologie de cette histoire. Je pense en premier lieu, bien sûr, à Edda, cette reine qui va tenter de capturer la fougue de Faith avant que ça se retourne contre elle. Je pense aussi à Alba, la sibylle dont on entend régulièrement la voix en écho de notre histoire et qui est la mère cachée de Milo, dont l'identité secrète rappelle les plus belles pièce de Shakespeare, mais aussi sa compagne qui malgré les années de séparation, ne peut s'empêcher de continuer à penser à elle et à la servir malgré elle. Il y a également Novak, homme se sentant femme, persécuté pour cela, mais qui ne cède rien et vit sa vie comme il l'entend, aimant hommes et femmes selon ses désirs. Tous témoins des amours saphiques, des amours bisexuels ou pansexuels, qui peuplent ce si beau texte. 

Tous ensemble, dans une toile riche et complexe qui parcoure plus de 500 pages, vivent des aventures très intimes : quête de l'être aimé, esclavage dans de dures conditions, spectacles pour tenter de s'affirmer, découverte de la maternité à travers une drôle de grossesse, lutte à bâton moucheté contre une reine toute puissante jalouse, quête d'une mère absente. Les éléments dramatiques sont partout et peut-être que le choix de cette plume fermée où on entend essentiellement les pensées des personnages et non leur voix a aussi conféré une ambiance très particulière, immersive et intime au récit, mais étrange, nous empêchant d'en sortir.

J'ai été soufflée par la pureté, mais aussi la dureté et le souffle de certaines pages. Quand l'autrice nous plonge dans les nouvelles coutumes claniques de ces personnages, c'est saisissant. Il y a une réelle brutalité dans ce nouveau monde pourtant dirigé par des femmes. L'autrice se plaît ainsi à nous montrer, qu'homme comme femme, quand l'un des deux est dominant, qu'il n'y a pas d'égalité, il y a bien souvent violence et brutalité. Il ne faut donc pas croire, selon elle, que celle-ci n'est que masculine, les femmes peuvent aussi l'exercer. Et l'exercice de style auquel elle se livre pour nous le montrer est saisissant, car bien souvent en lisant les scènes décrites, on imagine les mots des femmes dits par les hommes et vice versa, et c'est glaçant !

Cependant, c'est plus l'histoire de ce couple maudit qui va me rester en tête. Couple dont le héros, Milo, est la figure du héros tragique à qui il n'arrive que des problèmes malheureusement et qui a beau avoir un comportement héroïque, sauvant et aidant les plus faibles, se battant vaillamment (ah, la scène dans l'arène, quel bijou !), aimant au-delà de lui-même, n'a pas le bonheur espéré. On a mal de le voir sans cesse piétiné ainsi. Alors qu'à l'inverse, j'ai bien peu d'empathie pour la capricieuse Faith dont seul le destin final sera parvenu à me toucher, celui-ci transcendant l'enfant capricieuse pour la transformer en mère combattante et vaillante. D'où ma grande frustration de voir l'histoire s'arrêter sur ce point. Il y aurait encore tellement à dire et à faire pour ce couple, pour ces royaumes, pour ces destinées. Cette vaste fresque de femmes et d'hommes d'un autre temps, d'une autre culture et d'autres moeurs aurait mérité une fin moins abrupte. Milo et Faith accomplissent chacun leur destinée mais quelques pages de plus pour le compter n'aurait pas été de trop.

Avec un beau souffle épique à l'ancienne, Emmanuelle Pirotte m'a totalement emportée dans ce récit inspiré des tragédies grecques et Shakespearienne. Avec des personnages âpres mais entiers, pas toujours faciles à aimer, elle m'a déstabilisée avec leurs destinées dramatiques où la place des hommes et des femmes inversées m'a frappée. J'ai aimé cette démonstration que tant qu'il n'y aura pas d'égalité, il n'y aura pas d'équilibre entre les deux et toujours un dominé / dominant et donc des drames. L'inspiration qu'elle a puisé dans la littérature, la dramaturgie et l'imaginaire, ont donné une sauveur toute particulière à ce récit, qui fut pour moi, enfin, un beau successeur à ceux de N.K. Jemisin et Madeline Miller dans le même genre (même si un petit cran en-dessous, soyons honnête).
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Dans "Les reines", l'auteur nous propose une dystopie post-apocalyptique de plus de 500 pages qui m'a tenu en haleine une bonne semaine, tant il est riche en détails, en rebondissements et en descriptions autant foisonnantes que fascinantes. Car ce roman est à la fois une épopée, un récit initiatique, et une tragédie grandiose.

Un Nouveau Monde s'est créé sur les ruines de l'Ancien monde dont le lecteur ne saura pas grand chose, sinon qu'il ressemblait beaucoup au notre et qu'il n'a pas survécu à ce que les hommes ont appelé "la Chute".
Les êtres humains ont renoncé au progrès matériel et les femmes ont pris le pouvoir. Elles sont devenues les Reines, réduisant les hommes à de simples géniteurs ayant perdu leurs anciens privilèges, voire à des esclaves, à présent à leur merci. Les Cinq royaumes du Nord sont gérés par des femmes devenues les maîtresses du monde, les "gardiennes de toute forme de pouvoir", qui se transmettent la couronne de mère en fille.
Sur les routes d'autrefois toujours existantes, se croisent des peuples d'origine diverses, les survivants sont devenus chasseurs, nomades, artisans. Les livres sont bannis car ils ne contiennent plus que des choses inutiles pour la vie d'aujourd'hui.
Parmi ces peuples, les Fils du vent, les gitans d'autrefois, sont devenus les "enfants chéris de la Terre". Ils sont les seuls à avoir gardé de nombreuses coutumes ancestrales. Milo Gray appartient à la tribu des Britannia. C'est un magnifique jeune homme roux et très charismatique. Faith qu'il a recueilli après la disparition de ses parents, alors qu'elle était toute petite, est devenue une belle et attirante jeune femme. Ils sont inévitablement tombés amoureux au fil des ans, mais la communauté interdit leur union, la considérant comme un inceste.
Un jour Faith commet l'irréparable et Milo est banni à vie de la communauté. Il part sur les routes et commence alors pour lui un long voyage fait de découvertes et de solitude. Il est attiré par les Terres du Nord où vit la Reine Alba, isolée sur une île battue par les vents au large de l'Ecosse, avec pour seule compagnie, son servant. Alba est la sybille de l'Ouest, elle est la seule à avoir accès à des livres de l'Ancien Monde. Elle connait tout du passé et de l'Histoire de l'Ancien Monde et peut prédire ce que le nouveau monde va devenir. Elle possède le don de vision et peut délivrer des oracles à ceux qui s'aventurent jusque dans son domaine, une terre hostile et prise la plupart du temps dans les glaces. Avant de s'isoler sur son île, elle a été la Reine des Hautes Terres, une reine renommée et puissante. Désormais c'est Helle, son Amazone, et amante qui règne à sa place. Mais cette dernière va bientôt mourir et elle détient un secret...
Pendant ce temps, Faith se sauve et rejoint une troupe de théâtre qui va l'emmener avec eux sur les routes en direction du Royaume d'Edda, le royaume des Amazones, des femmes qui la fascinent depuis qu'elle est toute petite par leur force et surtout leur grande liberté.
Mais Edda est cruelle, jalouse et possessive. Elle est persuadée d'être investie d'une mission : établir une société qui élève les femmes et relègue les hommes au rang d'individus inférieurs. Pour elle, les femmes ont été suffisamment méprisées dans le passé et tiennent à présent leur revanche. Elle va tomber folle amoureuse de la jeune femme...ce qui scellera à jamais son destin, ce que Milo et Faith ignorent, et ni elle ni lui n'y pourront rien changer...

Voilà un roman très prenant qui ne nous lâche plus une fois planté le décor dans ce monde nouveau où les femmes ont pris le pouvoir. Les personnages sont bien présents. L'auteur a des talents de conteuse et sait décrire de manière très réaliste mais néanmoins poétique, l'univers qui entoure ses personnages.
L'histoire est dense mais facile à suivre. le roman nous questionne sans cesse sur la place de l'homme et de la femme dans nos sociétés, leurs réactions face au pouvoir et à l'amour. le lecteur n'a qu'une envie, connaître le destin qui attend chacun des personnages, enfin pour être honnête j'ai surtout eu envie de connaître celui de Milo, car Faith n'est pas un personnage attachant, elle a un caractère détestable, on ne comprend pas vraiment où elle veut en venir, elle est bien trop instable et imprévisible à mon goût.
Deux voix s'entremêlent : celle du récit de la vie de Milo et Faith, entrecoupé de leurs aventures, de légendes, de brefs retours vers les coutumes conservées ou pas de l'Ancien monde. Et une voix off, transcrite en italique qui est, le lecteur le devine très vite, celle d'Alba, seule sur son île hostile des Terres du Nord, prise par les glaces.
Vous vous en doutez cette dernière nous apprend beaucoup de choses qui ne sont pas dites ou qui sont survolés dans la première.
Le théâtre est bien présent dans une grande partie du roman. C'est finalement ce qui reste de l'Ancien Monde, qui permet aux hommes de revivre et de rêver. A la cour d'Edda, la troupe à laquelle Faith appartient, joue Othello, une pièce considérée comme un "plaidoyer contre la tyrannie des hommes" qui condamne leur jalousie, "leur assimilation de l'amour à la possession", mais une belle histoire d'amour. Mais au fil du récit on retrouve aussi Antigone, Macbeth et de nombreuses références à la mythologie.
Les personnages sont tous bien décrits et présents. Bien entendu Milo et Faith tiennent le haut du pavé mais Helle, Alba et Edda ne sont pas en reste tout comme les personnages secondaires auxquels le lecteur s'attache aussi comme Novak, devenu l'ami de Milo, lui qui se sent femme dans son corps d'homme, Erwan, le servant d'Alba, et bien d'autres.
L'auteur ne fait appel à aucun cliché. Elle observe les êtres qu'elle a elle-même créés et cherche à comprendre comment l'amour peut mener ces femmes à commettre l'irréparable : infanticide, torture, jalousie et j'en passe pour vous laisser découvrir tous les détails et rebondissements de ce roman.
Car c'est bien l'amour qui est au centre du roman et l'espoir de retrouver l'être aimé, d'être aimé, de connaître une vie paisible.
Mais le monde n'est pas meilleur parce qu'il est question d'amour et que les femmes le dominent à présent. L'amour provoque lui aussi des trahisons, de la déception, de la colère, de la passion, du ressentiment et des envies qui mènent à la cruauté.
Le lecteur découvre les tensions entre les peuples, les coutumes des uns et des autres, les jalousies, les secrets de famille, et les prophéties. Il vit avec les personnages, les suit dans leur périple sur terre ou sur mer, a froid avec eux dans les châteaux mal chauffés d'Ecosse, a peur dans l'arène. Il passe par de nombreux ressentis parfois contradictoires, il s'interroge, pourquoi tant de cruauté, pourquoi faut-il que la femme réplique les défauts des hommes pour finir par se connaître enfin et par savoir ce qu'elle veut faire de sa vie ?
A la lecture de certains passages, j'ai trouvé quelques longueurs... mais toujours j'ai eu envie de poursuivre, de connaître le destin de Faith et de Milo pour savoir ce qu'ils allaient devenir. La fin est ouverte et n'apporte pas de réponses précises à certaines de nos questions.
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La chute du monde a eu lieu entraînant la disparition des êtres humains. ”La Terre soupira d'aise. Et le temps continua son oeuvre, il passa.” Mais celui-ci n'était pas satisfait de ce vide, plus de vie ni de mort, ”plus de regrets, plus de remords, ni de souvenirs flottants dans l'air du soir”. le temps errait comme un désoeuvré. ”Alors il parla à la Terre et la supplia de lui rendre les hommes… Des amours du Temps et de la Terre naquit une première femme de la Renaissance. ” Telle est la genèse du nouveau monde bâti sur les ruines de notre civilisation. Un monde de royaumes gouvernés par des femmes, les Reines. Un monde sans technologie et quasiment redevenu au Moyen Âge.
Si certes le monde a changé, qu'en est-il de l'humain ?
Emmanuelle Pirotte plonge le lecteur dans un monde où tous nos repères ont disparu, et l'entraîne, en suivant Milo et Faith, dans un récit fantastique, captivante épopée aux relents de mythologie, de tragédie antique, de dramaturgie wagnérienne.
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L'ère de la technologie et de la croissance s'est achevée il y a bien des années. Il ne reste qu'un demi-million d'êtres humains regroupés en différentes peuplades et tribus. Sauf exception, ce sont dorénavant les femmes qui gèrent les royaumes, édictent les règles et se font la guerre. de nouvelles croyances ont fait leur apparition, peu de gens se souviennent encore des anciennes religions telles que celle du Crucifié. Une partie des connaissances de l'humanité a sombré dans l'oubli, on ne diagnostique et ne soigne plus les cancers. Dans ce Nouveau Monde, nous suivons Milo et Faith, des Gypsies de la tribu des Britannia. Ces Fils du Vent sont des nomades se déplaçant en caravane, voyageant inlassablement d'un pays à l'autre, respectant encore d'anciennes coutumes. C'est ainsi que Faith se voit contrainte d'épouser un homme qu'elle n'aime pas.

Il y a dans ce livre un grand souffle romanesque. La beauté de l'écriture, la profondeur de cet univers, les personnages aux mille facettes m'ont happée dès le début. Je n'ai pas vu le temps passer, malgré tous les kilomètres que nos héros parcourent et les obstacles rencontrés sur la route. L'atmosphère de tragédie, les références à la Grèce antique et les quelques touches de surnaturel forment un mélange détonnant. J'ai aimé (et parfois aimé détester) ces femmes et ces hommes aux personnalités marquées, commettant parfois l'impardonnable.

C'est le premier roman d'Emmanuelle Pirotte que je lis, j'espère encore faire de belles découvertes avec ses précédents titres.
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J'avais découvert Emmanuelle Pirotte avec son premier roman paru en 2015, Today We Live, qui m'avait emmené dans l'improbable cavale à travers les Ardennes belges d'un soldat SS et d'une petite fille juive mais m'avait un peu laissé sur sa faim. Intrigué par ce nouveau roman - il y a en a eu d'autres entres temps - à l'épaisseur plus alléchante, j'ai décidé de lui faire une place dans ma sélection de la rentrée littéraire.

C'est cette fois dans une dystopie que l'autrice nous emmène, dans un avenir où le Vieux Monde que nous sommes a été effacé, victime de sa folie, de son aveuglement et de la toute-puissance de la science. Alors que l'humanité est réduite à peau de chagrin et vit de manière rustique, comme dans le Très Vieux Monde, l'ordre social a changé : de puissantes Reines détiennent désormais tous les pouvoirs.

Dans sa tribu de nomades Britannia, Milo côtoie Faith depuis sa plus tendre enfance, mais leur amour est impossible. Alors qu'il est banni à vie de sa tribu et que Faith part sur les chemins avec une troupe de comédiens, leur errance respective va les mener dans les terres d'autres royaumes jusqu'à rencontrer Edda, reine amazone aussi puissante que cruelle, qui sera prête à tout pour contrarier leur destinée.

Ce livre est un peu tombé au mauvais moment et j'ai eu beaucoup de mal à lui accorder le temps nécessaire pour s'immerger dans cet univers particulier, et j'ai eu l'impression d'être englué dans ma lecture pendant la première moitié du roman. Pourtant, il s'agit là d'une sacré épopée sur fond de dystopie, une tragédie antique revisitée que j'ai adorée une fois que j'ai eu assez de temps pour m'y plonger.

📖 Les Reines d'Emmanuelle Pirotte a paru le 25 août 2022 aux éditions Le Cherche Midi. 528 pages, 21€.

🔗 Service de presse numérique obtenu via NetGalley.
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Un récit qui m'a laissé admirative et m'a totalement envoûtée. Emmanuelle Pirotte a l'habilité rare de conter des récits remplies d'âme. C'est un tout petit peu trop long à mon goût. Mais l'écriture est à la fois belle et lisible, le temps passe vite.
Pour tous les amoureux de tragédies grecques de mythologie. On assiste à la création d'un mythe, et à la résurgence d'anciens. Une qualité d'écriture incroyable. Une quête, un destin, un amour interdit, des jeux de pouvoirs er de prestiges. Une oeuvre.













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