Quesada met en scène son propre récit. Tenerife. Dans un hôtel fréquenté par des anglais un auteur se présente dans le salon des fumeurs pour y lire son récit dont il affirme à Mr Wilson qu'il a mis "deux ans, petit à petit" pour l'écrire, et qu'il ne
lui rapportera que 20 douros par mois.
Ils sont seize à l'écouter dont huit sont ivres.
Tenerife après guerre (la première guerre mondiale) où se retrouvent les belligérants anglais et allemands qui reprochent sa neutralité à l'Espagne. L'auteur passe par dessus ce reproche et dresse plusieurs portraits de ces touristes venus chercher une forme de consécration sur ce rocher noir dont les attraits sont loin de ceux de Rome ou de Paris.
Certains personnages sont auréolés de gloire, les vainqueurs. Les autres, les vaincus, ruminent une forme de vengeance et reprennent leurs activités commerciales, "l'exportation des bananes a repris à la grand surprise des exportateurs eux-mêmes qui voyaient perdus commerce et fortune."
Confrontation culturelles entre des personnages du nord, froids et rigides "Mr Hodgson, votre sourire est un sourire très anglais." et des personnages du sud, l'auteur mais aussi des Français et des Italiens "Les Anglaises avaient cet air tragique de célibataires, indéniable chez les filles d'Albion. Une célibataire espagnoles ou française peut passer pour une femme mariée n'importe où. Une célibataire anglaise ne peut être que célibataire."
La confrontation oppose souvent des hommes et des femmes. Des belles anglaises, des "miss, très légèrement vêtues, ressemblent à des sorbets à la fraise. Blanches, roses, légères, charmantes et froides comme de la glace."
Au grand dam de leurs compatriotes, elles ne sont ps insensibles au charme des autochtones " (...) les miss sont mécontentes par ce qu'il n'y a pas d'Espagnol au teint hâlé au banquet... Ah, si, Mr Perez ou Mr Gonzalez étaient là...!"
Galeries de portraits où l'ironie cache parfois l'admiration de ce peuple industrieux parce que protestant, à l'image de Sir Archibald "(...) lequel possède des bateaux comme des Presse-papiers et tire des chèques de mille livres comme il arrache les pages d'un almanach fixé au mur."
Les Espagnols opposent leur sens de l'humour en rebaptisant Mr Butter, Mr Manteca...
On croise
Maupassant au détour d'une ligne " (...) des dames laides et bizarres et parfois quelque Miss Harriet perdue, promenant sa grotesque mélancolie au bord de la mer."
Très vite le lecteur évolue à l'aise au sein des membres de cette société dont la "voix faite de mots anglais (qui) sortait comme une pensée toute blanche, délicate et diluée et se perdait dans la lumière écumante du rivage." ; au sein de laquelle "(...) un homme à monocle ne fait jamais de mal." ; où "le chroniqueur cherche un chemin pour ses désorientations." ; où les déconvenues sont légion " Nous avions demandé des touristes et ils nous ont envoyé les parents des touristes."
Un récit contemporain malgré son âge, une littérature à redécouvrir. Quesada regrette seulement que Mr Duncan ne soit pas venu,
lui qui "a la beuverie la plus intelligente (qu'il ait) connue."
Merci aux éditions le Soupirail et à Babelio pour cette découverte Masse Critique.