Omnia, cité entièrement consacrée à la gloire du dieu Om, est dirigée d'une main de fer par Vorbis, le chef de la Quisition, toujours prompt à extirper l'hérésie de ses sujets, même si cela implique de leur extirper quelques organes vitaux par la même occasion. Vorbis prépare également une expédition contre Éphèse, célèbre repère de philosophes, pour leur apporter la bonne parole.
Comme la puissance d'un dieu est proportionnelle à la foi de ses fidèles, le dieu Om a bien du mal à comprendre pourquoi il reste coincé sur le disque-monde sous la forme d'une tortue inoffensive, incapable de griller un sourcil à plus de dix centimètres. La vérité lui apparaît peu à peu : ses fidèles ne croient plus en lui, mais en la structure de l'église omnienne. La peur de l'enfer a été remplacé par la peur de la Quisition, la compréhension des règles divines par la compréhension des règles à suivre pour ne pas croiser la Quisition, et le bonheur de voir ses prières exaucées par le bonheur de ne pas être dans la ligne de mire d'un membre de la Quisition. le seul vrai fidèle qu'il reste à Om est Frangin, un novice pas réputé pour sa vivacité d'esprit.
Le choc entre le fanatisme de Vorbis et la liberté d'esprit qui règne à Éphèse sera violent. Car malgré les efforts du prêtre, la vérité scientifique se répand : le monde n'est pas une sphère qui tourne autour du soleil, comme l'enseignent les textes sacrés archaïques, mais bien un disque.
Un roman assez réussi sur la religion, du fanatisme le plus sanglant à la foi du charbonnier de Frangin, mais aussi sur la propension des hommes à apporter la Vérité, qu'elle soit religieuse, philosophique ou scientifique, par le glaive. Et pour une fois, un petit merci au traducteur, qui a doté les habitants d'Éphèse du bon accent de Marseille, ce qui rend les débats philosophiques encore plus savoureux.
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Très sympa ce tome ! Sous le thème de la religion et des Dieux, avec un duo de choc qui m'a fait bien rire (Frangin un novice jardinier et la tortue alias le dieu Om), Pratchett nous fait encore une fois voyager dans son univers et découvrir une parodie de la grèce antique . J'ai bien rigolé avec les philosophes et ce passage où ils veulent renier les dieux est vraiment le plus drôle. C'est vraiment un régal de découvrir le fonctionnement de la démocratie éphébienne à la sauce Pratchett ^^ Quelques personnages secondaires bien appréciés aussi comme Tefervoir !
Un tome jouissif (mais attention pas trop selon Frère Nonroid, c'est un péché ) qui fait du bien .
Lecture commun des Annales
Challenge Mauvais genre
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Frangin est un novice d'Omnia comme les autres... Enfin presque. Ce dont il se rend compte le jour où il fait la connaissance d'une tortue pas comme les autres, elle non plus. A travers cette rencontre, c'est une partie du Disque-Monde qui va être ébranlé, ébranlant dans son sillage religions, philosophies, croyances diverses et variées, jeux de pouvoir en lien avec celles-ci, au centre de ce treizième tome.
Car c'est vraiment le rapport de l'homme à la religion et à la philosophie qui est mis en question ici, toujours de manière aussi caustique et parodique, toujours avec des références bienvenues, toujours via une intrigue efficace, rondement menée, même si assez classique, et des personnages bien campés. J'ai dévoré ce tome, comme la majorité des précédents, de fait.
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"Je sais ce que c'est, la certitude", fit Honorbrachios. Il avait désormais perdu son ton léger, irascible. "Je me souviens, avant d'être aveugle, je suis allé une fois à Omnia. Avant la fermeture des frontières, quand vous laissiez encore les gens se déplacer. Et j'ai vu, dans votre Citadelle, une foule qui lapidait un homme à mort dans une fosse. Vous avez déjà vu ça, vous ?
- Il faut le faire, marmonna Frangin. Ca permet d'absoudre l'âme et...
- Pour l'âme, je ne sais pas. Je suis pas ce genre de philosophe, moi, fit Honorbrachios. Je sais seulement que c'était un spectacle horrible.
- L'état du corps n'est pas...
- Oh, je ne parle pas du pauvre couillon dans la fosse, le coupa le philosophe. Je parle des gens qui jetaient les cailloux. Ils avaient une certitude, ça oui. La certitude que ce n'étaient pas eux qui se trouvaient dans la fosse. Ca se voyait sur leurs figures. Ils en étaient tellement contents qu'ils lançaient leurs cailloux aussi fort qu'ils le pouvaient."
Les hommes ! Ils vivent dans un monde où l'herbe continue d'être verte, où le soleil se lève tous les jours, où les fleurs se transforment en fruits, et qu'est-ce qui les impressionne ? Des statues qui pleurent. Et de l'eau qui se change en vin ! [...] Comme si la transformation du soleil en vin par l'entremise de vignes, de raisins, de temps et d'enzymes n'était pas mille fois plus impressionnante, surtout qu'elle se répétait sans cesse...
PRENONS l’aigle et la tortue.
La tortue dite terrestre – puisqu’il en existe une espèce marine – vit sur terre, comme son nom l’indique. Impossible de vivre plus près de la terre sans passer dessous. Son horizon ne s’étend guère au-delà de quelques pas. Sa vitesse de pointe excède tout juste celle nécessaire pour prendre une laitue en chasse. Pendant que le reste de l’évolution la dépassait, elle a survécu en n’étant dans l’ensemble dangereuse pour personne et consommable qu’au prix de mille peines.
L’aigle, maintenant. Un animal aérien, un animal des cimes, dont l’horizon s’étend jusqu’au bord du monde. Une vue assez perçante pour repérer à un kilomètre le frémissement d’une petite bête couinante. La puissance et la maîtrise incarnées. La mort instantanée sur ailes. Assez de serres et de griffes pour faire son repas de tout ce qui est plus petit et prendre au moins un morceau sur le pouce de tout ce qui est plus gros.
Pourtant l’aigle reste de faction des heures durant sur son pic à surveiller les royaumes du monde jusqu’à ce qu’il surprenne un mouvement au loin. Il accommode alors, fait un point de plus en plus précis sur la petite carapace qui bringuebale là-bas parmi les broussailles du désert. Et s’élance…
Une minute plus tard, la tortue voit le monde s’enfuir sous elle. Un monde qu’elle contemple pour la première fois d’une altitude qui ne se compte plus en centimètres mais en centaines de mètres ; et elle se dit : L’aigle, quand même, ça, c’est un ami.
Et alors l’aigle la laisse tomber.
Et presque toujours la tortue exécute un plongeon mortel. Tout le monde sait pourquoi. La gravité est une habitude dont on a du mal à se débarrasser. En revanche, nul ne sait pourquoi l’aigle agit ainsi. C’est bon à manger, la tortue, mais vu les efforts déployés, on fait un meilleur repas avec à peu près n’importe quoi d’autre. C’est tout bonnement la grande joie des aigles de tourmenter les tortues.
Mais évidemment, ce dont l’aigle ne se doute pas, c’est qu’il participe à une forme très rudimentaire de la sélection naturelle.
Un jour, une tortue va apprendre à voler.
"... Il savait par expérience que les idées véritables et incontestables, telles que la sagesse et le jugement ineffables du grand dieu Om, paraissaient si obscures à beaucoup de gens qu'il fallait les tuer avant qu'ils comprennnent leurs erreurs, alors que des notions dangereuses, nébuleuses et bornées exerçaient une telle attraction sur certains individus qu'ils allaient(...)se cacher dans les montagnes d'où ils jetaient des cailloux sur quiconque s'approchait d'eux, jusqu'à ce que la faim les déloge. Ils préféraient mourir plutôt que de céder au bon sens. Fri'it avait compris très jeune le bon sens. Il avait compris que c'était ne pas mourir"
Les Ephébiens s’étaient beaucoup intéressés à l’astronomie. Explétius avait démontré que le Disque avait un diamètre de quinze mille kilomètres. Fébrius, qui avait posté des esclaves aux réflexes vifs et à la voix puissante dans tout le pays à l’aube, avait prouvé que la lumière se déplaçait en gros à la même vitesse que le son. Et Honorbrachios avait calculé que, dans ce cas, afin de passer entre les éléphants, le soleil devait parcourir une orbite d’au moins cinquante-cinq mille kilomètres chaque jour ou, autrement dit, se déplacer deux fois plus vite que sa propre lumière. Par conséquent, quand on le voyait en un point donné, il n’y était déjà plus, sauf deux fois par jour quand il se rattrapait lui-même, ce qui signifiait que toute sa masse formait une particule plus rapide que la lumière, un tachyon ou, selon l’expression d’Honorbrachios, un enfoiré.
Extrait de "De bons présages" de Terry Pratchett et Neil Gaiman lu par Stéphane Ronchewski. Parution en numérique le 24 septembre.
Pour en savoir plus : https://www.audiolib.fr/livre-audio/de-bons-presages