Un roman sur lequel souffle l'esprit de
Stephen King et d'
Albert Camus.
Diable ! Diable ! me suis-je dit en lisant cette accroche sur la 4ème de couverture.
A la fin de la lecture, si je comprends ce qu'a voulu signifier le journaliste du point (dont le nom n'est pas cité - il suffit de signer
Le Point, bizarre, non ?), je suis loin de partager la filiation qu'il a voulu imposer à nos esprits de lecteurs en mal de sensations.
Pour
Stephen King, il a certainement voulu comparer le roman de l'Américain intitulé le dôme dont une série TV a été tirée.
A mon avis, il s'est complètement mis le doigt dans l'oeil :
La où King nous assène un dôme en matière transparente, tombé un beau jour du ciel pour emprisonner un village et dont on apprendra in fine qu'il est l'oeuvre d'extra terrestres voulant coloniser notre belle planète, Quiriny nous présente un isolement tout en finesse et subtilité dont on se demande s'il n'est pas quelque part la matérialisation fantasmée et sublimé d'une aspiration secrète des habitants du canton de Chatillon-sur-Bierre, des ruraux se nourrissant de représentations d'un monde et d'une réalité qui n'est pas la leur.
Là, effectivement on peut retrouver camus.
L'idée de Quiriny est dans cette subtilité. Un beau matin, le 15 septembre 2012 exactement, les habitants de Chatillon qui travaillent à Névry (le chef lieu du département) sont mystérieusement bloqués par une force invisible :
«Mais ce 15 septembre 2012, la voiture de Larimé tomba en panne au bout de cinq kilomètres, au lieu-dit de l'Huis-Merleau, longue ligne droite bordée de champs. La moteur s'arrêta brusquement ; les phares s'éteignirent, ainsi que les voyants du tableau de bord.»
«La même mésaventure arriva ce jour-là à tous ceux qui voulurent quitter Chatillon en voiture, par toutes les routes possibles.»
Ce qui frappe les voitures, frappe tous les moyens de communication, téléphone, internet. le village est isolé.
Autre différence avec King, les routes ne sont pas inaccessibles, mais les courageux qui décident, comme le facteur, de tenter l'aventure font une drôle de découverte :
« Luc Rambier, facteur, voulut en avoir le coeur net. Il partit sur son clou de service en direction de «Névry» (...) au bout de dix minutes il n'y avait toujours pas de maisons en vue. La ligne droite où il roulait semblait sans fin, comme si elle s'étirait à mesure qu'il avançait. C'était troublant ; la géographie de ces lieux qu'il connaissait bien lui parut changée, sans qu'il put dire en quoi.»
Passé le traumatisme de la découverte, les habitants s'unissent et font confiance au Maire Agnelet qui trouve les paroles de circonstances :
Chatillon est séquestré, mais Chatillon vit toujours.
Interloquée, l'assistance ne répondit pas. Agnelet soupira puis ajouta, bien qu'il fût incroyant :
Que Dieu nous vienne en aide.
La communauté s'organise, et au-delà des paroles lénifiantes du maire, viennent les questions pratiques, notamment celle de l'approvisionnement, qui déclenchent les égoïsmes :
«Tandis qu'ils travaillaient, des clients se massaient devant les grilles, attendant la réouverture. Duffy les aperçut derrière un vasistas.
Chef. Regardez.
Combien étaient-ils là-dehors : cinquante ? Cent ?
Tout ça va finir en émeute.
La force du roman de Quiriny, même si je considère qu'il n'a pas suffisamment exploré et épuisé son idée, est de nous proposer une fable démontrant que nos peurs et nos fantasmes, peur de l'autre, peur de l'avenir, peur de soi, recours aux croyances, qu'aujourd'hui nous alimentons à partir d'une vision médiatisée de la réalité, sont ancrées au plus profonds de nous.
La petite communauté de Chatillon, forte de trois mille habitants, qui aurait pu trouver un mode de fonctionnement équilibré, dans lequel chacun aurait eu sa part, va finir par se déchirer , créant elle-même ses étrangers, ses parias, ses forts et ses faibles, ses élus et ses exclus.
La religion qui apparaît un moment comme un refuge n'est pas à l'abri des tentations de schisme :
«Nous sommes déjà coupés du monde, eux veulent en plus se couper de nous.»
La parabole de Quiriny nous renvoie à nos propres errements. La micro société qu'il décrit ressemble à la notre.
Incapacité des élites à proposer des projets. Populisme. Démagogie. Indifférence de la majorité des habitants. Boulevards grands ouverts aux «entrepreneurs» aux «décideurs» quelque soit leurs motivations.
Pour moi, la fin est décevante. Je ne vous la livrerai pas.
Laissons la conclusion à Claude Galmont, 53 ans, juriste :
«Le conformisme est comme un gaz ; plus le bocal est petit, plus la pression s'accentue.»
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